01/09/2025                                                                            
                                    
                                                                            
                                            Le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique Adama Diawara :
À l’occasion de la réunion de rentrée scolaire 2025-2026, organisée par le Ministère de l'Education Nationale et de l'Alphabétisation (MENA), ce lundi 1er septembre 2025, au Lycée Classique d’Abidjan, j’ai eu l’insigne honneur, en qualité d’Invité Spécial de cette cérémonie, de prononcer une conférence ayant pour thème :
« Éducation, Sciences et Développement ».
Ladite communication s’est structurée selon le plan suivant :
Plan :
1. Introduction
2. Déficit d’enseignants dans les matières scientifiques et stratégies de comblement du déficit
3. Désintérêt des élèves et étudiants pour les disciplines scientifiques et stratégies de résolution du problème
4. Conclusion
1. Introduction
Le développement d’un pays repose sur son secteur Education-Formation-Recherche (voir cas de la Corée du Sud : 5.776 étudiants pour 100.000 habitants en 2020, contre 960 en Côte d’Ivoire la même année).
Aussi, la mission principale assignée à ce secteur vital par le Président de la République, SEM. Alassane Ouattara est la suivante :
i) Former des ressources humaines de qualité, capables de contribuer efficacement au développement du pays ;
ii) Apporter des réponses concrètes aux problèmes de développement qui se posent au pays.
L’émergence à laquelle aspire la Côte d’Ivoire, nécessite les changements structurels suivants : rénovation juridique et institutionnelle ; passage d'un type de production agraire à un type industriel ; ouverture au marché mondial des produits et services et aux flux internationaux de capitaux. Malheureusement, dans notre pays, contrairement aux 1er et 3e critères d’émergence, le 2e critère est insuffisamment satisfait, car, entre autres raisons, les STIM, notamment les Mathématiques, la Physique et les Technologies, constituent un important point de faiblesse de notre système éducatif. Les raisons de cette faiblesse sont les suivantes :
i) Le déficit d’enseignants dans les matières scientifiques, lié entre autres au manque d’intérêt des élèves et étudiants pour ces disciplines ; 
ii) L’obsolescence voire l’absence des équipements scientifiques dans les établissements secondaires et supérieurs.
La résolution du deuxième problème nécessite un investissement massif dans l’acquisition des équipements scientifiques de nouvelle génération, ce qui pose le problème de l’insuffisance de financement de notre système éducatif.
Le premier problème et ses stratégies de résolution sont abordés dans le point 2 ci-dessous.
2. Déficit d’enseignants dans les matières scientifiques et stratégies de comblement du déficit
Le déficit d’enseignants en Mathématiques et en Physique-Chimie dans les lycées et collèges est criant :
- Pour les Mathématiques, il est de 417 enseignants au lycée et de 1.036 enseignants au collège ;
- Pour la Physique-Chimie, il est de 325 enseignants au lycée et de 633 enseignants au collège.
Dans les universités et grandes écoles publiques, la situation est identique. A titre d’illustration, pendant qu’il y a un trop plein de docteurs non recrutés en Lettres modernes, Philosophie, Histoire, Géographie, Sociologie, Biosciences et autres, les établissements d’enseignement supérieur ont beaucoup de mal à recruter des Assistants ou des Attachés de recherche en Mathématiques et en Physique. A titre illustratif, en 2024, pour 34 postes d’Assistant ouverts en Mathématiques, il n’y avait que 4 candidats, et pour 35 postes d’Assistant ouverts en Physique, il n’y avait que 7 candidats.
Ce déficit s’explique par l’insuffisance du vivier dans lequel l’ENS (respectivement les écoles/formations doctorales) puise pour former les enseignants de Mathématiques et de Physique-Chimie des lycées et collèges (respectivement des universités). Cette insuffisance de vivier est liée au désintérêt des élèves et étudiants pour ces disciplines scientifiques, et au refus d’embrasser la carrière d’enseignant d’une partie des étudiants qui sont dans ces filières (ils préfèrent les emplois d’Ingénieur, d’Actuaires ou autres, qui sont mieux rémunérés et qui sont moins chronophages et moins énergivores).
