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Editions Frantz Fanon Frantz Fanon est avant tout l'histoire d'une rencontre entre deux passions: celle de créer et celle

Excellent article d'Hervé Villeroy sur le dernier essai de Kamel Bencheikh : "Pour une insurrection des consciences. Réa...
16/09/2025

Excellent article d'Hervé Villeroy sur le dernier essai de Kamel Bencheikh : "Pour une insurrection des consciences. Réarmer la République"
Kamel Bencheikh est une vigie allumée dans la nuit de notre temps
Dans un monde où les mots se fanent et où les esprits se confinent dans le confort de la routine, Kamel Bencheikh nous présente un essai au souffle brulant. Pour une insurrection des consciences n’est pas un ouvrage comme les autres : c’est un cri, un poing levé contre la résignation, une lumière qui éclaire ce que beaucoup préfèrent ignorer. Ici, il ne s’agit pas de séduire, de plaire ou de rassurer : il s’agit de réveiller à tout prix. De tirer chacun de la torpeur et de la complaisance.
Le texte se déploie comme un récit de combat, où mémoire personnelle et engagement universel se répondent. Dans D’où je viens, un parcours à la croisée des mondes, l’auteur raconte son enfance et les fractures culturelles qu’il a traversées. Mais loin du récit plaintif, chaque phrase est un acte de résistance : « Car pendant que je bâtissais, pendant que je croyais à la fraternité républicaine, j’ai vu d’autres construire à l’envers. J’ai vu les ghettos de pensée remplacer les quartiers de vie. J’ai vu les injonctions identitaires étouffer les singularités. J’ai vu revenir, sous des formes plus douces, mais plus insidieuses, les chaines de l’archaïsme, les voix du rempli, les sermons qui n’éclairent rien. » Il y a dans ces mots la brûlure d’une vie vécue au bord du silence et du cri, l’empreinte d’un engagement dès le plus jeune âge.
Dans "L’ombre grandit, mais nous portons encore le feu", le ton devient intime : il évoque les fidélités conservées, les idéaux préservés, les êtres et les idées forgent une exigence. Mais l’essai prend une dimension plus percutante lorsqu’il s’aventure sur le terrain politique et médiatique.
Là où les politiques se couchent est un réquisitoire implacable : Kamel Bencheikh y dénonce la lâcheté et les compromissions des élus, ces arrangements honteux scellés dans l’ombre des bureaux municipaux. Ce silence complice est devenu un langage ordinaire, un pacte de convenance qui laisse l’obscurantisme s’installer sous le masque de la République. « Ils ont désarmé la République. Par lâcheté. Par calcul. Par confort. Je ne crois pas qu’ils tous malveillants. Je crois qu’ils sont, pour beaucoup, débordés. Incapables de connaitre l’ampleur du phénomène. Ou bien encore enfermés dans leur logiciel de communication. Dans leurs jeux d’appareils. Ils sont devenus des techniciens du consensus, alors que l’époque exige des combattants de la clarté. »
Dans "Quand les médias enjolivent ou capitulent", il met en cause une partie de la presse, fascinée par l’euphémisation et la séduction du politiquement correct, prête à masquer les dérives et à transformer le danger en spectacle coloré. Là encore, Kamel Bencheikh refuse l’aveuglement et nomme ce que beaucoup taisent. « L’information est une lumière. Et certains ont décidé, sciemment, de baisser l’intensité. Ceux-là aussi, il faudra les regarder en face. »
C’est dans "La foi en la laïcité" que Kamel Bencheikh révèle avec une acuité rare le chemin qu’il a parcouru, de sa terre natale aux rives de la Révolution de 1789. « Je suis né dans une terre de fer et de feu. J’y ai vu des hommes prier et des femmes se taire. J’y ai entendu les appels à Dieu couvrir les cris des enfants. » Ces mots frappent par leur vérité brute, par la précision des contrastes : la ferveur d’un peuple, la contrainte d’un monde où la liberté se négocie au prix du silence.
Mais, ajoute-t-il, il y a eu ailleurs l’éclat : « J’y ai connu aussi des hommes droits. Des femmes debout. Des amis qui lisaient Voltaire à la lumière des versets. » Dans ces phrases, se dessine déjà la fidélité de l’esprit, la révolte tranquille de ceux qui refusent de courber l’échine. Ce sont les lueurs qui traversent l’ombre, la résistance intime qui prépare le pas vers l’universel.
Et puis vient la rencontre avec l’universalisme, cette lumière qui éclaire l’horizon : « J’ai lu Atatürk comme on découvre un éclat de lucidité dans un cauchemar d’obscurantisme. » Là, le récit personnel devient manifeste : la soif de raison, de liberté et d’égalité se mêle à la mémoire du vécu, au poids des héritages, à la détermination de refuser que l’histoire se répète dans l’ombre.
Kamel Bencheikh fait de son parcours une leçon de vigilance et d’espérance : chaque pas vers la lumière républicaine est un choix de courage, chaque rencontre avec l’intelligence libre, une victoire sur l’oppression silencieuse. Son écriture mêle le souffle du conteur et la force du penseur ; elle fait sentir que le trajet qu’il a accompli n’est pas seulement géographique, mais moral et politique, une ascension vers l’universel.
Et dans ce cheminement, se lisent les promesses d’un engagement sans compromis : la laïcité n’est pas un dogme abstrait, elle est le socle d’une liberté concrète, vécue dans chaque décision, chaque pensée, chaque geste. Elle est l’horizon vers lequel il faut toujours tendre, même quand le monde alentour s’obscurcit. La foi en la laïcité n’est pas seulement le récit d’un parcours : c’est un appel à marcher avec lucidité et audace, à résister à l’obscurité et à éclairer la voie pour ceux qui viendront derrière.
L’essai prend toute sa puissance dans "L’islamisation par le quotidien", où il montre comment l’obscurantisme se glisse par les détails, par la routine et les habitudes. Une prière dans un hall d’immeuble ou dans la rue, une école où l’on tolère des signes de soumission, un commerce qui se conforme à la ségrégation : ces petits gestes accumulés tissent la toile d’une emprise silencieuse mais implacable.
Enfin, le livre s’élève dans un plaidoyer vibrant et non négociable : "Le droit de blasphémer est un devoir de civilisation". Kamel Bencheikh y rappelle que ce droit fondamental, arraché de haute lutte, n’est pas optionnel : il est vital pour toute société qui se veut libre. Il écrit : « Le droit de blasphémer n’est pas une insulte. Il est une conquête. Une ligne de crête arrachée de haute lutte aux dogmes, aux clergés, aux tyrannies de l’absolu. »
Pour une insurrection des consciences n’est ni un pamphlet, ni un simple témoignage : c’est un manifeste pour une République debout, exigeante et fidèle à ses principes. C’est un appel à la lucidité et à l’action, une invitation à ne jamais céder au confort du silence ou à l’ombre des compromissions. Kamel Bencheikh apparaît ici comme l’un de ces rares écrivains dont l’écriture ne se sépare jamais du courage.
Par sa plume, il redonne sens à l’exigence universelle : l’éducation, la liberté de pensée, l’égalité et la dignité humaine ne sont pas négociables. Chaque page est un souffle, un défi lancé à l’indifférence et à l’oubli, un signal d’alarme pour tous ceux qui refusent de courber l’échine face à l’obscurantisme et à la peur.
Pour une insurrection des consciences est ainsi bien plus qu’un livre : c’est un réveil de la probité, une vigie allumée dans la nuit de notre temps, un instrument pour réarmer les consciences et rappeler que la liberté exige courage, constance et lucidité. Toutes formes de sentiments qui ne manquent pas à Kamel Bencheikh.

