28/09/2025
"JE MOURRAI COMME GANDHI", AVAIT DIT LUMUMBA
Le 29 septembre, Lumumba sort en public pour la premiere fois. II parcourt la cité noire de Léopoldville accompagné de MM. Gbenye, Bochele et Grenfeels. Puis, il se dirige vers Bandalungwa. Dans un bar appelé « Central », il danse le cha-cha-cha. Ce jour-la, il a tout bouleversé. II a bu, il a dansé et il est sorti avec une jolie femme Lulua pour provoquer les Baluba.
Pendant qu'il dansait, le public applaudissait. Saisi d'une exaltation enthousiaste, il revient à ses methodes de directeur commercial de la biere « Polar ». Il prend le micro, et sa voix pénétrante souffle les paroles de patriotisme à une foule de plus en plus immense. II parle plus de trente minutes, et le public crie : « Mobutu, Kasavubu au poteau. »
La foule s'inquiert du lieu où ils habitent pour aller les lyncher, mais elle ne peut l'apprendre.
A 21 heures, Lumumba se dirigea vers mon domicile, 75, rue Albert 1er. II y tient un grand discours devant les journalistes, dans lequel il stigmatise l'action américaine au Congo. Se tournant vers nos camarades (MM. Grenfeels, Gbenye et Bochele), il leur dit : « Voila Kashamura, avec lui, nous avons combattu depuis le debut de notre carrière politique. Pour moi c'est fini. Je sens que je vais mourir. Je mourrai comme Gandhi. Si je meurs demain, c'est qu'un étranger aurait armé un Congolais. Vous tous vous allez un jour me trahir, sauf Kashamura. »
Se tournant vers moi, il me jette un regard vif mais, cette fois-ci saisi d'un pressentiment de ce qui allait lui arriver, il me dit : « Anicet, vous continuerez mon ceuvre. » "
Mon salon était plein de journalistes, de fiashs et de cameras. Ils faisaient semblant de nous photographier, en fait ils attendaient que Mobutu vienne nous arrêter sur-le champ, parce qu'ils en avaient eu l'écho auparavant. Et, en effet, les soldats de Mobutu étaient en route, ils venaient arrêter Lumumba pour avoir tenu une conference de presse, bien que neutralisé », et moi-meme, pour avoir reçu chez
moi un « rebelle » attaquant les nouveaux dirigeants. J'insistai en Swahili pour que Lumumba parte. Mais il continua à boire un verre de bière tranquillement. II abandonna un peu la politique et s'eclipsa dans une autre pièce pour s'entretenir avec des camarades militantes, Yvonne Olenga et Françoise Kisonga.
Peu apres, il s'en alia.
De Lumumba aux colonels, Anicet Kashamura, 1966