
06/04/2024
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Omar dit Omaren, jeune homme de la trentaine vit à Djibouti depuis presque vingt ans. Arrivé par hasard, sa vie a été chamboulée en 2010 et se retrouve actuellement sur une chaise roulante.
Il a grandi en Éthiopie dans un petit village appelé Bordadeh qui se trouve entre Addis Abeba et diredawa. Un village qu'il a quitté, du jour au lendemain, à l'âge de 12 ans. Sa famille vivait de la terre et ses parents parvenaient difficilement à les nourrir : lui, ses quatre frères et sa sœur. Son enfance était rythmée par le passage du train. Il jouait, avec ses amis au football pas loin de la gare et profitait de prendre le train à chaque passage pour descendre au prochain arrêt. Ils se lançaient parfois des challenges , celui de sauter du train qui roule. Pour eux, c'était un jeu. Un jeu qui a coûté la vie à plusieurs enfants du village mais qui, par insouciance, était perpétré de génération en génération.
Un jour, Omar a quitté chez lui pour aller jouer avec ses amis. Le train arriva, il m***a dedans pour y faire un voyage sans retour.
C'était un après-midi comme les autres, Omar est monté dans le train avec cinq autres de ses amis. Le train a quitté la station du village en direction de diredawa. Le jeu était simple, celui qui restera le plus longtemps dans le train a gagné. Descendre d'un train qui file à toute allure demande de l'expérience mais aussi de l'agilité. Omar était confiant car il gagnait souvent à ce jeu.
Plusieurs minutes après, il s'est levé, s'est dirigé vers la porte et s'est mis en position de saut.Son regard croisa alors celui d'un jeune homme d'âge mûr de son village. Ce dernier l'a appelé , lui demanda de venir s’asseoir à côté de lui car un train en sens inverse est prévu au prochain arrêt. Malheureusement, le train n'était pas au rendez-vous et le soleil s'est couché entre-temps. Pour un enfant de son âge, retourner tout seul à pied , dans l'obscurité, était dangereux. Il resta alors sagement près de cet homme jusqu'à leur arrivée à diredawa.
C'est alors que l'homme partagea son intention d'aller à Djibouti. Pour Omar, Djibouti était ce pays merveilleux où les gens revenaient bien habillés et avec des cadeaux. Très mature pour un enfant de son âge, l'envie d'aller découvrir ce mystérieux pays l'envahissait comme même.
L'homme lui donna 200 bir et lui demanda de s'acheter à manger. Omar soupçonna alors que l'homme s'enfuyait peut-être avec une somme d'argent. En effet, ce dernier a évité de prendre le train depuis diredawa pour se rendre à Djibouti. Ils ont d'abord pris un bus pour se rendre à chiniley, pour ensuite prendre le train. Omar n'avait plus la notion de temps mais l'envie l'avait poussé à suivre cet homme. Un voyage facile et un manque de contrôle identitaire au niveau des frontières lui a permis de se retrouver à Alisabieh sans souci. Un vieux de leur village se trouvait heureusement dans le même wagon que lui. L'homme qu'il a suivi descenda à Ali-sabieh , se faufila dans la foule et disparaîtra à jamais . Omar s'accrocha alors au vieux et évita de le perdre de vue un instant.
Le train arriva à cité Lerre, le vieux descenda et emmena Omar avec lui jusqu'à un lieu appelé Avenue 13. A cet endroit, Omar a reconnu des visages familiers : la vie difficile dans leur localité avait poussé un grand nombre de personnes à venir tenter leur chance à Djibouti. Les petits ciraient des chaussures, les ados nettoyaient les voitures et les plus âgés vendaient du "cadeys" : brosses à dents traditionnelles. Après quelques bouchées de pain dans un restaurant non loin de là, le voilà enfin allongé sur un morceau de carton étalé sur un trottoir. Il commençait à passer sa première nuit d'enfant de rue, loin du confort familial.
La nuit était courte, la boule au ventre, Omar appréhendait la journée à venir. Que faire ? Où trouver à manger ? Le jour se leva et la rue reprenait vie petit à petit. Traité comme un invité, le petit déjeuner lui a été offert. Il resta alors toute la journée assis à observer les passants, les voitures et les commerçants. Personne ne lui prêta attention. C'est à croire qu'il n'existait pas. A midi, il dévorait les plats des autres du regard jusqu' à ce que la gentillesse d'une vendeuse des pattes a poussé un homme du village à lui payer une assiette. Il comprendra alors qu'ici c'est chacun pour soi. Petit ou grand, il faut travailler pour survivre.
La généreuse femme lui donna 500 fdj à la fin de la journée. La nuit tomba, il mangea un peu avant de retrouver son carton de fortune pour sa deuxième nuit dehors.
Cette nuit là, il avait beaucoup pensé à sa famille. L'envie de retourner le submergeait de temps en temps mais sans argent et sans repère , c'était une mission impossible. Dès le levé du soleil, un jeune l'amena non loin de la place Menelik, le centre ville de la capitale. un pot de cirage à la main, Il entama sa première journée de travail. A midi , il a empoché 400fdj et remarqua qu'un grand nombre des jeunes enfants gagnaient leur vie de cette façon. Omar, rassuré et tout content, finira la journée avec 600 fdj.
Fatigué, il retrouva son carton avec l'espoir d'économiser afin de retrouver les siens.
Durant les premières années, Il s'efforçait d'économiser sans vraiment y parvenir. Il se faisait de plus en plus de clients et fidèle à son travail de cireur de chaussures, il arrivait juste à manger à sa faim. Il se rappelle aujourd'hui la galère des nuits de pluie, le rafle de la police qui pouvait l'arrêter à tout moment, les journées difficiles et la peur de se faire enlever un organe vital. Les rumeurs circulaient et Omar était tout le temps sur ses gardes. Sa vie se résumait à un sachet de plastique contenant quelques vêtements et qui lui servait de coussin le soir.
Honnête de nature, il avait de plus en plus d'amis. Quelques restaurants de la place lui offraient parfois à manger et cela lui donnait parfois l'impression d'avoir une deuxième famille. Il était touché par la générosité des Djiboutiens et commençait à se plaire à ce mode de vie.
Mais à cause d'une maladie dont il cherche toujours le nom, sa vie a malheureusement été chamboulée en 2010. En effet, il se retrouve du jour au lendemain dans l'incapacité de faire le moindre effort. Il était donc obliger d'arrêter le travail, son état se détériora rapidement pour finalement se retrouver sur une chaise roulante. Il s'agit probablement d'un problème neuronal mais sans un réel diagnostic, sa situation ne fait que s'empirer de jour en jour.
Aujourd'hui, il vit non loin du district au centre ville. Ses connaissances le soutiennent moralement et parfois financièrement. Il admire la gentillesse et la générosité des djiboutiens et garde l'espoir de retrouver un jour la santé.
Tel : 77 46 18 14
Source : Un visage une histoire