Kamel Bencheikh, Pour une insurrection des conscience. Réarmer la République, Paris, éditions Frantz Fanon, 2025 ; 104 pages ; 10 €.

𝐋𝐄𝐒 𝐁𝐎𝐍𝐍𝐄𝐒 𝐅𝐄𝐔𝐈𝐋𝐋𝐄𝐒 𝐃𝐔 𝐓𝐎𝐌𝐄 𝐕 𝐃𝐄𝐒 𝐌𝐄́𝐌𝐎𝐈𝐑𝐄𝐒 𝐃𝐄 𝐒𝐀𝐈𝐃 𝐒𝐀𝐃𝐈 : 𝐋’𝐇𝐈𝐒𝐓𝐎𝐈𝐑𝐄 𝐂𝐎𝐌𝐌𝐄 𝐌𝐈𝐑𝐎𝐈𝐑 (𝟐𝟎𝟎𝟕-𝟐𝟎𝟏𝟗)DÉCRÉPITUDE ALGÉROISE Je m...
15/09/2025

𝐋𝐄𝐒 𝐁𝐎𝐍𝐍𝐄𝐒 𝐅𝐄𝐔𝐈𝐋𝐋𝐄𝐒 𝐃𝐔 𝐓𝐎𝐌𝐄 𝐕 𝐃𝐄𝐒 𝐌𝐄́𝐌𝐎𝐈𝐑𝐄𝐒 𝐃𝐄 𝐒𝐀𝐈𝐃 𝐒𝐀𝐃𝐈 : 𝐋’𝐇𝐈𝐒𝐓𝐎𝐈𝐑𝐄 𝐂𝐎𝐌𝐌𝐄 𝐌𝐈𝐑𝐎𝐈𝐑 (𝟐𝟎𝟎𝟕-𝟐𝟎𝟏𝟗)

