
24/12/2024
Affaire de Prince aimé officiel 237. Je partage avec vous un extrait de l'interview de Phillipe SIMO et de Moussa WAGUE promoteur de la Maison Keyzit sur les relations Producteurs/artistes.
Il est important d'avoir un aperçu sur le fonctionnement du show-business avant de donner son avis sur la situation.
Si tu n'aimes pas la lecture, tu peux t'arrêter tout de suite et passer au post suivant.
𝑫𝒆𝒑𝒖𝒊𝒔 𝒍𝒐𝒏𝒈𝒕𝒆𝒎𝒑𝒔, 𝒐𝒏 𝒑𝒂𝒓𝒍𝒆 𝒅'𝒖𝒏 𝒓𝒂𝒑𝒑𝒓𝒐𝒄𝒉𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒍𝒆 𝒓𝒂𝒑 𝒇𝒓𝒂𝒏𝒄̧𝒂𝒊𝒔 𝒆𝒕 𝒅'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆𝒔 𝒎𝒂𝒓𝒄𝒉𝒆́𝒔. 𝑸𝒖'𝒆𝒏 𝒑𝒆𝒏𝒔𝒆𝒔-𝒕𝒖 ?
Le rap et le hip-hop sont des disciplines très larges, avec plusieurs facettes : la danse, le graffiti, le DJing, et bien sûr, le business. En France, on a souvent négligé cet aspect du business dans la culture hip-hop.
Beaucoup de gens ne savent pas ce qu'est un contrat de production, de distribution ou d'édition. Ils ne savent pas comment négocier ni comment protéger leurs œuvres. Pourtant, c'est essentiel. Ce manque de connaissances empêche souvent les artistes de profiter pleinement de leur travail.
𝑷𝒆𝒏𝒔𝒆𝒔-𝒕𝒖 𝒒𝒖𝒆 𝒄𝒆𝒕𝒕𝒆 𝒑𝒓𝒐𝒃𝒍𝒆́𝒎𝒂𝒕𝒊𝒒𝒖𝒆 𝒆𝒔𝒕 𝒍𝒂 𝒎𝒆̂𝒎𝒆 𝒆𝒏 𝑨𝒇𝒓𝒊𝒒𝒖𝒆 𝒇𝒓𝒂𝒏𝒄𝒐𝒑𝒉𝒐𝒏𝒆 ?
Oui, c'est similaire, car les artistes là-bas évoluent dans un contexte culturel et économique proche. Cela dit, il y a des particularités. Par exemple, les artistes africains ont souvent des attentes irréalistes par rapport à leurs contrats. Ils veulent tout sans comprendre ce que cela implique.
Le problème vient souvent du fait qu'ils ne comprennent pas les différentes sources de revenus liées à un contrat. Ils finissent par signer de mauvais contrats, car ils n'ont pas les outils ni les connaissances pour bien négocier.
𝑷𝒐𝒖𝒓𝒒𝒖𝒐𝒊 𝒔𝒊𝒈𝒏𝒆𝒏𝒕-𝒊𝒍𝒔 𝒔𝒐𝒖𝒗𝒆𝒏𝒕 𝒅𝒆 𝒎𝒂𝒖𝒗𝒂𝒊𝒔 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒓𝒂𝒕𝒔 ?
Cela vient du choix du manager. Beaucoup d'artistes font l'erreur de prendre un ami ou un membre de leur famille comme manager. Or, ce n'est pas quelqu'un de compétent dans la négociation ou la gestion de carrière.
Je dis toujours aux artistes : "Votre premier partenaire doit être un avocat, pas un manager." L'avocat est celui qui va rédiger et sécuriser tous vos contrats, qu'il s'agisse de votre relation avec un manager, une maison de production ou un éditeur. Si le manager n'est pas compétent, il risque de mal vous conseiller ou de vous mettre dans des situations désavantageuses.
𝑼𝒏 𝒂𝒗𝒐𝒄𝒂𝒕, 𝒄'𝒆𝒔𝒕 𝒔𝒖𝒇𝒇𝒊𝒔𝒂𝒏𝒕 ?
En réalité, un artiste a besoin de plusieurs avocats spécialisés :
1. Un avocat en propriété intellectuelle pour protéger ses œuvres;
2. Un avocat en droit du travail, car les contrats d'artiste incluent souvent des volets sociaux (salaire, sécurité sociale, etc.).
3. Un avocat fiscaliste pour gérer les revenus et optimiser les impôts;
4. Parfois, un avocat pénaliste, car certains artistes se retrouvent dans des situations juridiques complexes.
Il faut voir cela comme un investissement dans sa carrière. Tant que vous n'avez pas cette équipe en place, ne pensez même pas à prendre un manager.
𝑻𝒖 𝒅𝒊𝒔 𝒒𝒖𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒂𝒓𝒕𝒊𝒔𝒕𝒆𝒔 𝒅𝒐𝒊𝒗𝒆𝒏𝒕 𝒈𝒆́𝒓𝒆𝒓 𝒍𝒆𝒖𝒓 𝒄𝒂𝒓𝒓𝒊𝒆̀𝒓𝒆 𝒄𝒐𝒎𝒎𝒆 𝒖𝒏 𝒃𝒖𝒔𝒊𝒏𝒆𝒔𝒔 ?
Exactement. Un artiste est un entrepreneur. Il a un produit – sa musique – qu’il doit gérer comme une entreprise. Cela commence par s’immatriculer à la Chambre de commerce, en tant qu’auto-entrepreneur ou en entreprise individuelle. Sans cette formalité, il n'existe pas légalement.
𝑸𝒖𝒆 𝒅𝒊𝒓𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒂𝒓𝒕𝒊𝒔𝒕𝒆𝒔 𝒔𝒂𝒏𝒔 𝒄𝒐𝒎𝒑𝒕𝒆 𝒃𝒂𝒏𝒄𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒐𝒖 𝒑𝒊𝒆̀𝒄𝒆 𝒅’𝒊𝒅𝒆𝒏𝒕𝒊𝒕𝒆́ ?
C'est un problème particulièrement fréquent en Afrique. Certains artistes n'ont même pas de pièce d'identité, pas d’acte de naissance, ce qui les empêche de voyager ou de signer des contrats. Le problème est profond c’est hallucinant. Cela montre à quel point il reste beaucoup à faire pour structurer cette industrie.
𝑪'𝒆𝒔𝒕 𝒒𝒖𝒐𝒊 𝒍𝒆 𝒑𝒓𝒐𝒅𝒖𝒄𝒕𝒆𝒖𝒓 ?
Le producteur, c'est la personne qui finance. C'est le Boss, c'est la personne qui paye. Dans la musique, la personne qui paye est le propriétaire de l'œuvre qui va être enregistrée.
𝑨𝒉 𝒐𝒖𝒊, 𝒅'𝒂𝒄𝒄𝒐𝒓𝒅. 𝑫𝒐𝒏𝒄 𝒄'𝒆𝒔𝒕 𝒍𝒂 𝒑𝒆𝒓𝒔𝒐𝒏𝒏𝒆 𝒒𝒖𝒊 𝒑𝒂𝒚𝒆. 𝑸𝒖𝒊 𝒂 𝒍𝒆𝒔 𝒅𝒓𝒐𝒊𝒕𝒔 𝒅𝒆 𝒑𝒓𝒐𝒅𝒖𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒔𝒖𝒓 𝒍𝒂 𝒄𝒉𝒂𝒏𝒔𝒐𝒏 ?
Exactement. Tu peux être un artiste et enregistrer une chanson, mais elle ne t'appartient pas. Elle appartient à la personne qui a payé tous les frais pour l'enregistrement. Les artistes ne le savent pas toujours, mais ça change beaucoup de choses de comprendre la propriété.
𝑶𝒖𝒊, 𝒃𝒊𝒆𝒏 𝒔𝒖̂𝒓. 𝑶𝒏 𝒑𝒂𝒓𝒍𝒆 𝒅𝒆 𝒑𝒓𝒐𝒑𝒓𝒊𝒆́𝒕𝒆́ 𝒅𝒖 𝒎𝒂𝒔𝒕𝒆𝒓, 𝒄'𝒆𝒔𝒕 𝒄̧𝒂 ?
