25/10/2025
Lettre ouverte à mon bon petit-frère :
Evalue bien le rapport de forces avant de descendre dans la rue
Mon très cher petit-frère, depuis le soir du 12 octobre, je t’observe. Tu es très enthousiaste et très agité. Tu cries, tu hurles et tu menaces… On t’a dit des choses sur les résultats de la présidentielle de 2025 que tu as vécue soit comme électeur, soit comme observateur. Dès le 13 octobre, tu as découvert dans ton téléphone android des résultats qui faisaient d’un candidat vainqueur. Tu as cru à ces résultats comme paroles d’évangile. Et tu as choisi de ne pas écouter ceux qui tentaient de te persuader du contraire, en évoquant la loi électorale et l’incapacité pour les 12 candidats, en lice, de rassembler les 31600 Procès-verbaux issus des 360 communes que compte notre pays, en moins de 24 heures.
Malgré les mises en garde, tu as quand même choisi de manifester l’envie de descendre dans la rue pour revendiquer bruyamment la victoire de celui qu’on t’a présenté au soir du 12 octobre comme étant le vainqueur de la présidentielle 2025.
Très cher petit-frère. Avant de descendre dans la rue demain ou un autre jour, je t’invite à prendre du recul pour bien évaluer le rapport de forces qui t’attend sur le terrain du trouble à l’ordre public, des émeutes et de l’insurrection.
Pour ta gouverne, « En politique, le rapport de forces fait référence à l'équilibre ou à la dynamique de pouvoir entre différents acteurs (individus, partis, groupes sociaux, institutions, etc.) au sein d'un système politique donné. Ce rapport peut évoluer en fonction des enjeux, des contextes économiques et sociaux, et des changements dans les opinions publiques, les alliances, ou encore les stratégies politiques. »
Pendant les années dites de braises (1990-1992), je devais avoir 18 ou 19 ans. Toi, tu n’étais pas encore né. Paul Biya était déjà au pouvoir depuis 08 ou 10 ans. Nous, tes ainés, avons connu de vraies tensions : Rassemblements populaires, émeutes, destruction des biens et édifices publics, villes mortes… Facebook, WhatsApp, Instagram, twitter, l’intelligence artificielle, etc. n’existaient pas. Il n'y a pas de radios, ni de télés privées. Mais il y avait un puissant téléphone arabe dont l’efficacité pouvait aider à mobiliser plus de 100.000 personnes dans les rues de Douala. Et on pouvait apercevoir le Chairman Ni John Fru Ndi, au premier rang, le poing levé, conduisant ses troupes vers la destination qu'il prétendait elle la bonne.
Petit-frère, Nous avons vécu les années de braises avec l’illusion que le rapport de forces était favorable à ceux réclamaient la chute du président Paul Biya. Mais c’était sans compter avec l’efficacité de nos forces de sécurité et de défenses. Nous avons pu mesurer leur professionnalisme et leur loyauté aux institutions républicaines et à celui qui les incarne. A ce propos, les forces de 3ème de catégorie ont été obligées de se déployer pour faire régner l’ordre. Et nous avons compris que le rapport de forces n’avait jamais penché du côté que nous croyions.
Après 1990, dix-huit années se sont écoulées. Et nous avons connu, en 2008, les émeutes dites « de la faim ». Pour montrer que ventre affamé n’à point d’oreilles, ni de la jugeote, des centaines de jeunes sont descendus dans les rues de Douala pour casser, incendier et piller. Mais il a fallu que le président de la République fasse une sortie pour siffler la fin de la récréation et montrer que la balance sur laquelle repose le rapport de forces penche toujours du côté de nos forces de défenses. Et on les a aperçus dans les rues de New-Bell. Ce n’était pas les forces de 3ème catégorie. C’était le BIR( Les forces spéciales). Les gars étaient noirs et laids. Ils se déplaçaient par groupes de 04 ou cinq éléments, à la queue leu leu et silencieux. Mais derrière leur aspect lugubre se cachait la beauté d’une mission qu’ils accompliront avec brio pour un retour à la paix.
Cette paix-là a été durable. Elle a même été célébrée à Douala 2. A partir de 2008, il y a eu des concepts comme le Tournoi de la PAIX. Avec à la manœuvre le patriarche Jean Stéphane Biatcha et madame le maire Denise Fampou. Auprès de ces deux élites, les populations de Douala 2 avaient alors pris l’engagement de ne jamais sacrifier la paix et le vivre ensemble, quelle qu’en soit la raison. Parce que rien ne vaut la paix.
Et nous voici donc rendus en 2025. Très cher petit-frère, tu n’as pas connu les années de braises. En 2008, tu devais avoir avoir 08 ou 10 ans. Tu étais certainement à l’école primaire ou alors sous l’autorité de tes parents. Tu n’as pas connu les émeutes. Tu n’as jamais affronté les forces de 3ème catégories ou encore les forces spéciales telles que le BIR. Mais tu veux quand même descendre dans la rue. D’accord, tu as le droit de manifester. Tu veux montrer à ces gars de la diaspora qui t’encouragent en te manipulant que tu n’es pas un poltron.
