11/08/2025
Tidjane Thiam, le prédicateur qui s’exempte de son sermon
Dans son discours du 08 août 2025, Tidjane Thiam s’érige en grand prêcheur du dialogue national, brandissant comme caution morale la Conférence Episcopale et la Fédération Evangélique.
Etrangement, son inspiration s’arrête aux portes des mosquées, comme si la neutralité apolitique des associations musulmanes lui était insupportable.
Alors que le clergé catholique s’est exprimé à plusieurs reprises notamment en 2023 puis en 2025 bruyamment contre la candidature d’Alassane Ouattara, les voix musulmanes ont choisi, par respect du principe de neutralité, un silence assumé.
Tidjane Thiam préfère, lui, s’agripper au chœur plus sonore et médiatique des tribunes chrétiennes, où l’engagement public frôle parfois le rite sacré.
Le peuple n’a pas besoin d’oracles pour opérer un changement.
Lui, Tidjane Thiam, qui affirme que les Ivoiriens « ne veulent plus vivre dans la hantise d’un conflit » présente le changement comme un impératif de survie nationale.
Mais là encore, le masque tombe. Dans un système démocratique, nul besoin de prophètes pour sanctionner un pouvoir.
Les citoyens disposent d’un outil pacifique et imparable : le vote.
Si Tidjane Thiam croit vraiment à la sagesse populaire qu’il invoque, il sait que les Ivoiriens, s’ils sont lassés de Alassane Ouattara, peuvent choisir librement n’importe quel autre candidat.
En démocratie, on ne supplie pas le peuple, on le convainc, une nuance que son ton alarmiste fait semblant d’ignorer.
D’ailleurs, l’enthousiasme populaire qui a accueilli Alassane Ouattara à Bouaké lors de la fête de l’indépendance suffit déjà à démentir ses prophéties.
Leçon de démocratie ou exercice d’amnésie
contradiction du destin, Tidjane Thiam, chantre proclamé des règles démocratiques, s’est lui-même frayé un chemin à la tête du PDCI par une entorse magistrale aux statuts du parti.
A l’écouter, on croirait que son accession à la présidence du PDCI s’est faite dans la transparence la plus immaculée. Or, il sait mieux que quiconque, que sa propre élection interne a contourné les usages, court-circuité les figures emblématiques, historiques, pour s’imposer avec la complicité de la présidence intérimaire sans véritable consensus. Le donneur de leçons oublie ici de joindre le geste à la parole.
Des maximes en guise de boomerang
La contradiction atteint son sommet lorsqu’on relit, prononcées avec l’air sentencieux d’un vieux sage, les maximes qu’il lance à celui qu’il accuse de s’accrocher au pouvoir en disant :
« Savoir comprendre quand il faut partir : c’est de la sagesse ».
« Être capable de le faire : c’est du courage ».
« Pouvoir partir la tête haute : c’est de la dignité ».
Taillées pour orner un manuel de citations, ces phrases auraient pu lui servir de miroir.
Mais au lieu de s’y refléter, il les brandit comme des projectiles contre les autres, oubliant que son propre parcours au PDCI en incarne l’exact contraire : comprendre qu’il fallait s’effacer ? Non, Tidjane Thiam n’a pas eu de sagesse.
Être capable de le faire ? Non, Tidjane Thiam n’a point eu de courage.
Partir la tête haute ? Tidjane Thiam a préféré s’installer sur le trône, au mépris des textes et de toutes les procédures.
Le prédicateur qui s’exempte du sermon
La rhétorique de Tidjane Thiam est donc doublement calculée : elle caresse les mécontents dans le sens du poil tout en façonnant l’image flatteuse d’un sauveur providentiel.
Mais derrière le vernis du conciliateur, se dissimule un stratège narcissique, habile à manipuler les symboles religieux et affectifs.
Il instille la crainte d’un conflit pour mieux la recycler en capital politique, et se permet de juger les autres là où lui-même a trébuché.
Sagesse, courage, dignité, mais pour les autres
En définitive, ce discours relève moins de l’art du dialogue que de la vieille mécanique du prêcheur qui s’exonère de ses propres sermons.
La sagesse, le courage et la dignité qu’il réclame sont, pour l’instant, des vertus qu’il distribue à haute voix, sans les avoir inscrites à son propre compte.
Rappelons que dans la politique ivoirienne comme ailleurs, les plus beaux mots sont souvent les plus mal appliqués par ceux qui les prononcent.
Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur