23/06/2025
Les éditions d’en bas ont l’immense tristesse d’annoncer la disparition de Jean Richard, qui s’est éteint, le 21 juin à Lausanne, à l’âge de 71 ans.
Dès son plus jeune âge, Jean Richard rêvait de travailler dans le milieu du livre. Né au Lesotho, en Afrique australe de parents suisses, le second d’une fratrie de 4 enfants, il a suivi les pas de son père typographe et imprimeur, a étudié la littérature et l’histoire d’abord à l’Université de Grahamstown en Afrique du Sud, puis à l’Université de Genève. Son amour du livre l’a d’abord amené à être libraire, puis à travailler aux éditions Zoé, pendant plus de 13 ans, aux côtés de Marlyse Piertri, où il s’est principalement occupé de la mise en place de la diffusion par Hamonia Mundi et de la littérature africaine. En 2001, il reprend le flambeau des éditions d’en bas à la suite de Michel Glardon. Il a continué à porter des titres engagés et à pérenniser des collections existantes tout en valorisant la littérature, notamment traduite pour dépasser les frontières linguistiques entre les régions de Suisse et au-delà, grâce à des traductions de textes en prose ou de textes poétiques, afin de rendre visible le vécu de l’autre. Ce faisant, il fait perdurer l’esprit des éditions d’en bas : donner la parole aux personnes sans voix, au gens d’en bas. Selon lui, l’aspect littéraire et social sont liés car la littérature participe à la construction de soi et d’un monde autant que les sciences humaines, et le travail sur la langue est le meilleur instrument de lutte contre les idéologies. En 2002, il a participé à la création de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants dans laquelle il a œuvré pour la « petite » édition et l’expansion de la littérature africaine en occident et en Afrique en soutenant notamment des co-éditions Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud, afin de donner accès à des titres pensés dans un contexte culturel propre au lieu, et au prix du marché local. Il a été l’un des instigateurs du Salon africain au sein du Salon du Livre et de la Presse de Genève, pendant de nombreuses années où il a œuvré pour promouvoir et faire reconnaître les littératures du continent africain. Son engagement dans le monde de l'édition a été reconnu, notamment en 2013 où il a été nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres françaises, puis par le Prix Enrico Filippini en 2021, pour son courage, sa créativité et son esprit d’innovation.Avec cinq autres éditeurs, il fonde en 2016 l’association « Les insécables : éditeurs suisses d’art, de littérature et de combats ». Une organisation à la fois associative et participative visant à promouvoir et à faciliter des projets autour des productions de chaque maison d’édition, ainsi que des performances, salons, rencontres, autant d’activités qui valorisent l’édition suisse de qualité. Au cours de sa carrière, ainsi que dans sa vie privée, Jean s’est battu pour faire entendre les voix de celles et ceux qui sont marginalisés et minorisé face à des oppressions systémiques qu’il tenait à dénoncer. C’était un tisseur de lien qui aimait faciliter les rencontres et confronter les idées. Idées qu’il défendait avec conviction, car non seulement il y croirait, mais surtout elles faisaient bouger des lignes qui semblaient trop souvent immuables. Il aimait les gens et la vie. Et c’est avec ce même élan vital et sa grande curiosité qu’il a pris au corps son myélome multiple en 2019. C’est avec courage et force qu’il a appris, lu, commenté, partagé et participé à des essais cliniques et différentes recherches, il a même su trouver de la poésie dans les cellules folles de ce cancer de la moelle osseuse. Durant toute ses années de collaboration et d’amitié, nous avons eu la chance créer avec lui un catalogue qui perdure et qui donne à lire des textes importants sur des thématiques de société. Les personnes qui l’ont rencontré, ont connu un homme plein de vivacité au sourire espiègle, et au rire tonitruant et contagieux. Un vrai Mensch, un homme d’une profonde humanité. Les éditions d’en bas se joignent à la douleur de sa famille et de ses proches. L’équipe des éditions d’en bas
© François Graf – Strates Photographies