08/10/2025
« C’est vous qui traitez les mannequins de bordelles ou d’homosexuels ! »
La question de la baisse du niveau de la mode au Burkina Faso a été posée par le journaliste Marius Diessongo lors de la conférence de presse de la 13e édition de Folies de mode.
Sébastien Bazemo et Korotimi Dao, deux figures bien connues de la mode burkinabè, n’ont pas mâché leurs mots sur le sujet.
Sébastien Bazemo pointe du doigt les acteurs du secteur, notamment les jeunes mannequins et stylistes.
« Aujourd’hui, on n’a pas besoin de participer à tous les défilés de mode au Burkina, ça ne sert à rien. Un bon mannequin, si on le voit une seule fois sur un podium, c’est suffisant. Si vous voulez qu’on voie votre visage dans tous les défilés comme celui du quartier ou du marché, forcément, on ne vous prend plus au sérieux. Il faut défiler là où l’on peut mieux parler de vous.
Aujourd’hui, on me demande pourquoi ce sont toujours les mêmes stylistes que j’invite à mes événements. Moi, je choisis des stylistes qui ont fait de ce travail leur métier : ils ont un atelier, du personnel, ils payent leurs impôts et peuvent vendre l’image du Burkina Faso. Je ne fais pas dans le copinage. Pour mon événement, je ne cherche pas à vendre des tickets : ce n’est pas un concert. Je cherche de futurs clients, et mes tenues ne coûtent pas 100 000 F. Donc, je n’invite pas des gens qui ne peuvent pas se les offrir. »
Quant à Korotimi Dao, fondatrice de la marque Koro DK Style, elle estime que le problème vient de la perception que la société a de la mode et elle pointe du doigt les journalistes.
« On ne fait plus rêver parce qu’on n’a pas les moyens de travailler pour vous faire rêver. Vous, journalistes, vous aimez écrire sur des personnes qui ne sont pas du domaine de la mode, sans chercher à savoir quel est leur parcours, quelles études elles ont faites, quels diplômes elles détiennent. Aujourd’hui, un journaliste peut devenir styliste, un avocat peut être créateur, un fonctionnaire qui vient acheter chez nous devient notre concurrent.
On ne fait plus rêver parce que le jeune qui n’est pas allé à l’école crée son atelier de couture, et ce sont les journalistes qui vont parler de lui. Cela nous décourage.
J’ai connu de très grands mannequins, mais beaucoup ne sont plus là. Certaines sont aujourd’hui mères de famille, d’autres sont passées à autre chose, parce qu’on ne leur a pas donné leur place.
Être mannequin, c’est être traité de bordelle, de femme facile ou d’homosexuel. C’est ce que vous écrivez sur ces personnes, ternissant ainsi leur image. Pourtant, le mannequin est un véritable portemanteau pour le créateur.
Si le mannequinat est aujourd’hui banalisé, c’est aussi de votre faute, parce que vous ne leur donnez pas leur place. Nous sommes dans le même bateau, et c’est ensemble que nous devons faire avancer les choses. Si la culture d’un pays ne se porte pas bien, ce pays ne peut pas aller bien. »
Propos recueillis par Wend Kouni de AFRIYELBA