
14/02/2025
FILIÈRE PATATE DOUCE AU BÉNIN
Un levant de croissance économique et de sécurité alimentaire
La filière de la patate douce, longtemps négligée, connaît un essor remarquable au Bénin. Grâce à ses bienfaits nutritionnels et à sa polyvalence, ce tubercule devient un acteur clé dans l’agriculture béninoise, avec une demande locale croissante et des opportunités de transformation industrielle. Toutefois, pour pleinement exploiter son potentiel, la filière doit relever plusieurs défis, notamment en matière de productivité, de stockage et de transformation.
Ulrich DADO TOSSOU
La patate douce, autrefois reléguée au rang de culture secondaire, s'impose aujourd'hui comme un levier de croissance économique incontournable au Bénin. Portée par une demande locale croissante et une diversification des produits transformés, cette culture devient progressivement un moteur de développement pour les régions productrices et un enjeu stratégique pour l’agriculture nationale.
La filière patate douce connaît un essor notable, comme l’indique le dernier bulletin d'informations de l’Observatoire du commerce, de l'industrie et des services (Ocis). Ce tubercule, jadis considéré comme une culture secondaire, a vu son importance croître ces dernières années, en particulier en raison de l’augmentation de la demande et de la création de nouvelles unités de transformation. Aujourd’hui, il est consommé sous diverses formes : tubercules frais, frits, bouillis, mais également en farine, chips, gari, et même en confiture. L’intérêt pour ses qualités nutritionnelles, notamment sa richesse en vitamines et minéraux, contribue largement à sa popularisation.
En 2023-2024, la production nationale de patate douce a atteint 77 477 tonnes, marquant une augmentation significative par rapport à 2017, où seulement 58 145 tonnes avaient été produites. Le département de l’Atlantique reste le principal producteur, avec 18 774 tonnes, soit 24,2% de la production nationale, suivi par l’Ouémé et l’Atacora. La culture se concentre principalement dans le sud du pays, où les conditions climatiques sont favorables et proches des marchés de consommation. Toutefois, des initiatives sont en cours pour étendre la culture à d'autres régions à fort potentiel agricole, grâce à l'appui d'Ong et d’organismes gouvernementaux.
La demande croissante pour la patate douce ne se limite pas à la consommation locale. De nouvelles unités semi-industrielles et artisanales se sont développées, produisant des dérivés du tubercule comme la farine enrichie en bêta-carotène ou des produits fermentés. Des entreprises locales investissent également dans la production de chips, de confiture et de gari, contribuant à la diversification des produits et à la création d’emplois. Ces transformations offrent également une opportunité d’exportation vers les pays voisins tels que le Togo et le Nigeria, générant ainsi des revenus supplémentaires pour les producteurs béninois.
Cependant, malgré ce potentiel, plusieurs défis demeurent. La conservation de la patate douce reste problématique en raison de sa forte teneur en eau, ce qui réduit sa durée de stockage et génère des pertes après récolte. La productivité, estimée à 6 tonnes par hectare en moyenne, est encore bien en deçà des standards mondiaux qui avoisinent 11 tonnes par hectare. Le manque d'infrastructures adéquates de transformation et de conditionnement constitue également un frein à l’expansion du marché.
L'absence d’une organisation structurée des acteurs de la filière, associée au manque de financement, limite les possibilités de développement. De plus, la recherche agronomique doit être renforcée pour améliorer les rendements et développer des variétés plus résistantes et mieux adaptées aux conditions climatiques locales. Un soutien accru à l'industrialisation, ainsi qu’à la mise en place d'infrastructures de stockage, pourrait permettre à la filière de surmonter ces obstacles.
Pour assurer une croissance durable de la filière, il est essentiel de structurer davantage le secteur, notamment par la création de coopératives de producteurs, facilitant ainsi l’accès aux financements et aux marchés. Le cadre réglementaire et la certification des produits doivent être améliorés pour garantir une compétitivité accrue sur les marchés locaux et internationaux. En parallèle, des efforts pour sensibiliser les consommateurs et les industriels aux avantages nutritionnels et économiques de la patate douce contribueront à dynamiser la demande et à accélérer la structuration de la filière.
La filière patate douce présente de nombreuses opportunités pour le Bénin. Si les défis actuels sont relevés, elle pourrait devenir un moteur de croissance économique et de sécurité alimentaire, tout en jouant un rôle crucial dans la diversification des revenus agricoles du pays. Grâce à des investissements en infrastructure, en recherche et en coopération public-privé, la patate douce pourrait véritablement s'imposer comme une culture phare au Bénin, avec des perspectives prometteuses tant sur le marché local qu'international.