Oui, on parle souvent des Masters. La propriété du master signifie que quelqu'un a payé tous les frais pour enregistrer l'album : le studio, les ingénieurs du son, les auteurs-compositeurs, les musiciens. Par exemple, si tu as besoin d'une guitare, le producteur paye pour l'hébergement du musicien. Il paye les temps de passage au studio, la nourriture, le transport, l'hébergement si l'artiste habite dans une autre ville, tous les frais et les salaires.
𝑫𝒐𝒏𝒄 𝒍𝒆 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒓𝒂𝒕 𝒅'𝒂𝒓𝒕𝒊𝒔𝒕𝒆 𝒂 𝒅𝒆𝒖𝒙 𝒗𝒐𝒍𝒆𝒕𝒔, 𝒖𝒏 𝒗𝒐𝒍𝒆𝒕 𝒔𝒐𝒄𝒊𝒂𝒍 𝒆𝒕 𝒍𝒆𝒔 𝒔𝒂𝒍𝒂𝒊𝒓𝒆𝒔 ?
Exactement. Ce que les artistes ne savent pas toujours, c'est que quand tu vas en studio, ton producteur doit te payer un salaire. Tu as une fiche de paye. Beaucoup d'artistes ne le savent pas. Moi, je m'évertue à le faire savoir. La production englobe aussi la pochette de l'œuvre. Si tu enregistres un single, il y a une pochette qui va avec. Le producteur paye tout de A à Z. C'est son œuvre, quelque part. Je compare souvent ça à l'immobilier. Construire une chanson, c'est comme construire une maison. À la fin, le maçon ne dit pas que c'est sa maison parce qu'il l'a construite. C'est pareil pour le producteur et l'artiste.
𝑶𝒖𝒊, 𝒕𝒐𝒕𝒂𝒍𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕. 𝑳'𝒂𝒓𝒕𝒊𝒔𝒕𝒆 𝒆𝒔𝒕 𝒖𝒏 𝒊𝒏𝒕𝒆𝒓𝒗𝒆𝒏𝒂𝒏𝒕 𝒑𝒂𝒓𝒎𝒊 𝒕𝒂𝒏𝒕 𝒅'𝒂𝒖𝒕𝒓𝒆𝒔.
Exactement. Chaque personne a un rôle et des droits qui vont avec. À aucun moment le maçon peut revendiquer la propriété de la maison parce que quelqu'un l'a financée. C'est tellement logique quand c'est expliqué comme ça, mais quand on est dedans, ce n'est pas logique.
Un artiste peut dire "c'est ma chanson" parce qu'il la chante, mais il est interprète et a une rémunération pour ça. Un artiste qui est à la fois interprète et compositeur a une rémunération pour chaque poste.
Souvent, les artistes se plaignent de la faible rémunération des streamings parce qu'ils ne regardent que ça comme source de revenus Mais un artiste qui a bien travaillé et a un avocat qui a bien négocié son contrat sait qu'il est payé pour l'interprétation, la composition, l'écriture du texte, etc. Il touche des droits pour tout ça.
𝑻𝒐𝒊 𝒒𝒖𝒊 𝒕𝒓𝒂𝒗𝒂𝒊𝒍𝒍𝒆𝒔 𝒔𝒖𝒓 𝒍𝒆𝒔 𝒅𝒆𝒖𝒙 𝒄𝒐𝒏𝒕𝒊𝒏𝒆𝒏𝒕𝒔, 𝒒𝒖𝒆 𝒑𝒆𝒏𝒔𝒆𝒔-𝒕𝒖 𝒅𝒆𝒔 𝒅𝒓𝒐𝒊𝒕𝒔 𝒅'𝒂𝒖𝒕𝒆𝒖𝒓 𝒆𝒏 𝑨𝒇𝒓𝒊𝒒𝒖𝒆 ?
Les droits d'auteur sont mal organisés dans beaucoup de pays africains. Les artistes touchent des miettes parce que ceux qui sont supposés payer les droits d'auteur ont du mal à capter la bonne répartition des droits. La première source de revenus d'un artiste devrait être ses droits d'auteur, mais c'est souvent mal géré. Les droits d'auteur concernent l'auteur et le compositeur, pas l'interprète. Si tu es interprète et que tu n'as pas écrit, il n'y a pas de droits d'auteur pour toi, mais il y a d'autres droits.
Cyrielle L. EVINA