10/07/2025
Chronique de la semaine
Les enfants de l’oubli : Djougou se meurt, ses jeunes se détruisent.
Amis auditeurs, bonsoir.
Bienvenue à Djougou. Une ville où, désormais dans les ruelles, ce ne sont plus les marchés ni les mosquées qui attirent les regards, mais plutôt ces petits attroupements à l’ombre des kiosques, dans les coins de rue. Des lieux où l’on ne vend ni téléphones, ni beignets, mais des instants d’évasion.
Ici, les jeunes ne rêvent plus de diplômes, trop banal, trop lent. Ils rêvent d’atteindre les étoiles par la fumée.
Dans les coins de rue des quartiers, ça fume, ça plane, ça s’évapore. Leurs yeux brillent, non de savoir ni d’ambition, mais de dilatation de pupilles. Ils sont là, nos petits frères. Assis dans la poussière, yeux rouges, regard perdu.
À l’aube, à midi, à la tombée de la nuit, toujours un sachet à la main, une pipe bricolée, une dose en cachette. Ils rient sans joie, dansent sans musique, vivent sans avenir.
Ils ont 17 ans. Parfois moins. Et connaissent mieux le nom des drogues que celui de leurs droits : Tramadol, codéine, diazépam, colle, cannabis…Voilà leurs compagnons.
Et tout le monde voit. Mais détourne les yeux. Le quartier sait. Les parents devinent… parfois savent, mais ne réagissent plus.
Qui les a abandonnés à ce destin brisé ? L’école ? Les familles ? L’État ? Ou nous tous, complices par indifférence ?
On préfère accuser que comprendre. On préfère réprimer que prévenir. Mais pendant qu’on parle… ils meurent à petit feu.
Les signes sont visibles : violences urbaines, vols, troubles mentaux. Des jeunes jadis pleins de vie deviennent des zombies ambulants, perdus entre réalité et hallucination.
Et ce ne sont pas que des « délinquants ». Ce sont nos enfants. Nos frères. Nos voisins.
Ils rêvaient d’être chauffeurs, enseignants, footballeurs, artistes…
Aujourd’hui, ils veulent juste planer. Oublier. Dormir. Disparaître.
Et nous, que faisons-nous ?
Quelques arrestations, un sermon en mosquée, une promesse en réunion. Puis le vide. Et la rue les reprend.
Il est temps de briser le silence. De parler. De créer des centres. Du travail. D’écouter. D’éduquer. D’aimer. De prendre ces jeunes par la main avant que la tombe ne les appelle.
Parce qu’un jeune qui se drogue est un cri que personne n’a entendu.
Issifou ALIDOU
Je suis de ceux qui cherchent les mots pour faire parler le silence.
Ceux qui expriment, avec sincérité ce que beaucoup ressentent sans pouvoir le dire.
À jeudi prochain sur Solidarité FM.