31/08/2025
Mali:
Vérité en déça de Farabougou, mensonges au-delà, à Bamako.
C'est comme si le Mali était un pays à deux vitesses: d'un côté, les calvaires des populations à cause de l'emprise totale des djihadistes sur le territoire national et de la médiocrité au sommet de l'Etat, de l'autre, les fanfaronnades de la junte , destinées à faire croire que tout va bien pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce contraste saisissant vient, aujourd'hui, en particulier, de Farabougou dont la nouvelle situation surréaliste confond le pouvoir militaire dans ses grossiers mensonges et montages. Il est notoirement établi désormais que les groupes terroristes et les rébellions armées sont maîtres du jeu et sont dans tout le Mali, à l'exception notable de Bamako, pour le moment, en territoire conquis.
Vendredi 29 août 2025, le GSIM a tenu sa deuxième prière comme il est d'usage et selon le rituel en ce ce jour particulier de la semaine pour tout musulman. C'est encore une preuve que Farabougou est sous le contrôle absolu du GSIM qui, aux abords de la ville a installé des embuscades et tendu des pièges pour se prémunir et se protéger contre toute tentative d'infiltration ou tout éventuel assaut des FAMA et de leurs supplétifs russes. Toutes les issues, entrées et sorties ont été verrouillées pour parer à toute éventualité.
Alors que les conquérants occupent le terrain et se préparent chaque jour à toute confrontation ou contre toute attaque, la junte persiste dans le déni et se console avec ses illusions. On fait bon cœur contre mauvaise fortune dans l'espoir de sauver la face. Aussi, parle-t-on de repli à la place d'une déroute, de "réajustement " au lieu de recul, de "stabilisation" plutôt que de reconnaître un fiasco, une impuissance.
Et cerise sur le gâteau, le premier ministre du pouvoir auto-proclamé, Abdoulaye Maiga, sans sourciller, ose affirmer que le "JNIM est en perte de vitesse". Sans doute habitué à l'humour caustique et friand d'ironies parfois inappropriées, a-t'il voulu dire que le groupe a le vent si en poupe qu'il a brisé leur élan de propagande et ruiner leurs derniers espoirs de j***r, indéfiniment, d'un pouvoir mal acquis et extrêmement toxique. On ne peut expliquer autrement son abus de langage. Ses propos arrivent au moment où précisément les groupes djihadistes réussissent à détruire des unités industrielles, à saborder l'économie et à précipiter la faillite de tout le pays.
Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, sinon tout le monde est unanime que loin de battre en retraite ou de perdre du terrain, les djihadistes déroulent, tranquillement, leur agenda en se hâtant lentement, en tissant leur toile d'araignée. La méthode est bien réfléchie et la stratégie, longuement, mûrie.
Le déni se heurte à la force du réel. Certes il y'a un choix délibéré de nier l'évidence mais ce n'est pas une posture tenable, dans la durée, à l'épreuve du temps et des faits. Tout pouvoir qui cherche à mentir, veut fuir la réalité est voué à l'échec et condamné à disparaître. La junte croit pouvoir travestir la réalité à défaut de parvenir à la changer. Donc, la propagande, le déni, le mensonge sont la religion d'Etat, la doctrine officielle.
C'est aux Maliens de payer le prix fort de l'incompétence de leurs dirigeants et de subir au quotidien, la mauvaise gouvernance: routes assiégées, axes vitaux entravés, villes tenues par l'ennemi, peur diffusée par l'inaction.
L'armée au garde-à-vous, la réalité revient au galop
Le naufrage malien est venu aussi des dysfonctionnements et des failles dans la chaîne de commandement. Plus aucune capacité opérationnelle. C'est la chienlit : des querelles intestines, de l'amateurisme, de la défiance. Il a été institué au palais présidentiel, koulouba, un conseil suprême des forces armées ". L'organe ad hoc , transpire le népotisme et s'apparente à un conseil de famille. Il est co-dirigé par le Général Yamoussa Camara (oncle paternel de Assimi Goita) et le Général Dahirou Dembélé (oncle aussi de Assimi Goita, maternel cette fois). Les deux officiers sont tous les deux, d'anciens ministres de la Défense d'IBK.
Le fossé est grand entre les différents intervenants à telle enseigne que les mercenaires russes de "Africa corps " refusent d'obtempérer : selon plusieurs sources militaires, ils se plaignent qu'on leur donne des coordonnées qui ne sont jamais exactes. Les troupes importées ne veulent se soumettre à l'autorité ni obéir aux injonctions des nouveaux donneurs d'ordres auxquels ils ne reconaissent aucune légitimité ni n'accordent aucun crédit. Telle est la triste vérité. Lorsqu'il y'a de l'insubordination ou des actes de dissidence dans une entité, elle se vide de son essence et perd toute substance.
