16/08/2024
🔴🔴🔴𝐂𝐞𝐬 𝐢𝐜𝐨̂𝐧𝐞𝐬 𝐪𝐮𝐢 𝐨𝐧𝐭 𝐥𝐚𝐛𝐨𝐫𝐢𝐞𝐮𝐬𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐢𝐛𝐮𝐞́ 𝐚𝐮 𝐯𝐚𝐬𝐭𝐞 𝐂𝐡𝐚𝐧𝐭𝐢𝐞𝐫 𝐀𝐅𝐑𝐈𝐐𝐔𝐄
ISSA HAYATOU A 𝐆𝐄́𝐑𝐀𝐑𝐃 𝐃𝐑𝐄𝐘𝐅𝐔𝐒 (𝐀𝐍𝐂𝐈𝐄𝐍 𝐉𝐎𝐔𝐑𝐍𝐀𝐋𝐈𝐒𝐓𝐄 𝐀̀ 𝐑𝐅𝐈) : « NON, JE N’AI PAS ENCORE L’AVAL DE MON CHEF D’ÉTAT AU CAMEROUN… »
Adieu Issa,
Vous aurez beau lire et relire tous les articles de presse qui lui ont été consacrés depuis l’annonce de sa mort que vous ne serez pas plus avancés sur la personnalité d’Issa Hayatou, l’homme qui a gouverné pendant près de trente ans la Confédération Africaine de Football. Car l’homme était tout aussi discret que secret, y compris pour moi qui l’ait côtoyé pendant près de cinquante ans.
Je me souviens de notre première rencontre, à Yaoundé chez lui. Jeune journaliste à RFI, j’avais profité de mon passage dans la capitale camerounaise pour prendre contact avec celui qui était alors secrétaire général de la FECAFOOT (Fédération Camerounaise de Football). Il est assis sur une chaise, en tenue traditionnelle, à côté de la porte d’entrée de sa maison. Je l’aperçois du bout de son jardin. Cette image m’a marqué à jamais. Nous sommes en 1975. Je me présente. RFI (Radio France Internationale), il connaît comme nombre d’Africains, on parle de foot naturellement. Et tout s’enclenche. Ce n’est pas en quelques instants qu’on peut connaître celui qu’on a en face de soi pour la première fois.
49 ans plus t**d, je me demande si je le connaissais si bien même si beaucoup, des confrères en particulier, mais pas seulement, nous disaient inséparables. Mais Issa était un homme si mystérieux qui ne se confiait guère. Et pourtant, une année il m’avait convié chez lui, à Garoua, au nord du Cameroun. Il était venu me chercher à l’aéroport et m’avait dit : « tu choisis, soit tu vas dormir à l’hôtel, soit tu viens à la maison ». Vous devinez ma réponse.
Je pouvais vivre chez lui, déjeuner avec lui, c’était lui qui était maître de la parole et des sujets de la discussion. Très rarement je l’ai entendu dire du mal des autres. Il savait très bien qui était qui, qui était fréquentable, qui ne l’était pas, qui était positif, qui ne l’était pas. En vérité, Issa avait été éduqué dans l’islam le plus traditionnel. Il en respectait toutes les règles. Mais n’était-il pas l’un des fils du Lamido de Garoua.
De sa famille, il ne parlait guère. Naturellement je connaissais sa femme, Marie-Claire, mais il ne m’avait jamais présenté ses fils. C’était un des aspects de son jardin-secret.
Bien sûr on parlait de football, de ses projets quand il était à la tête de la CAF. A ce propos voilà ce qu’il m’avait déclaré pour RFI et le mensuel « Afrique Football » - que j’avais cocréé quelque temps auparavant - sitôt devenu Président de la CAF :
« Je ne suis pas un révolutionnaire. Je ne vais pas tout chambouler pour le plaisir de changer. Les acquis sont considérables. Il convient de les fortifier et d’asseoir notre respectabilité dans le monde. A cet égard, il nous appartient de réclamer encore et encore à la FIFA la place qui est la nôtre au sein de la direction du football international. Le combat pour l’équité sportive est difficile. Les représentants des continents privilégiés, en particulier l’Europe, font de l’obstruction, quand ils ne recourent pas au chantage. La lutte pour un nouvel ordre sportif exige du dévouement et de l’abnégation. Elle ne tolère ni compromis, ni concession ».
Des propos qui résument parfaitement ses combats.
Tout était dit.
Encore deux mots. Un matin, à Paris, Issa me téléphone à mon bureau, à la Maison de la Radio. « Je passe de voir ». Peu après il arrive, accompagné d’un homme de football très connu sur le continent africain, le Sénégalais Mawade Wade. Il me déclare : « je suis candidat à la présidence de la FIFA». Très bien, on va réaliser une interview ». Non, me répond-il, je n’ai pas encore l’aval de mon Chef d’Etat au Cameroun. Bon, on va réaliser l’interview, je la mets de côté, et on la diffusera quand le Président Paul Biya t’aura accordé son feu-vert ». Quelques jours plus t**d ce fut fait.
Oui, de tous les journalistes, j’étais le plus proche de lui, à l’exception de mon copain Abel Mbengue, l’irremplaçable voix des ondes camerounaises de la belle époque qui travaillait avec lui au bureau de la CAF à Yaoundé. Puisque je vous cite ce nom, j’aimerais ajouter celui de l’Ethiopien Fekrou Kidane, journaliste un peu, homme politique un peu, et sur la fin de ses jours très proche collaborateur du Président du CIO, Juan-Antonio Samaranch, après avoir été aussi celui du prédécesseur d’Issa Hayatou, Ydnekatchew Tessema, les deux hommes qui ont bâti la maison-mère du football africain. L’un et l’autre étaient tout simplement deux Grands Africains.
Un dernier mot et ce sera fini. Il y a quelques mois, j’ai appris par une des anciennes collaboratrices d’Issa Hayatou au Caire qu’avant la fin de son mandat, il avait été invité par le Président Barack Obama à Washington. Il avait refusé le billet d’avion proposé par le Président américain et avait fait prendre le billet par ses services au Caire. Reçu dans le salon ovale de la Maison Blanche. Il ne m’en a jamais parlé. Ce n’est pas grave Issa. On en reparlera là-haut, moi dans la tribune de presse et toi dans la tribune officielle.
Encore une fois mille mercis à toi qui m’a appris l’Afrique, me l’a faite comprendre et aimer. Ce fut ton plus beau cadeau. Eternel.
