06/12/2024
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Hier 05 décembre 2024, le Sultan Roi des Bamoun a fait des nouveaux 𝗡𝗝𝗜, parmi lesquelles Monsieur 𝗡𝗚𝗢𝗨𝗖𝗛𝗘𝗠𝗘 𝗞𝗨𝗧𝗡𝗝𝗘𝗠 𝗔𝗟𝗘𝗫𝗔𝗡𝗗𝗥𝗘 𝗟𝗘𝗚𝗥𝗔𝗡𝗗, 𝑊𝑎 𝑆𝐴𝐾𝐸𝑅
C'est l'occasion pour nous de revenir sur l'importance des NJI chez les Bamoun en revisitant ce texte historique de 𝗡𝗝𝗜𝗩𝗔𝗛👇🏼👇🏼
AUX SOURCES
LE TITRE « NJI » CHEZ LES BAMOUN : REPERES HISTORIQUES ET CONSIDERATIONS STRATEGIQUES
Par Alexis MOULIOM NJIVAH
A l’occasion de son quatre-vingt-deuxième anniversaire, le Sultan-Roi des Bamoun a procédé, le samedi 26 octobre 2019, à l’élévation d’une quarantaine de fils et filles de la communauté Bamoun à la dignité de « Nji ». Les récipiendaires étant issus des milieux du Palais et de la communauté où leurs états de service ont retenu l’attention de qui de droit (Agents traditionnels, élites, artistes, sportifs etc). Cet acte régalien soulève de multiples interrogations à la tonalité quasi critique et fait l’objet de commentaires parfois tendancieux. Les uns s’étonnent de ce qu’un « si grand nombre de personnes » soient anoblies en un coup, craignant une altération du prestige auréolant le titre « Nji ». Les autres décrient le cas des enfants couronnés alors que leurs géniteurs sont de simples gens, la présence des femmes mariées parmi les ennoblis ou encore la cohabitation de plusieurs « Nji » dans une même concession. Ces interprétations, en porte-à-faux avec les fondamentaux du sujet, incitent à resituer les repères et les aspects stratégiques de l’anoblissement chez les Bamoun.
« NJI », ORIGINES ET SIGNIFICATION
« Nji » est le titre de notabilité de base chez les Bamoun dont l’apparition remonte à l’époque fondatrice. En effet, Nshare-Yen, venu de Rifum pour s’installer à Njimom où il jeta les bases d’un nouveau royaume en 1394, conduisait un groupe de frères et de serviteurs issus du pays Tikar. Les peuplades rencontrées sur place étaient impressionnés par l’attitude de ces étrangers, grands et robustes pour certains, et surtout mystérieux pour la plupart. Aussi furent-ils nommés « Ji’ », par ces autochtones et observateurs. Allusion faite à l’expression « Ji’ Ji’ » dans la langue Bamoun, désignant une chose effrayante. C’est de cette chronique qu’est née le titre « Nji » qui renvoie à un être inspirant la crainte ou dans une moindre mesure le respect.
L’ACCES AU TITRE ET SA TYPOLOGIE
Il existe fondamentalement trois (03) types de « Nji » qui sont autant de modules d’accès à ce titre : Les princes, les anoblis et les jumeaux consacrés.
- Les princes
Tout enfant des deux sexes né d’un Roi Bamoun est d’office « Nji ». C’est donc un titre naturel pour les princes et princesses appelés « Nji Pon Fon », relevant de la « noblesse de sang ». Les princesses sont le plus souvent nommées « Njigbié », diminutif de « Nji Memgbié » qui signifie «Femme Nji». Les successeurs des princes et princesses héritent également du titre « Nji » et sont sacrés par le Roi. Les membres de cette catégorie de noblesse sont placés sous la supervision de l’Adjoint au Roi (Nji Gbètnyi) et de Taanguri, chef de la société princière.