DÉCRÉPITUDE ALGÉROISE

Je me tenais debout dans la grande salle du 1er étage du siège régional de notre parti dont les bureaux donnaient sur la rue Didouche Mourad, principale artère de la capitale où dominaient les immeubles haussmanniens. Je notai que les vitrines ne portaient aucune trace de décoration du Nouvel an et que des supports stylisés de plusieurs balcons menaçaient de se desceller. Des façades étaient balafrées par les traces des coulées d’eaux usées fuyant de descentes en plomb dont certaines avaient perdu des segments entiers. Les rares clientes qui entraient ou sortaient des magasins étaient majoritairement voilées. (…)
Je découvris vraiment la capitale en 1968 quand je fus recruté comme maitre d’internat au Centre africain des hydrocarbures et du textile, le CAHT de Boumerdès, avant de rejoindre la Faculté de médecine l’année suivante. (…)
Alger était une ville méditerranéenne qui n’avait rien à envier à Barcelone ou Marseille et sa baie rivalisait avec celle de Naples. Il fleurissait une vie culturelle vigoureuse où auteurs et acteurs autochtones représentaient les aspirations de citoyens prêts à adhérer à tous les rêves. Le cinéma avait déjà produit Le Vent des Aurès ou Hassan Terro. (…) Avec le peintre Issiakhem et le miniaturiste Racim, l’art pictural prit son envol et fit rapidement des émules. Au Théâtre national, Mustapha Kateb avait déjà mis en scène les œuvres de Mouloud Mammeri écrites en français : Le Foehn et La Mort absurde des Aztèques. Plus t**d, Kateb Yacine lança avec succès une troupe qui donnait des représentations dans les usines. Nous traduisîmes une de ses pièces en kabyle qui rencontra un remarquable écho populaire. (…)
L’observateur de cet hiver 2008 que j’étais éprouvait une lourde nostalgie. (…) Que s’était-il passé pour que les trottoirs et les murs d’une ville qui avaient intimidé par leur flamboyance l’enfant que j’étais cinquante ans auparavant ne soient plus supportables au regard qu’un jour de pluie ? Quel était la racine profonde de cette étrange évolution ?

AMBIVALENCES ET INCOHERENCES SYSTEMIQUES

L’ambassade du Koweït à Alger était alors une nouvelle construction aux murs couverts de marbre blanc, située dans le quartier huppé de Hydra. La ruelle qui longe son flanc droit est une impasse qui mène aux résidences des généraux Nezzar et Toufik, deux officiers supérieurs qui régnèrent sur l’Algérie pendant près d’un quart de siècle. L’hypersécurisation de cette zone pouvait avoir joué dans la décision d’y implanter cette représentation diplomatique. (…)
C’est alors que je me préparais à quitter les lieux que l’ambassadeur américain, Robert Ford, un gaillard de deux mètres parlant un excellent français, me tapa sur l’épaule :
« Bonsoir Docteur. Mon collègue Koweïtien s’est félicité devant moi de la qualité de vos entretiens. C’est une bonne chose que des responsables du monde musulman partageant des valeurs humanistes établissent des relations solides. J’ai suivi les observations de votre parti sur les derniers attentats qui ont secoué Alger et ses environs. Vous avez raison, on ne peut pas venir à bout du terrorisme si on ne s’attaque pas à ses racines. Je vais quitter mon poste dans trois mois. Je serais heureux de faire un tour d’horizon avec vous avant mon départ. Je vais vous appeler dans la semaine pour convenir d’un rendez-vous. »
À l’époque, les États-Unis poussaient encore à la composition avec l’ensemble des courants islamistes. (…) J’ajoutai que nous avions cru qu’après les attentats des Twin Towers en 2001, les États-Unis avaient saisi la nature totalitaire et pandémique du fondamentalisme musulman. La réponse fut saisissante, non pas parce qu’elle m’était étrangère, mais précisément du fait qu’elle reprenait la base de nos réflexions sur la question intégriste. J’avais déjà entendu l’argumentaire chez des diplomates européens mais c’était la première fois qu’un représentant américain s’exprimait devant moi de façon aussi abrupte :
« Pour l’Afghanistan, vous avez apporté vous-mêmes une partie de l’explication à notre engagement. Nous ne pouvions pas ne pas réagir après ce qui s’est passé à New York. C’était la plus grande attaque subie par notre nation après Pearl Harbor. Quant à l’Algérie, nous nous adaptons en fonction de ce que nous observons sur le terrain. D’autres collègues ont dû vous le dire déjà ; les positions des militaires algériens sont indéchiffrables. Ils frappent dur sur les maquis, sévissent contre les opposants et la société civile qui peuvent proposer autre chose que l’islamisme mais refusent de protéger votre pays des sources qui le produisent. Il n’y a pas que les USA qui ne comprennent pas que l’armée, qui se donne tous les pouvoirs, ne parvienne pas à ordonner au gouvernement de ne pas livrer vos écoles à des programmes scolaires où la religion commande tout. Ça ne va pas. Nous aussi, nous sommes un pays où la religion joue un rôle important mais nous avons une Constitution qui protège les libertés, toutes les libertés. Et puis, même s’il existe des fanatiques en Occident, notre monde n’est quand même pas menacé par l’intégrisme chrétien.
— Vous voulez dire que les militaires algériens entretiennent délibérément l’islamisme. »

