08/26/2025
Guillaume Couillard s’oppose à un ordre ferme de Samuel de Champlain.
En juin 1628, la petite colonie de Québec s’inquiète de ne pas voir les ravitaillements de la métropole s’amener. En effet, la flotte de Roquemont qui devait amener le ravitaillement se fait intercepter par les frères Kirke. Champlain apprend aussi que les Anglais sont à Tadoussac. C’est la catastrophe déjà que les vivres commencent à manquer dangereusement.
« Cependant, il nous fallait aviser de quel bois on ferait flèche. Pour nous garantir des inconvénients qui pouvaient arriver, nous trouvâmes à propos de mettre tous nos hommes à chercher du brai dans les bois et les sapinières, suffisamment pour brayer une barque et une chaloupe, afin de les envoyer à Tadoussac, de charger de vivres la plus commode et de l’amener à Québec, pour plus facilement et commodément mettre les personnes que nous voulions renvoyer à Gaspé, afin de trouver un passage auprès des vaisseaux qui étaient aux côtes pour s’en retourner en France. La diligence de tout un chacun fut telle qu’en moins de cinq à six jours nous en eûmes suffisamment. De là, nous allâmes au cap Tourmente tuer un bœuf, afin d’en avoir le suif, pour le mêler avec le brai. On fit faire aussitôt de l’étoupe avec de vieux cordages, ramassant toutes choses au moins mal que l’on pouvait pour nous accommoder, et au nombre de ceux qui devaient retourner, on mit deux familles [probablement la famille d’Abraham Martin et celle de Pierre Desportes] qui n’avaient pas un pouce de terre pour pouvoir se nourrir, étant entretenus grâce aux vivres du magasin, car tout cela ne nous servait à rien, qu’à manger nos vivres, les dix personnes qui étaient dans ces deux familles, hormis les deux hommes qui pourraient être employés, l’un comme boulanger et l’autre qui servait de matelot.
Or, quand toutes les choses furent prêtes, il ne restait plus qu’à trouver un homme qui fût entendu à calfeutrer la barque et à l’accommoder de ce qui lui était nécessaire. Nous nous adressâmes à un habitant du pays, qui se nourrit de ce qu’il a défriché au pays, appelé Couillart, bon matelot, charpentier et calfeultreur, qui ne pouvait être employé qu’en cas de nécessité, auquel nous mettions toute notre assurance qu’il nous secourrait de son travail et de son industrie, d’autant que, depuis quinze ans qu’il avait été au service de la compagnie, il s’était toujours montré courageux en toutes choses qu’il faisait et qu’il avait gagné l’amitié de tout un chacun. Nous faisions ce que l’on pouvait pour lui et, quant à moi, je ne m’y suis pas épargné, en tout ce qu’il avait à faire. Enfin, je lui dis qu’il était nécessaire, n’ayant personne en notre habitation, qu’il allât à Tadoussac pour charger de vivres cette barque.
Il chercha toutes les excuses qu’il put pour s’en exempter, assez mal à propos et sans raison, ce qui me fit lui tenir quelques propos fâcheux. Bref, pour toute conclusion, il dit qu’il avait peur des Sauvages, qu’ils ne l’assommassent. Pour le relever de cette appréhension, je lui fis l’offre de lui donner une chaloupe bien équipée d’hommes et d’armes et d’envoyer mon beau-frère pour le rassurer. Tout cela ne servit à rien, sinon que pour accommoder deux chaloupes qui étaient en notre habitation, il le ferait volontiers, mais d’y aller, il craignait pour sa peau et ne voulait pas abandonner sa femme, pour veiller sur elle. Je lui dis : « Vous l’avez tant de fois laissée seule avec sa mère par le passé. Allez, lui dis-je alors, vous perdez toutes les conditions que l’on pouvait espérer d’un homme de bien. Si ce n’était pour si peu, je vous ferais mettre prisonnier, pour la désobéissance que vous faites en une nécessité. Vous desservez le roi en tout ceci. Néanmoins, on avisera à ce que l’on aura à faire. » Le sieur du Pont et moi avisâmes que de se servir d’un homme par force, on n’en aurait jamais une bonne issue, et qu’il fallait s’en passer, et qu’il nous calfeutrât deux chaloupes, n’en pouvant tirer un autre service. »
(Extrait dans Les œuvres complètes de Champlain T2, Thierry, Eric, Éditions Septentrion 2019, p. 987-988)
Guillaume Couillard n’est pas un pleutre, même s’il admet qu’il a peur d’une attaque de « Sauvages » sur sa personne, mais avec la mort du patriarche Louis Hebert l’année précédente, il est devenu le soutien de la famille. Il se doit donc de demeurer près des siens pour les protéger.
📸 Guillaume Couillard, figure au monument Louis-Hébert, parc Montmorency, Québec source: Wikipedia