- Les anoblis
Tout citoyen Bamoun des deux (02) sexes n’appartenant pas à la famille royale, peut recevoir du Roi des Bamoun, et exclusivement de celui-ci, le titre de « Nji », par voie d’anoblissement. Cette élévation est un acte royal discrétionnaire qui récompense généralement un fait de bravoure reconnu au récipiendaire. Par le passé, les guerriers distingués étaient faits « Nji ». De nos jours, la pratique de la guerre étant supposément obsolète, c’est le dynamisme démontré par les fils et filles du Noun, sur divers champs de la vie communautaire, nationale et internationale, qui peut leur valoir la haute considération du Roi des Bamoun et justifier leur élévation à la dignité de « Nji ». Dans les mêmes conditions, les non natifs du Noun sont également éligibles à cet anoblissement. On parle ici de « Nji Fon » relevant de la « noblesse d’épée » ou de la « noblesse de cour ». Les successeurs des « Nji Fon » héritent du titre « Nji » et sont sacrés par le Roi. Les membres de cette catégorie de noblesse sont placés sous la supervision de Njifonfon, Premier Ministre et chef de la cour royale.
- Les jumeaux
Depuis le Roi Mbuembue (1757-1814), Onzième souverain de la dynastie Bamoun, les jumeaux sont distingués au sein de la société Bamoun, sans doute en raison de l’extraordinaireté de leur naissance et des pouvoirs surnaturels qui leurs sont prêtés. Présentés et remis au Roi après leur accouchement, justifiant leur nom « Pefa » (On a donné), ces êtres étaient d’office retirés de la tutelle de leurs parents et élevés au titre de « Nji » par le monarque, puis installés sur des domaines à eux affectés. Ils recevaient des noms de baptême singuliers : (Nji) Fifen, Mongbèt, Mfouapon, Pancha, Mfout, Nzié, entre autres. Il va de soi que des jumeaux non présentés au Roi ne peuvent se prévaloir de la qualité de « Nji ». Il s’agit ici de ce qu’on peut qualifier de « noblesse gémellaire » réservée aux « Nji Pefa » assimilés aux « Nji Fon ». La « noblesse gémellaire » rejoignant la noblesse de cour.
En dehors des trois (03) catégories fondamentales sus-exposées, il existe d’autres types de « Nji », à l’instar des « Nji Gbiefon », reines-cheftaines incarnant les six (06) épouses de Nchare-yen, fondateur du royaume Bamoun. Il en est aussi des deux (02) « Nji Mâmfon », successeurs des prêtresses venues de Rifum avec Nchare-Yen.
Ces repères contribuent à lever certaines équivoques entretenues par les commentateurs des actes d’anoblissement du 26 octobre 2019, à travers les clarifications ci-après :
1- Les « Nji » chez les Bamoun ne sortent pas « des cuisses de Jupiter ». Il ne s’agit aucunement d’une « génération spontanée » qui viendrait de nulle part, pour qu’on s’étonne de ce qu’un enfant soit couronné à ce titre que son père ne porte pas. Tous les Nji sont historiquement issus de parents connus qui peuvent être également « Nji » ou des simples « Nganjü » ou « Tita ». C’est une incongruité de décrier qu’une personne est faite « Nji » alors que son père ne l’est pas. ;
2- L’anoblissement est un acte logiquement non substituable qui vise une personne pour ses propres faits d’armes ;
3- Plusieurs personnes issues d’une même famille peuvent être élevées à la dignité de « Nji » pour autant que le Roi apprécie discrétionnairement leur bravoure. Au fait, le dynamisme de l’un enlève-t-il celui de l’autre ?
4- Une femme au foyer peut être anoblie si le Roi le juge utile. Le concept « Nji Memgbié » n’est par une invention contemporaine.
ATTRIBUTS ET CODE DE LA CHARGE
Lors de leur sacre, à titre initial ou successoral, au cours d’une cérémonie présidée par le Roi, les « Nji » reçoivent une plume de touraco (mfüt Ngu’) plantée dans leurs cheveux de front ou sur leurs boubous par Nijonfon (Premier Notable) pour ce qui est des anoblis, ou par Nji Gbètnyi (Adjoint au Roi) en ce qui concerne les princes et princesses.
Les princes et princesses sont conduits à la maison de « Nguri », société sécrète princière, et les anoblis dirigés à la maison de « Mbansié », société sécrète des serviteurs de la cour.