DÉPART DU RCD : LE DILEMME

Celui qui insista le plus pour que je garde une autorité dont il fallait trouver la forme fut le vieil Ali Yahia Abdenour. J’entendais ses appréhensions mais restais sur ma position. (…) Rester dans la hiérarchie du RCD prêterait crédit aux inévitables allusions de la fausse sortie de quelqu’un qui cornaquerait une direction alibi. De plus, et, pour moi, c’était la question la plus délicate, ma proximité organique serait un facteur d’inhibition psychologique et, inévitablement, de blocage politique. Par respect, paresse ou commodité, les jeunes dirigeants seraient tentés d’attendre mes remarques, conseils ou indications pour entreprendre alors que l’objectif était de laisser les nouvelles énergies, façonnées par un système éducatif rétrograde, apporter la preuve qu’il était possible de s’émanciper des conditionnements institutionnels quand on s’était donné la peine de chercher d’autres lieux de formation.

INTIMITÉ VAMPIRISÉE PAR LE COMBAT

Dans ce marasme général, un évènement familial vint mettre un peu de fraicheur dans notre maison. Mon fils Ameziane allait se marier avec une jeune femme médecin qui habitait Fréha, une agglomération distante d’une dizaine de kilomètres de notre village. (…) Mais au fur et à mesure qu’approchait la cérémonie, deux questions jaillirent. Sur quels critères allions-nous arrêter la liste des invités ? Nos camarades d’études ou de travail, les militants et sympathisants constituaient une foule impossible à accueillir. (…) Mais ce fut une autre considération qui provoqua la décision de renoncer aux festivités. Le pays vivait toujours sous le risque terroriste et l’emprise d’un régime prédateur. Célébrer une joie, même privée, m’apparut indélicat, presque indécent. (…) Décision fut prise d’informer les parents de la mariée de notre souhait de ne pas organiser de fête et de nous en tenir à un repas regroupant les membres les plus intimes de notre proximité sociale. Un drame vint justifier notre scrupule à festoyer. Alors qu’ils revenaient d’une mission de sécurisation de l’élection présidentielle, onze jeunes militaires du contingent furent tués dans une embuscade tendue par un groupe terroriste le 19 avril à Tassaft, un hameau de haute montagne que la vallée du Sebaou séparait du nôtre. Ma vie politique avait vampirisé celles des miens. Ameziane avait à peine deux ans quand il faisait le tour des prisons avec sa mère qui venait me rendre visite. (…) Nous devions presque nous excuser d’avoir échappé aux drames qui avaient emporté des femmes et des hommes qui m’avaient suivi dans la lutte. Le syndrome du survivant avait bel et bien pesé sur notre relation.