Pour combler le déficit d’enseignants en Mathématiques et en Physique, le Gouvernement a décidé de faire un recrutement exceptionnel d’enseignants contractuels au secondaire, tout en maintenant l’important rythme de formation des enseignants de lycée et collège à l’ENS et de recrutement annuel d’Assistants, Assistants Chefs de Clinique et Attachés de Recherche au supérieur.
Mais la résolution systémique du problème nécessite l’adoption des stratégies permettant de susciter l’intérêt des élèves et étudiants pour ces deux disciplines et amener suffisamment d’étudiants en Mathématiques et en Physique à embrasser la carrière d’enseignants (voir le point 3 ci-dessous).
3. Désintérêt des élèves et étudiants pour les disciplines scientifiques et stratégies de résolution du problème
Aujourd’hui, les élèves et étudiants sont très peu attirés par les Mathématiques et la Physique. A titre illustratif :
- Au Bac général 2025, seuls 2.293, soit 1,92% des 119.431 admis du Bac général et 1,72% des 133.518 admis de tous types de Bac (général, technique, artistique), ont obtenu le Bac C ;
- En 2024, sur 346.786 étudiants que comptaient la Côte d’Ivoire, seuls 8.365 soit 2,41% des étudiants étaient inscrits en Mathématiques ou en Physique-Chimie.
La désaffection des apprenants pour ces deux disciplines s’expliquent par certains facteurs :
- La difficulté d’apprentissage voire la peur de ces matières, due à l’inefficacité de leur enseignement, elle-même liée à l’insuffisance de formation des enseignants ou à l’inefficacité de leur approche pédagogique ;
- La méthode d’évaluation, parfois littéralement mystifiée, favorisant l’échec des apprenants ;
- L’insuffisance voire l’incohérence des contenus des cours, ainsi que le manque de complémentarité des programmes entre le secondaire et le supérieur ;
- Le manque d’investissement personnel des apprenants, surtout lorsque ces derniers ont acquis une mentalité d’assisté liée aux cours de renforcement systématiques ;
- L’attrait des disciplines débouchant sur des emplois mieux rémunérés, moins chronophages et moins énergivores.
Pour susciter l’intérêt des apprenants pour ces deux disciplines, il serait indiqué de :
- Renforcer la formation initiale des enseignants à l’ENS et dans les écoles/formations doctorales, et systématiser leur formation continue (par renforcement des capacités dans les universités, pour les enseignants de lycée et collège, et par immersion dans les universités et grandes écoles étrangères, pour les enseignants du supérieur) ;
- Rendre plus pratique voire ludique l’enseignement de ces deux disciplines ;
- Assouplir (sans galvauder) l’évaluation des apprenants. Exemple : Donner des sujets comportant des questions de cours (5 points sur 20) et des exercices ressemblant à d’autres corrigés en classe (5 points sur 20) ;
- Compléter et rendre cohérents les contenus des cours, et rendre complémentaires les programmes du secondaire et du supérieur ;
- Apprendre aux apprenants à réfléchir d’eux-mêmes dès le primaire ;
- Accorder un bonus salarial aux enseignants de Mathématiques et de Physique (charges dues obligatoires pour les enseignants de toutes les disciplines, plus paiement d’heures complémentaires, au supérieur et au secondaire).
Remarque : Mesures incitatives en faveur des étudiants en Mathématiques et en Physique
- Assouplissement des critères d’accès aux deux filières (pour les nouveaux bacheliers et les étudiants venant des classes préparatoires) ;
- Cours de mise à niveau, en début d’année ;
- Tutorat/cours de renforcement ;
-  Contrôle continu (interros 10% + devoirs 30% + examen 60%) ;
- Validation de semestre par pondération des notes d’Unités d’Enseignement (UE) ;
- Discriminations positives sur les bourses et les logements.
4. Conclusion
L’acuité du déficit d’enseignants dans les matières scientifiques notamment en Mathématiques et en Physique, est liée entre autres au désintérêt des élèves et étudiants pour ces deux disciplines.
Il existe un certain nombre de stratégies permettant de résoudre ce problème structurel.
Certaines de ces stratégies sont en cours d’implémentation dans notre système d’Education-Formation-Recherche. Les autres le seront à court ou moyen terme.
JE VOUS REMERCIE !