Mais auparavant, le code de la charge leur est solennellement communiqué par « Njifonfon » ou « Nji Gbètnyi », selon les cas. Il leur est fait part de leur obligation de loyauté envers le Roi des Bamoun, de contribution aux activités de la cour royale et de solidarité envers ses membres. On leur fait savoir qu’en respectant ces règles « ils seront propres » (U rèn u), et qu’en les transgressant cela leur tombera sur la tête (A shùm me tû).
Dans le sillage de leur sacre initial, les ennoblis reçoivent à domicile, sous l’égide des grands notables de la cour, leurs attributs composés d’un sac en fibres de raphia dit « Pa Ngu » (sac du pays), d’un couperet (Nyi), d’un faisceau de lances (Mfèn Nkû) et d’une cloche à corps unique (Nkuèm).
Il est de coutume que les « Nji » anoblis soient affectés dans une division de la cour qui devient leur base de rattachement. Les uns sont maintenus auprès de Njifonfon (Premier Notable) et les autres mis à la disposition des Ministères spécifiques (Ndanshüt).
La destitution du titre de « Nji » peut être décidée et actée par le Roi, seul habilité à conférer ce titre et à le retirer. En toute logique.
NJI OU CHEF DE LIGNAGE : CONSIDERATIONS STRATEGIQUES
Dans la construction sociale Bamoun, les « Nji » sont des chefs de lignages. Ils sont à la tête des entités sociales de base assimilables à une famille polynucléaire ou un clan. Devenir « Nji » c’est se détacher de sa parenté antérieure pour devenir le point de départ d’une descendance indépendante placée sous la tutelle directe du Roi. C’est pour cette raison que les nouveaux « Nji » étaient d’office soustraits de leurs concessions familiales d’origine pour être installés sur des nouveaux domaines à eux attribués.
Participant à structurer la société Bamoun qui est, au sens large, une somme de lignages chapeautés par des « Nji », l’anoblissement revêt un caractère stratégique pour autant qu’il est à la fois un instrument de déconcentration des familles et d’occupation de l’espace.
Déconcentration des familles
Les familles classiques, pléthoriques et engorgées pour la plupart au fur et à mesure que les générations se multiplient en leurs seins, sont décongestionnées par le détachement symbolique de certains de leurs membres élevés à la dignité de « Nji », qui vont de ce fait fonder de nouveaux lignages. Ce processus, dont l’absence laisse entrevoir le chaos, concoure historiquement à l’épanouissement de la société Bamoun.
Occupation de l’espace
Forgé par les conquêtes, le royaume Bamoun s’est établi au fil des ans sur d’immenses terres qu’il a fallu peupler. Et l’un des outils usités à cette fin par les Rois Bamoun, d’un règne à l’autre, est l’anoblissement. Les monarques sacraient constamment des nouveaux « NJI », les délocalisaient de leurs familles d’origine et les installaient ici et là, dans l’optique d’occuper l’espace. Cette démarche étant sous-tendue par la volonté de marquer la souveraineté du peuple Bamoun sur l’étendue de son territoire, ou par des préoccupations liées à la défense de celui-ci. Si les « Nji » n’avaient pas été multipliés, l’espace vital de la société Bamoun n’aurait pas connu l’expansion aujourd’hui observée.
En guise de conclusion, il importe de relever que la dévolution du titre « NJI » par le Roi des Bamoun est un fait classique et normal, relevant de son pouvoir régalien. Selon son appréciation et à sa discrétion, le souverain peut poser cet acte à tout moment lui apparaissant idoine et au profit de toute personne ayant la faveur de son jugement. Autant qu’il le juge utile, le monarque Bamoun peut faire des « NJI » en nombre qu’il estime convenable. D’ailleurs combien faudrait-il de « NJI » pour désengorger les multiples familles qui le nécessitent, et peupler stratégiquement ces terres illimitées, mais oisives, qui meublent l’immensité légendaire du Département du Noun ? A chacun de répondre objectivement. Le plus important reste d’inventer des modalités contemporaines de délocalisation des nouveaux « NJI » /-
𝐿𝑦𝑏𝑜𝑛𝑎𝑟 𝑇𝑖𝑚𝑒𝑠, 𝐿'𝑖𝑛𝑓𝑜 𝑎𝑢𝑡𝑟𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