CITOYENNETE AGISSANTE DANS UN SUD MARGINALISE

Le 24 décembre 2014, le ministre de l’Énergie Youcef Yousfi alluma la première torche d’un puits d’extraction de gaz de schiste. (…) Des dizaines de milliers de citoyens, toutes catégories sociales confondues, s’opposaient, depuis plusieurs mois, au principe même de l’exploitation du gaz de schiste. (…) Aucun dirigeant ne manifesta de disponibilité au dialogue alors que des vis-à-vis où l’on retrouvait des médecins, des ingénieurs, des étudiants et des notables de la région qui rejetaient, certes, la politique du Gouvernement, produisaient un discours raisonnable et cohérent. (…) Mohamed Djaouan, responsable de l’association Shams, Soleil, dénonça l’autisme des autorités : « Nous avons alerté sur les nombreuses menaces […] comme les émissions de monoxyde de carbone qui proviennent des puits de gaz […] avec l’exploitation du gaz de schiste, la menace devient réelle sur les nappes albiennes » ; il soutint également : « La seule ressource que nous devons préserver c’est l’eau. On ne peut pas, au nom d’une logique économique qui veut perpétuer la rente, faire des dégâts écologiques. » (…)
Ce fut Ali Yahia qui m’apprit que les tergiversations du Gouvernement étaient dues, en fait, à des engagements contractuels pris avec des multinationales. Soixante-dix milliards de dollars avaient été engagés sur cinq ans pour la recherche du gaz de schiste. Halliburton avait déjà obtenu le monopole des produits chimiques à projeter dans le sous-sol et le français Total avait remporté la quasi-totalité du marché des équipements. (…) « Pour ne pas payer des indemnités faramineuses, le pouvoir ne peut que compter sur un essoufflement qui ne vient pas », commenta le vieil avocat. (…) Belle et rassurante découverte : les communautés du Sud, rejetées depuis l’indépendance à la marge de la vie publique par un Nord dont l’arrogance était vécue dans le silence et, quelques fois, l’humiliation, venaient de donner un exemple d’une puissante mobilisation citoyenne sur l’écologie (…) En l’occurrence, la ressource humaine d’une région avait protégé la plus grande ressource hydrique du pays. Immense leçon d’espoir venue des tréfonds de la société.

HIRAK

Le vendredi 22 février, des centaines de milliers de personnes envahirent les rues de la capitale. Quoique de moindre importance, des démonstrations de colère avaient déjà eu lieu dans d’autres villes du pays. Un phénomène de mobilisation inédite venait de se mettre en branle. (…)
Je fus chargé de rédiger un pensum qui contextualisait le combat citoyen, rappelait la nature de ses revendications et définissait des modèles de construction organique qui lui assurent la projection la plus pertinente. (…) Au début du mois d’août, le texte fut soumis à une première lecture au pays. Une copie fut transmise à l’émigration.(…)
Les réactions ne t**dèrent pas. Les nouveaux coalisés firent front. Rachad, Belabbas et l’universitaire Addi Lahouari sonnèrent la charge simultanément. Les raisons des uns et des autres convergeaient sur le fait qu’il fallait faire avorter une redynamisation qui allait bouleverser une scène politique où beaucoup avaient déjà arrêté leurs calculs. Pour Rachad, le Hirak n’avait d’intérêt que dans la mesure où il augmentait la pression sur une armée avec laquelle il était en contact et dont il connaissait les fragilités. Belabbas qui avait formellement fait le choix de la feuille de route de Rachad devait contrer tout ce qui allait, d’une manière ou d’une autre, remettre dans l’arène politique les thèses du RCD qu’il avait méthodiquement diluées avant de les occulter par le verrouillage du parti. Addi Lahouari savait que le panarabisme tutélaire auquel il avait longtemps cru était désormais une chimère intellectuelle et géopolitique. Il estimait qu’une institution militaire s’adaptant à un islamisme, ferment de l’identité musulmane, était, sinon la solution idéale, du moins un moindre mal pour maintenir l’Algérie dans une Oumma, certes imparfaite, mais qui demeurait l’unique rempart contre une dissolution dont il suspectait « un berbérisme » occidentalophile d’être l’une des principales menaces.
La concomitance des attaques n’était pas anodine. Rachad donna le la en stigmatisant un radicalisme inopportun dans la période présente. Des propos abondamment repris par son porte-parole londonien Larbi Zitout. Le 9 août, le RCD déclara au site TSA que « l’intrusion de mots d’ordre sur la désobéissance civile en ce moment précis […] et la structuration du mouvement serait suicidaire. » Addi Lahouari qui avait déjà salué la composition de Belabbas et de Rachad s’égara dans un long commentaire où il s’indigna que des personnes proposent maintenant une grève générale en sachant très bien que leur action pouvait interdire « à une vieille d’aller à la poste retirer son mandat.

Said Sadi, Mémoires. L'Histoire comme miroir (2007-2019), Tome V, Editions Frantz Fanon, 2025, 396 pages.

PUBLICATION DU TOME V DES MÉMOIRES DU Dr SADI "L'HISTOIRE COMME MIROIR".Nous avons le plaisir de vous informer que le ci...
14/09/2025

PUBLICATION DU TOME V DES MÉMOIRES DU Dr SADI "L'HISTOIRE COMME MIROIR".

Nous avons le plaisir de vous informer que le cinquième et dernier tome des mémoires du docteur Saïd SADI "L'histoire comme miroir", qui couvre la période allant de 2007 à 2019, sera disponible en Algérie à partir du mercredi 17 septembre et à l'étranger à compter du lundi 22 septembre.

