24/11/2025
🛑🔴 🇩🇯🇸🇴🇪🇹🇪🇷🇰🇪 🇨🇦 ➪ 🟥🦆 Le Canard de Djibouti — Édition spéciale
Quand la bienveillance sent la naphtaline : autopsie d’un discours paternaliste made in régime.
Il y a des messages qui, sous leurs airs de petites leçons de morale, méritent d’être disséqués avec la précision d’un chirurgien et l’ironie d’un canard qui a vu passer plus d’un régime au bord de la mare. Le dernier sermon adressé à un jeune contestataire djiboutien, tout en sucre glace et menaces déguisées, appartient à cette catégorie : la littérature politique des vieux pouvoirs qui n’ont plus peur du ridicule, parce qu’ils ont peur du reste.
🔍 I. Psychologie : la câlinothérapie autoritaire
Le discours commence par un « mon cher Kader » qui fleure bon la vieille stratégie :
➡️ te rappeler que tu “dois” quelque chose au système.
C’est la version politique du
“Je t’aime bien, mais tu déçois papa.”
Un procédé infantilisant qui sert à transformer l’opposant en fils prodigue égaré, alors qu’il est, très simplement, un citoyen qui revendique.
Quand le régime se met à parler comme un oncle trop collant aux mariages, c’est rarement par tendresse.
✍️ II. Littérature : l’art délicat de la menace en dentelle
Arrive ensuite le chef-d’œuvre rhétorique :
« Si tu crois que tu peux provoquer la révolution Z… alors bon vent. »
Traduction simultanée :
➡️ “Tu vas échouer et tu vas le regretter, mais comme je suis poli, je dis bon vent.”
Bienvenue dans la litote répressive, cette figure de style très prisée des pouvoirs qui veulent intimider sans assumer leurs menaces.
On enveloppe la gifle dans de la soie, mais ça reste une gifle.
🕰 III. Histoire : le disque rayé des régimes surpris par l’Histoire
La musique est connue. Louis XVI, Ben Ali, Moubarak et tant d'autres ont déjà fredonné ce refrain :
“Votre révolution n’aura pas lieu.”
Spoiler : elle a parfois eu lieu.
Souvent sans prévenir.
Toujours sans demander la permission.
Quand un pouvoir affirme avec assurance que rien ne changera, c’est généralement qu’il a perçu, dans un coin sombre, l’ombre du changement. Et qu’il tremble un peu.
🧑🤝🧑 IV. Sociologie : la Génération Z, nouvel ennemi d’État
Le message révèle une constante sociologique des régimes vieillissants :
➡️ ne jamais prendre au sérieux la jeunesse, ni ses outils.
« Les réseaux sociaux ? De simples jouets. »
« La Génération Z ? Un caprice collectif. »
Sauf que la rue numérique est devenue plus puissante que la rue physique.
On ne renverse plus un récit avec un tract : on le renverse avec un hashtag.
Et ça, certains pouvoirs ne l’ont toujours pas digéré.
🧠 V. Philosophie : la confusion entre autorité et vérité
Le discours trahit une vision archaïque du pouvoir :
➡️ le chef sait, le jeune s’égare.
➡️ le pouvoir éclaire, le citoyen s'illumine trop.
La contradiction n’est pas acceptée comme un dialogue, mais vécue comme un sacrilège hiérarchique.
C’est du pré-moderne pur, un vestige d’un temps où l’autorité politique était aussi paternelle que verticale — et surtout, intouchable.
🛋 VI. Psychanalyse : le déni comme doctrine d’État
Ce message, malgré son ton apaisé, suinte l’angoisse.
On y lit ce vieux mécanisme :
➡️ nier ce qu’on n’arrive plus à contenir.
Plutôt que de reconnaître qu’une jeunesse s’organise, le discours la réduit à un “mauvais chemin”, une “erreur de parcours”.
C’est une façon élégante de dire :
“Ce que tu fais me fait peur, donc j’affirme que ça n’existe pas.”
🟦 Conclusion : la politesse comme dernière barricade
Derrière les mots gentils se cachent :
un pouvoir qui doute,
un narratif qui s’effrite,
une génération qui ne rampe plus,
un monopole symbolique qui se fissure.
Le message voulait rassurer.
Il révèle surtout que la légitimité paternaliste du régime est en train de se dissoudre comme un sucre dans le thé brûlant des réseaux sociaux.
Et quand un pouvoir en arrive à sermonner ses jeunes plutôt qu’à leur répondre, c’est qu’il a déjà perdu une bataille essentielle :
➡️ celle du récit.