27/09/2025
: Le Cameroun sous Paul Biya (1982-2025), entre stabilité, défis et promesses d'un nouveau septennat
Ce samedi 27 septembre 2025 marque le coup d'envoi officiel de la campagne pour l'élection présidentielle du 12 octobre. Un scrutin historique qui voit une fois de plus le président Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, se présenter pour un nouveau mandat sous la bannière du "Septennat des Grandes Espérances". À cette occasion, il est impératif de porter un regard analytique et documenté sur les décennies de gouvernance qui ont façonné le Cameroun contemporain.
I. Le "Rénovateur" et la mise en place d'un système politique singulier
Arrivé au pouvoir en 1982 dans une logique de continuité après Ahmadou Ahidjo, Paul Biya incarne d'abord l'idée de "Rénovation". La période initiale est marquée par une libéralisation relative de la vie politique. Cependant, les événements d'avril 1984 (tentative de coup d'État) vont profondément influer sur la trajectoire du régime. La réponse ferme consolide le pouvoir présidentiel et instaure une culture de la stabilité, érigée en principe suprême.
Le système politique camerounais s'est construit autour de plusieurs piliers :
· Un exécutif hyperprésidentiel : La constitution de 1996, bien qu'introduisant le multipartisme, a renforcé les prérogatives du chef de l'État (article 8), faisant de lui la clef de voûte incontestée des institutions.
· Le parti-État : le RDPC : Le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais n'est pas qu'un parti politique ; c'est une machine administrative et clientéliste qui irrigue l'ensemble du territoire, assurant la loyauté des élites.
· La philosophie de la "Révolution tranquille" : Cette doctrine prône une approche gradualiste et prudente du changement, souvent critiquée pour son inertie face aux urgences sociales et économiques.
II. Bilan économique et social : des réalisations en demi-teinte
Le bilan économique est contrasté et sujet à débat.
Les réalisations mises en avant par le pouvoir :
· Les Grandes Réalisations : Le régime met en avant des infrastructures d'envergure comme le Port en eau profonde de Kribi, le Barrage de Memve'ele, ou plus récemment les stades et infrastructures liées à la CAN 2019 et 2021. Ces projets visent à moderniser le pays et à stimuler la croissance.
· La Vision 2035 : Lancée en 2009, cette feuille de route ambitionne de faire du Cameroun un pays émergent. Elle a permis de structurer les politiques publiques autour d'objectifs à long terme.
· Une stabilité macroéconomique : Le Cameroun a généralement évité les hyperinflations et a maintenu le franc CFA, une monnaie stable, ce qui est présenté comme un gage de sécurité pour les investisseurs.
Les ombres au tableau et les défis persistants :
· La question de la diversification économique : Malgré les discours, l'économie reste très dépendante des ressources primaires (pétrole, bois, cacao) et donc vulnérable aux chocs des cours mondiaux.
· La pauvreté et les inégalités : Selon la Banque mondiale, environ 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le chômage, surtout des jeunes, reste un défi majeur et une source de frustration sociale.
· La perception de la corruption : Le Cameroun stagne régulièrement dans les bas-fonds des classements internationaux comme l'Indice de Perception de la Corruption de Transparency International. Cette corruption est perçue comme un frein au développement et une injustice criante.
III. Stabilité nationale et enjeux sécuritaires : un pays sous tension
La gestion des crises sécuritaires est devenue un élément central de l'ère Biya récente.
· La crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest : Ce conflit, né des revendications anglophones, a plongé le pays dans une grave crise humanitaire depuis 2016. La réponse de Yaoundé, combinant opérations militaires et mesures politiques (notamment le statut spécial accordé aux régions), peine à ramener une paix durable. Les atrocités commises par les deux camps et les difficultés d'accès humanitaire alarment les organisations internationales.
· La lutte contre Boko Haram : Dans l'Extrême-Nord, l'armée camerounaise s'est engagée avec détermination dans la lutte contre le groupe terroriste, contenant la menace mais sans pouvoir l'éradiquer totalement.
La capacité de l'État à préserver l'intégrité territoriale est un argument fort du pouvoir, mais les critiques pointent le coût humain et social de ces crises.
IV. Le "Septennat des Grandes Espérances" : Promesses et défis pour l'avenir
Le slogan de campagne 2025 n'est pas anodin. Il vise à capitaliser sur les projets en cours et à répondre aux attentes d'une population en quête d'amélioration tangible de ses conditions de vie. Les "Grandes Espérances" pourraient s'articuler autour de :
· La finalisation des mégaprojets structurants (autoroutes, chemin de fer, centrales électriques).
· La relance de l'agriculture pour assurer l'autosuffisance alimentaire.
· La promesse d'une décentralisation effective, promise depuis des décennies.
· La création massive d'emplois pour les jeunes.
Cependant, le principal défi sera de convaincre que ce nouveau mandat, si il est obtenu, sera véritablement différent et marquera une rupture en termes de gouvernance, de lutte contre la corruption et de dialogue national inclusif.
Conclusion : Un héritage complexe à un moment charnière
La gouvernance de Paul Biya a indéniablement offert au Cameroun une stabilité politique rare dans la sous-région. Elle a permis la construction d'un État-nation et d'infrastructures modernes. Cependant, cette stabilité est aujourd'hui confrontée à des pressions démographiques, sociales et sécuritaires sans précédent.
Alors que les électeurs s'apprêtent à choisir leur avenir, la question fondamentale est de savoir si le "Septennat des Grandes Espérances" représente la continuité d'un modèle éprouvé ou l'amorce d'une nouvelle dynamique capable de répondre aux aspirations profondes des Camerounais à la paix, à la justice et à la prospérité partagée. Le débat est ouvert.
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