Que reste-t-il de l'alliance des premières heures, des pactes scellés entre frères d'armes? Pas grand-chose. Sadio Camara, ministre de la défense, architecte du partenariat avec les russes et homme de confiance de Moscou, a été, méthodiquement, écarté des opérations. Dés lors, l'interface politico-militaire avec un précieux allié est perdu. Et, puisqu'il n'y a plus de courroie de transmission, il n'y a plus de fluidité dans l'information ni communion d'esprits et de cœurs. Le désordre s'installe et les actes de défiance sont marqués et très fréquents : les russes se rebellent, le commandement ne contrôle pas le terrain. Pendant ce temps, les unités locales, observent, louvoient et desobéissent aux ordres parfois. C'est une atmosphère de chaos et de fin de règne annoncée et inéluctable.
Farabougou ou la face cachée de l'empire.
A Farabougou, le GSIM ne s'est pas contenté de parader et partir après sa victoire comme c'est le cas la plupart du temps. Il a posé ses valises et pris le contrôle d'un territoire pour se substituer à l'Etat et à l'administration du terrotoire. Il gouverne dans le temps (maître des horloges) et dans l'espace (territoire bien délimité et circonscrit). A la clé, une arme de dissuasion afin d'inspirer la crainte (embusacades).Tous les événements survenus à Farabougou comme la prière du vendredi, deux fois consécutives, suffisent pour graver dans les esprits l'idée qu'il y'a désormais un nouveau maître. Bamako détourne le regard et feint d'ignorer que la vapeur a été renversée. On s'accroche à la chimère d'une reconquête " imminente" qui n'est pas planifiée ni possible dans l'état actuel des rapports de force. La reconquête envisagée n'est qu'un leurre. Un de plus !
Il n'y a pas de base, de logistique adéquate, ni renseignements fiables, ni un commandement homogène. Trop de bruits pour rien, que des bravades dans des communiqués lenifiants et des déclarations tapageuses.
Et, l'économie, dans tout ça? Ruinée. Les usines partent en fumée, les chaînes d'approvisionnement rompues, les recettes fiscales fondent. Les salaires deviennent aléatoires. Le terrorisme a compris que frapper l'outil de production revient à agenouiller la société sans ouvrir le feu sur les populations. Les groupes armés mènent une guerre d'usure consciente et bien calculée. Les djihadistes ont une longueur d'avance sur l'Etat qui est pris au piège de l'inertie bureaucratique.
Le théâtre d'ombres du "conseil suprême" : le clan et la tribu avant l'Etat.
Appeler, pompeusement, "conseil supérieur ", une instance où s'aglutinent des parents du chef, inféodés à lui, c'est prendre l'Etat pour la famille. Yamoussa Camara et Dahirou Dembélé ont peut-être obtenu des galons, mais ne commandent pas le terrain. Un acte de nomination ne confère pas automatiquement du pouvoir ou n'impose l'autorité. Il faut de la crédibilité, de la légitimité. La désobéissance touche toutes les troupes mobilisées de l'intérieur comme de l'étranger . Les FAMA refusent de s'engager dans des missions à hauts risques sans couverture aérienne conséquente.
Les supplétifs russes refusent d'exécuter des ordres jugés inappropriées et périlleux.
A court terme, il y'a des risques qui couvent notamment la paralysie opérationnelle qui pourrait se traduire par l'anarchie au sein des troupes portées à ne pas exécuter des ordres et à ne pas se soumettre à la hiérarchie. De nouveaux territoires pourraient être aussi perdus.
Farabougou est l'illustration d'un Mali en chute libre, en pleine dislocation. Une fois que la traditionnelle prière du vendredi s'y est tenue sous administration djihadiste, en toute quiétude et dans la banalité, l'acte déborde du cadre religieux . C'est une source de légitimation.
La population s'adapte à la nouvelle situation, par prudence, par nécessité, par instinct de survie.
La junte essaye de donner le change par de multiples artifices et expédients. Elle gesticule pendant que les djihadistes écrivent l'histoire et se font maîtres du moment.
On ne sort pas d'une septicémie par des slogans à sensation, sans portée ni retombée.
Il est temps encore d'ouvrir les yeux sur la vérité qui fâche et dérange ou de continuer à se bercer de mensonges et d'illusions. La vérité rédemptrice ou le mensonge fatal ?
Samir Moussa
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