
18/10/2025
A écouter ici : https://digradio.fr/podcast/1595-le-massacre-de-la-brossardiere/
Retour sur ce funeste 13 aout 1595 où 31 protestants sans défense sont massacrés lors d’un office à la Brossardière près de la Chataigneraie.
Une mise en contexte s’impose.
On voit généralement la Vendée comme l’un des départements les plus catholiques de France mais il faut savoir qu’à la fin du 16° siècle près d’un tiers des habitants du Bas-Poitou, la Vendée de l’époque, étaient protestants.
Les idées réformées se diffusent dans la région dès les années 1530.Parmi les élites, dans des foyers humanistes comme Fontenay-le-Comte et Maillezais. Au sein du petit peuple, en particulier les tisserands et les artisans du bocage, par l’intermédiaire des marchands rochelais.
Plusieurs familles nobles se convertissent.
Quand éclate la première guerre de religion, en 1562, la religion réformée est donc déjà bien implantée dans la région qui devient le théâtre de nombreux affrontements entre catholiques et huguenots. Fontenay-le-Comte est pris, repris, rerepris par les deux camps.
En 1589, la conversion d’Henri IV, le fameux « Paris vaut bien une messe », n’y fait rien. Dans l’Ouest, la Ligue Catholique refuse de se soumettre. De nombreux chefs locaux, appuyés par l’Espagne, poursuivent la lutte, multipliant les pillages et les exactions contre les communautés huguenotes comme, nous y venons, au village de la Brossardière.
Ce jour-là, le 13 août, vers 8 heures du matin, environ deux cent trente fidèles se rassemblent. pour écouter le pasteur Moreau. C’est ici qu’ils viennent prier depuis 1567, les seigneurs de la Chataigneraie, catholiques, leur interdisant d’exercer leur culte sur leur terre. L’assemblée se compose de nombreux représentants de l’industrie du drap : des marchands, des artisans ou de simples ouvriers tisserands venus en famille.
Le sermon n’ira pas à son terme car il est violemment interrompu par un cri d’alarme suivi de l’irruption d’une troupe de 45 cavaliers. Arrivés la veille de Rochefort-sur-Loire, un bastion de la ligue, les soldats catholiques s’étaient cachés pendant le nuit pour surprendre leurs victimes au petit matin.
Dans le temple, dans un premier temps, personne ne s’affole, pensant que les soldats, comme cela arrive souvent, sont venus pour leur soutirer une rançon.
Un espoir vite démenti par les coups d’épée qui donnent le départ du carnage.
Je laisse la parole aux chroniqueurs de l’époque pour le récit des atrocités. Ames sensibles s’abstenir.
Pierre Robineau, du Breuil-Barret, fut poignardé entre ses deux petits filles qu’il tenait à la main. Un enfant de quatre ans fut tué dans les bras de sa grand-mère, un autre de douze ans, suppliait les assassins de « prendre quarante sous qu’il avait dans sa bourse et de ne point le tuer ».
Mais c’était du sang qu’il fallait et l’enfant fut égorgé.
Un vieillard septuagénaire demandait à ses bourreaux de lui accorder quelques moments pour se recueillir avant la mort. Pour réponse, il reçut un coup d’épée.
Un tondeur de drap de la Châtaigneraie , Toussaint de Bessé, âgé de cinquante-cinq ans, fut pris pour le ministre et subit le plus barbare traitement ; on lui tira un coup de pistolet dans la bouche ; on lui arracha les yeux et la langue , après quoi chacun s’acharnait encore sur son cadavre.
A l’extérieur, ceux qui ont réussi à s’enfuir sont pourchassés sans pitié.
Après 45 minutes sanglantes, c’est une pluie d’orage torrentielle qui contraint les assaillants à cesser la boucherie.
Le pasteur qui avait réussi à s’enfuir revient alors sur ses pas compter les morts et les blessés : 31 personnes ont perdu la vie, plusieurs dizaines sont blessées et 4 otages ont été emmenés pour éviter les représailles immédiates.
Les auteurs du massacre sont connus. Les agresseurs étaient commandés par les capitaine Demoirier, Courtin et Mamier. Aucun d’entre eux ne sera poursuivi ou puni pour le massacre. En revanche, ils provoqueront la colère du gouverneur de Rochefort qui leur reprochera de ne pas avoir tué tout le monde.
La légende veut aussi que la dame de la Chataigneraie ait joué un rôle funeste dans le drame. Cette fervente catholique aurait demandé aux protestants de venir sans armes à leur office car elle ne voulait pas qu’ils aillent chasser sur ses garennes toute proches.
Elle aurait également contemplé le massacre depuis un rocher qui domine le village.
3 ans plus t**d, en 1598, l’édit de Nantes mettra fin, provisoirement, aux guerres de Religions et aux exactions.
Aujourd’hui, une petite chapelle, située à quelques mètres du lieu du drame, commémore le drame.