Cet ouvrage dévoile les causes de l’un des holdups historiques les plus stupéfiants de l’Algérie contemporaine. Comment les islamo-conservateurs qui s’accommodaient de l’ordre colonial, pour peu que celui-ci tolère leurs rites et privilèges, ont-ils pu effacer leur compromission avant d’imposer leur projet ? Phénomène encore plus surprenant, ils réduiront au statut de dhimis les acteurs qui avaient mené le combat pour une indépendance indissociable de la modernité qu’ils avaient déserté quand ils ne s’y étaient pas opposés !
En revisitant les cinq dernières années qu’il a passées à la tête du RCD, ainsi que celles qui ont précédé l’insurrection citoyenne de 2019, Said Sadi nous offre une radioscopie rigoureuse et solidement documentée d’un écosystème oligarchique qui a pris en otage la nation et qui a fait de la manipulation de l’Histoire le premier outil de sa reproduction. On découvre à quel point les luttes de pouvoir en Algérie se confondent avec les interprétations conflictuelles des clans qui se disputent le récit national.
Cette imposture a son pendant extérieur : les polémiques minant les relations avec l’Occident et plus particulièrement avec la France par lesquelles le régime fait prospérer le statut de colonisé, déploré par ailleurs, qui l’exonère de toute responsabilité.
Repère structurant dans ces turbulences mémorielles, le congrès de la Soummam, pourtant mis sous embargo par la doxa officielle, a irrigué le combat de la génération d’après-guerre à laquelle appartient l’auteur.
En présentant le miroir des réalités occultées à un peuple malade de son histoire, ce cinquième et dernier tome des Mémoires de Saïd Sadi nous rappelle que la vérité est la condition de la liberté et que le contre-développement qui ronge le pays n’est pas une fatalité.

Said Sadi, Mémoires. L'Histoire comme miroir (2007-2017), Editions Frantz Fanon, 2025, 396 pages.

Vous voulez faire un voyage dans l'âme palestinienne? En découvrir les lumières, les zones d'ombre et les frémissements?...
14/09/2025

Vous voulez faire un voyage dans l'âme palestinienne? En découvrir les lumières, les zones d'ombre et les frémissements? Voci un livre à lire. Un bouquet de poèmes nus réalisé par Nida Younis, une poétesse palestinniene née à Gaza, et traduit et présenté par Mohamed Kacimi, un écrivain algérien qui a enseigné le théâtre à l'université de Gaza et celle de Ramallah. La force de ce livre est qu'il célèbre la Palestine avec conviction sans tomber dans la haine d'Israël ; un bel exploit en ces temps de folie. Bonne lecture.

Excellent article de l'écrivaine Laurence Biava dans Atlantico sur le dernier essai de Kamel Bencheikh sur l'entrisme is...
13/09/2025

Excellent article de l'écrivaine Laurence Biava dans Atlantico sur le dernier essai de Kamel Bencheikh sur l'entrisme islamiste en France et la manière d'y faire efficacement face : "Pour une insurrection des consciences. Réarmer la République".

Par Laurence Biava

« Pour une insurrection des consciences » de Kamel Bencheikh : un insoumis en veille contre le déni et la lâcheté des élites
Dans un texte à la fois récit personnel et manifeste républicain, Kamel Bencheikh décrit avec force la gangrène islamiste qui infiltre écoles, médias et pouvoirs publics, tout en rendant hommage à la République qui l’a libéré. Entre constat implacable et appel à une « levée d’âmes », son livre exhorte à une insurrection des consciences pour sauver la laïcité et éviter l’effondrement de notre socle démocratique.

Abandonnez toutes affaires cessantes vos lectures des romans de la rentrée littéraire pour lire urgemment ce petit livre d’une puissance rare ! A la fois essai, récit, témoignage, Kamel Bencheikh écrit magistralement contre les cerveaux paresseux ! « Pour une insurrection des consciences » oblige à penser, à se remettre en cause…Concernant la montée en puissance de l’islamisme et de l’entrisme islamiste sur nos territoires, il faut bien reconnaître que cette emprise diabolique dans tous les secteurs de notre corps social est rude ! Les preuves sont là, le constat est sans appel : et c’est encore pire que ce que nous pouvons imaginer ! Qui a cru qu’on allait pouvoir couper l’une après l’autre toutes les têtes de la pieuvre islamiste ? L’islamisme n’est rien d’autre qu’une forme de franc-maçonnerie ; une société secrète tyrannique où se promulguent en silence des lois perverses édictés par son obscurantisme. Avec un talent littéraire hors norme, et une admiration sans borne pour la République française qui a fait de lui un homme libre, Kamel Bencheikh dit d’où il vient, en racontant son parcours universaliste qui l’a mené tout droit vers les Lumières. Insoumis, alors que de nombreuses voix ont toujours cherché à le faire taire, il parle de plus en plus fort : en premier chef de ses lectures et des voyages qui l’ont formé, avant de signifier son parcours d’écrivain engagé. « Réarmer la République » dit-il : voilà en quelque sorte quel pourrait être l’épilogue de ses observations multiples. Au sein des écoles, des institutions, des pouvoirs publics, des médias, la montée des intégrismes, les renoncements, la lâcheté, le déni ont œuvré. Bencheikh raconte la gangrène islamiste du quotidien : celle qui est infiltrée partout, et qui a corrompu les élites et les politiques.