Petit-frere, peux-tu me promettre de manifester sans casser, brûler et incendier? Non! Des gens de la diaspora te demandent d'agir. Tu vas certainement franchir la ligne rouge. Et tu découvriras alors la puissance de feu de la force publique. C'est à ce moment que tu mesureras le rapport de forces.
Petit-frère, tu veux montrer à tout le monde entier que 2018 n’est pas 2025. Tu dis à ceux qui veulent t’écouter que ceux qui ont abandonné le « président helu » à son triste sort de président de facebook n’avaient pas de co****es. Tu bombes le torse et te dis prêt à surmonter toutes les épreuves qui t’attendent dans la rue. Mais petit-frère si on t’empêche de consommer du tramol et de la thaï penses-tu être en mesure de continuer de rêver de renverser la tendance dans ce rapport de forces qui t’attend sur le terrain?
Petit-frère, avant de descendre dans la rue, je vais te faire remarquer quelque chose. L’ex président helu de facebook ne s’est pas toujours prononcé. Il n’a pas officiellement donné un mot d’ordre pour la journée du 12 octobre. Les amis d’Issa Tchiroma attendent toujours qu’il dise un mot pour l’adouber comme vainqueur de la présidentielle 2025. Maurice Kamto n’a rien dit jusqu’ici et cela inquiète des alliés de Tchiroma comme Anicet Ekane.
Petit-frère, tu dois réfléchir à cette posture bizarre de Maurice Kamto dont les partisans ont, sans un mot d’ordre officiel, soutenu Issa Tchiroma. Pourquoi l’ex président du Mrc ne dit-il rien ? Il pourrait s’agir là encore de la conséquence d’un rapport de forces qui ne lui est pas favorable. Cela dit, Maurice Kamto peut-il se dresser officiellement contre ces milliardaires bamiléké que Paul Biya a fabriqués en 43 ans ? Kamto peut-il envoyer des gens casser et piller à Bafoussam ou même à Douala et Yaoundé ?
Petit-frère, permets-moi d’en douter. Il est manifestement pris en tenailles par un lobby communautaire qui doit son ascension économique à Paul Biya.
Et tu vois petit-frère, ceux qui aident Tchiroma à avoir l’illusion d’avoir gagné la présidentielle 2025 ne sont pas prêts à t’accompagner dans la rue. Ce sont des « tontinards », dans le sens noble du terme. Ce sont des gens qui, pour rien au monde, n’accepteront d’échouer à la tontine du dimanche. Et pour cause, la tontine ne connait pas la maladie et la mort. La tontine ne connait pas les émeutes. Quand on n’a pas encore bouffé la tontine, on ne peut pas souhaiter qu’elle soit perturbée. Mon petit, retiens qu’en 1990, ce sont ces tontinards qui ont fait échec aux villes mortes. Ils avaient marre de ne plus assurer efficacement leurs multiples cotisations.
Petit-frère, tu descendras donc dans la rue, avec ta communauté. Celle qui est apparue à Yaoundé hier venant de la Briqueterie. A Garoua et à Maroua, vous descendrez dans la rue. Mais vous serez entre 600 et 800 km du palais d’Etoudi. C’est pourquoi vous serez de temps en temps caressés dans le sens du poil, comme c’est le cas en ce moment. A New-Bell, je ne suis pas sûr que tu pourras avoir les gars de Makéa, Congo ou New-Bell Haoussa de ton côté. Ces gars n’aiment pas le désordre.
Et voilà l’étau qui se resserre sur toi. En réalité, ta revendication est communautariste. Elle n’intéresse pas les autres.
Petit-frère, je peux te garantir que vous ne serez pas nombreux à crier «Tchiroma, président !». Et vous serez donc à la merci des forces de sureté. Oui ! Avec vous, ce sera la police et son fameux camion anti-émeute. La gendarmerie pourrait venir en appui. Mais pas besoin des forces de défenses de 3ème catégorie ou des forces spéciales pour anéantir une manifestation à connotation communautariste.
Mais petit-frère qu’est ce qui t’arrive ? Pourquoi veux-tu mourir ? Tu veux le changement n’est-ce pas ? Les 93 ans d’âge et les 43 ans au pouvoir de Paul Biya t’énervent. Soit. Mais comment peux-tu vouloir le changement et jeter ton dévolu sur un candidat de 80 ans qui a cheminé avec Paul Biya pendant 30 ans?
Petit-frère, comment peux-tu te laisser convaincre de ce que Cabral Libii, Josua Osih, Espoir Matomba… sont des pions du régime, et au même moment accepter qu’Issa Tchiroma, soutient inconditionnel de Paul Biya pendant 30 ans, soit l’homme du changement. Petit-frère, il y a quelque chose de louche dans cette histoire où on t’a convaincu de soutenir un diable. Un chrétien ou un musulman normal peut-il admettre que le diable ait des vertus ?
Petit-frère rallume rapidement ton cerveau et réfléchis. Tu es jeune et tu ne peux mourir pour haïr un patriarche de 93 ans ou soutenir un grabataire de 80 ans. Ton avenir est devant toi. Eloigne-toi du diable et fais confiance à Dieu. Car le seigneur a un plan pour le Cameroun. Et sans être un prophète, je peux te garantir que ce plan n’est pas très différent de celui du 04 novembre 1982.
LA VOIX DE NEW-BELL
Trophée de la paix 2019