
09/07/2025
Centrafrique : l'UPC ou la machine de la mort ?
Depuis près d’une décennie, l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC), groupe armé issu de l’ex-coalition Séléka, s’est rendue coupable d’une série d’atrocités à répétition dans le centre et le sud-est de la République centrafricaine. À tel point qu’une question, douloureuse mais légitime, s’impose : l’UPC est-elle devenue une véritable machine de mort ?
Les faits parlent d’eux-mêmes. Entre 2016 et 2020, l’UPC a mené des attaques systématiques contre les civils, souvent à des fins de représailles, de contrôle territorial ou d’exploitation des ressources minières. Des villages entiers ont été incendiés. Des familles massacrées. Des prêtres assassinés. Des humanitaires pris pour cibles. Le groupe armé, dirigé par Ali Darassa, a bâti son influence par la terreur.
Une longue litanie de violences
En septembre 2016, l’UPC attaque les villages entre Kouango et Bianga, faisant 6 morts et 2 000 déplacés. En octobre, elle provoque le retrait des forces de sécurité de Bambari après avoir tué six gendarmes à Grimari. Puis, le 15 octobre, les déplacés de Ngakobo sont ciblés : 13 morts, 13 blessés.
Mais l’un des épisodes les plus tragiques survient en décembre 2016 à Bakala. Selon Human Rights Watch, au moins 32 civils sont exécutés par les éléments de l’UPC dans un contexte d’affrontement avec d'autres groupes armés. Le bilan global s’élèverait à près de 200 morts.
Les années suivantes confirment la spirale meurtrière : Mars 2017, Yassine : 18 morts, dont 10 enfants.
Août 2017, Gambo : attaque d’un centre médical, 45 civils tués, dont 10 membres de la Croix-Rouge.
Novembre 2018, Alindao : près de 100 morts sur un site de déplacés, deux prêtres assassinés.
Janvier 2019, Ippy : fusillade lors d’une cérémonie mortuaire, 16 morts, 21 blessés.
Les régions de Bambari, Bria, Alindao, Tagbara, Zangba, Pombolo, Mobaye, pour ne citer qu’elles, portent encore les cicatrices de ces vagues de violences. Les hôpitaux, les églises, les commissariats — lieux censés être protégés — ont été pris pour cibles. À chaque attaque, les populations fuient, abandonnant maisons, champs, et parfois des proches dont les corps restent sans sépulture.
Impunité et inertie
La signature de l’Accord de Khartoum en février 2019, censé intégrer les groupes armés dans un processus de paix, n’a pas suffi. L’UPC a poursuivi ses opérations meurtrières et a même joué un rôle actif dans la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), la rébellion lancée en décembre 2020 contre le gouvernement central.
Face à cette impunité persistante, de nombreuses voix s’élèvent. Des associations locales, des ONG internationales et des communautés religieuses réclament que les responsables soient traduits devant la justice, notamment la Cour pénale spéciale (CPS) ou la Cour pénale internationale (CPI).
Aujourd’hui encore, le nombre réel de victimes reste inconnu. Dans de nombreuses zones reculées, aucun journaliste, aucun enquêteur n’a pu accéder aux villages ravagés. Des témoignages parlent de fosses communes, de disparus, d’orphelins livrés à eux-mêmes. Ce silence, plus que l’oubli, est un danger : il prépare les conditions d’un éternel recommencement.
En ce 9 juillet 2025, de nombreuses familles centrafricaines observent un jour de deuil symbolique pendant que le pouvoir en place déroule le tapis pour accueillir Ali Ndarassa, chef de l'UPC. Pour les morts sans nom. Pour les crimes sans procès. Pour les générations entières qui ont grandi dans la peur : « L’UPC nous a tout pris. Nos enfants, nos terres, notre dignité. Mais pas notre mémoire », confie un survivant déplacé de Bakala.
Le combat contre l’UPC ne peut se limiter au terrain militaire. Il doit aussi être juridique, historique, et mémoriel. Car la paix véritable ne peut naître que de la justice. Et la justice commence par la vérité.