Ainsi se dessine sous sa plume, avec beaucoup de justesse et de vérité, cette « République en clair-obscur » qui doit se ressaisir pour ne pas sombrer et être laissée aux mains de ses ennemis. Le Pas de vague qui connait une écholalie puissante chez quelques peureux pervertis fait craindre pour notre chère laïcité (très beaux passages). La fin de l’ouvrage sous forme de manifeste est toutefois d’un aplomb et d’un optimisme redoutables. Sont rappelés en renfort une « levée d’âmes » et les devoirs de civilisation qui nous incombent, afin de ne pas sombrer. Car le socle républicain est menacé de destruction massive : c’est ce que ce livre parfaitement essentiel rappelle à la fois avec force et sans dramaturgie inappropriée.

Kamel Bencheikh, Pour une insurrection des consience. Réarmer la République, Paris, Editions Frantz Fanon, 2025, 104 pages, 10 €.

Excellent article de Kassi Saïdani paru dans le magazine Tazzuri sur le dernier livre de Kamel Bencheikh : Pour une insu...
09/09/2025

Excellent article de Kassi Saïdani paru dans le magazine Tazzuri sur le dernier livre de Kamel Bencheikh : Pour une insurrection des consciences

Paru fin août 2025 aux Éditions Frantz Fanon, Pour une insurrection des consciences est un essai à la fois personnel et universel. Kamel Bencheikh, poète et essayiste franco-algérien, y déploie une parole sans détour face aux dérives de notre époque. Son livre n’entend ni rassurer ni séduire : il veut réveiller.

L’auteur dénonce avec une clarté implacable le projet politique des Frères musulmans : « Ils ne veulent pas la République. Ils veulent son cadavre. Une coquille vide, où seule leur loi reste debout. (…) Leur “islam” est une armure. Un code pénal. Une prison. ». Mais il ne s’en tient pas au constat : il affirme aussi une fidélité à la vie et à la liberté. « Je me bats pour les voix éteintes, pour les rires étouffés, pour les salles fermées. Pour les filles qui marcheront sans peur et sans voile. Pour les garçons qui réapprendront à parler d’amour autrement qu’à travers une fatwa. ».

Cette tension entre refus et affirmation traverse l’ouvrage. Elle prend une dimension historique quand Bencheikh évoque la figure d’Atatürk, symbole de rupture et de courage face à l’anachronisme : « Là où tant d’autres ont caressé l’archaïsme et le conservatisme pour plaire aux foules, lui a ordonné l’avenir. C’est cela, un fondateur : un homme qui préfère l’histoire aux applaudissements. ».

Le livre est porté par une conviction ferme : l’obscurantisme ne se combat pas par des compromis, mais par une parole claire. Et cette clarté, Bencheikh l’assume jusque dans ses pages les plus intimes : « Je viens d’une terre où leur projet a prospéré comme une moisissure sur les murs. Je sais ce qu’ils font de la jeunesse : ils l’endorment avec des versets, ils lui volent la joie de vivre, ils en font une armée d’ombres. Je sais ce qu’ils font aux filles : ils les surveillent, les voilent, les assignent à une vertu toxique. »

Si l’auteur a choisi d’intituler son livre Pour une insurrection des consciences, on aurait aussi pu l’appeler Convictions intimes. Car derrière l’appel collectif, ce texte est nourri par une mémoire individuelle, des fidélités personnelles, un chemin de vie marqué par la résistance. C’est ce double registre qui lui donne sa puissance : un cri universel enraciné dans une expérience singulière. Avec audace et lucidité, Kamel Bencheikh rappelle que la laïcité demeure une valeur émancipatrice, et que son affaiblissement par les euphémismes et les renoncements fragilise l’avenir européen. Pour une insurrection des consciences est un appel à la lucidité et au courage : retrouver la force d’appeler les choses par leur nom, refuser les compromissions, et se tenir debout face aux obscurités du temps présent.

Excellent article du journal Le Matin d'Algérie sur le dernier livre de Kamel Bencheikh Avec Pour une insurrection des c...
05/09/2025

Excellent article du journal Le Matin d'Algérie sur le dernier livre de Kamel Bencheikh

Avec Pour une insurrection des consciences (Éditions Frantz Fanon), Kamel Bencheikh signe un texte coup de poing, mêlant récit intime et brûlot politique. Poète en exil, essayiste sans concession, il dresse l’acte d’accusation d’une époque minée par l’obscurantisme et les lâchetés des élites. Un manifeste incandescent qui appelle chacun à ne plus se taire.
Une voix se lève, non pour séduire mais pour réveiller. Celle de Kamel Bencheikh fend le confort des habitudes, arrache les certitudes, refuse la somnolence qui gagne notre époque. Son livre, Pour une insurrection des consciences, n’est pas un essai sage ni un simple témoignage : c’est une gifle adressée à la résignation, un appel à se dresser quand tout pousse à s’incliner.

À travers des chroniques qui forment un récit de combat, Kamel Bencheikh conjugue mémoire personnelle et engagement universel. Dans D’où je viens, un parcours à la croisée des mondes, il évoque l’enfance, les fractures culturelles, la fuite devant l’obscurantisme. Mais loin d’un récit plaintif, c’est une déclaration de résistance : « Ils ne savent pas, ceux qui me demandent de me taire, ce que c’est que de se taire à dix-sept ans, dans une pièce où l’on parle de Dieu comme d’un couteau. » Chaque phrase porte la brûlure d’une vie vécue au bord du silence et du cri.

Le ton se fait plus intime dans Ce que j’ai aimé, ce que je n’ai pas cédé, où l’auteur raconte ce qu’il a sauvé de son passé : une fidélité aux êtres et aux idées qui ont façonné son exigence. Mais l’essai prend une dimension plus offensive quand il aborde le terrain politique et médiatique.

Dans Là où les politiques se couchent, Kamel Bencheikh dénonce sans fard la lâcheté des élus, ces compromissions honteuses scellées dans l’ombre des bureaux municipaux : « Il y a dans certaines mairies un silence plus lourd que le vacarme des mosquées clandestines. » Ce silence complice, écrit-il, est devenu le langage ordinaire des élites qui se parent des mots de la République le matin pour signer, l’après-midi, avec des fondamentalistes.
Dans Là où les politiques se couchent, Kamel Bencheikh dénonce sans fard la lâcheté des élus, ces compromissions honteuses scellées dans l’ombre des bureaux municipaux : « Il y a dans certaines mairies un silence plus lourd que le vacarme des mosquées clandestines. » Ce silence complice, écrit-il, est devenu le langage ordinaire des élites qui se parent des mots de la République le matin pour signer, l’après-midi, avec des fondamentalistes.

De la même manière, dans Quand les médias enjolivent ou capitulent, il met en cause une partie de la presse, fascinée par l’euphémisation, prompt à maquiller l’islamisme sous les couleurs chatoyantes de la diversité. Là encore, Kamel Bencheikh refuse l’aveuglement et nomme ce que d’autres travestissent.

Mais l’essai ne se limite pas à une dénonciation. Il interroge le quotidien, cette banalité par laquelle s’installe l’obscurantisme. Dans L’islamisation par le quotidien, l’auteur observe les détails qui s’accumulent, les habitudes qui changent, les renoncements qui deviennent des normes.

Une femme voilée dans une salle de classe, une prière improvisée dans un hall d’immeuble, un commerce qui se conforme à la ségrégation alimentaire : rien de spectaculaire, mais une addition de signes qui tisse peu à peu la toile d’une emprise.

Enfin, le texte culmine avec un plaidoyer clair et sans ambiguïté : Le droit de blasphémer est un devoir de civilisation. Kamel Bencheikh rappelle que ce droit, conquis de haute lutte, n’est pas une option mais une exigence vitale pour toute société libre.

Là encore, il le dit sans détour : « Les enfants de la République ne demandent pas la lune. Ils demandent un bureau à leur taille, un professeur debout, une parole qui s’adresse à eux sans mépris ni peur. Ils ne veulent pas d’un Coran à la place du manuel de sciences. Ils ne veulent pas d’un imam à la place du professeur de SVT. »

Ce livre n’est pas une analyse froide ni un pamphlet rageur. C’est un appel à l’insoumission face aux compromissions, une invitation à relever la tête. Plus qu’une critique, Pour une insurrection des consciences est un manifeste pour une République debout, débarrassée des prudences et des hypocrisies qui la minent. Kamel Bencheikh y apparaît comme l’un de ces écrivains rares qui ne séparent pas l’écriture du courage.

H. Z.

Kamel Bencheikh – Pour une insurrection des Consciences – Réarmer la République, Éditions Frantz Fanon, aout 2025, 100 pages, 10 €

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