28/09/2025
Samedi 27 septembre, dans le Lot…
La journée s’ouvrait à Cahors, place Mitterrand, avec un concert caritatif organisé au profit de la restauration du Pont Valentré, ce joyau de pierre qui veille sur la ville depuis plus de sept siècles. Sous le ciel encore clair, les percussions des Les Bidons de l’An Fer répondaient aux guitares et à l’accordéon du trio Bastingage groupe - officiel. Ensemble, ils reprenaient avec générosité les airs les plus populaires de la variété française. Les Cadurciens et Cadurciennes, rassemblés sur la place, fredonnaient, tapaient dans leurs mains, se laissaient gagner par cette atmosphère à la fois festive et bienveillante, comme une respiration dans le tumulte du quotidien.
L’après-midi poursuivait cette parenthèse lumineuse avec la course en relais et la marche de l’Ekiden, ponctuées d’une apparition insolite : des personnages Marvel avaient envahi les rues, offrant aux enfants – et aux plus grands – des instants de féerie. Sur le bitume de Cahors, coureurs aguerris, amateurs, familles, enfants et personnes en situation de handicap avançaient ensemble, unis par le même souffle, dans une ambiance fraternelle qui réchauffait le cœur des passants. On aurait dit que la ville entière vibrait à l’unisson, rappelant qu’il existe encore des instants simples où l’humanité se retrouve.
Mais la fête ne s’arrêtait pas là. Au crépuscule, la route se faisait plus intime. Ma voiture empruntait les petites routes et chemins sinueux de la campagne lotoise, bordés de champs encore dorés par une belle fin de journée automnale. Au détour d’un vallon, après un bois digne de La Belle au Bois dormant, surgissait le Domaine de Séguéla propriété de Magali Roussel et Sylvain Barres, niché dans un écrin de vieilles pierres. Là, le temps semblait suspendu, comme si les murs avaient gardé la mémoire de toutes les âmes passées et que la paix y avait trouvé refuge. Dans une ancienne grange réaménagée, serrés les uns contre les autres, une soixantaine de spectateurs attendaient dans une ferveur silencieuse.
Sur la petite scène, un piano et une guitare patientaient sous la lumière douce.
C’est alors que Mathilde Limal apparut. Non pas au bras de son pianiste, mais quelques pas derrière lui, comme une apparition. Emmanuel Leroy, son compagnon de vie et de musique, la précédait, discret, attentif. Une vague d’applaudissements les accueillit.
Mathilde souriait. Vêtue d’une robe d’été aux tons doux, au dos dénudé, elle semblait faite de lumière et de simplicité. Elle fit un pas en arrière, pencha la tête derrière la porte, et fit entrer sa chienne, compagne fidèle de ses tournées — un geste tendre, presque secret, qui révélait son cœur.
Elle rejoignit la scène, et tout changea.
La salle se tut. Une atmosphère suspendue.
Dès les premières notes, la magie opéra. Le silence se fit, profond, respectueux, presque religieux. Sa voix, claire comme l’eau d’un ruisseau, douce comme une caresse, s’éleva comme un souffle venu d’ailleurs. Une voix venue des nuages, peut-être des cieux, là où la beauté du monde s’étire au‑delà de l’horizon. Dès la première note, a ca****la, la salle se fit vibrer. J’y découvris toutes les nuances de l’arc‑en‑ciel — fragilité et force mêlées, clarté et mystère. Puis, les titres s’enchaînèrent. Chacune, un écrin de beauté, un poème. La chanson française se transforma en une ode romantique, touchée d’une grâce rare, digne des plus grands : Molière, Rimbaud, Maupassant, Verlaine ou Flaubert auraient sans doute trouvé ici leur émoi.
Un morceau fut dédié à son papa, à ses frères aînés en voyage, et un autre parti rejoindre le paradis (si j’ai bien compris). Sa maman, au premier rang, avait les yeux baignés de lumière et de larmes. Et Mathilde, sur scène, rayonnait — offrant à chacun un fragment d’elle-même.
De formation classique, diplômée de chant lyrique au Conservatoire national supérieur de Paris et de chant baroque au Conservatoire d’Aix-en-Provence, Mathilde Limal est une artiste voyageuse. Il y a une dizaine d’années, elle s’installa à Kuala Lumpur, en Malaisie, où elle explora le jazz, l’improvisation et la folk du monde. Autrice-compositrice-interprète, elle se donne entièrement à la voix et aux mots, offrant une émotion rare.
Accompagnée de sa guitare et du pianiste Emmanuel Leroy, elle interpréta principalement les titres de Ose, son EP paru en 2023. Chaque morceau était une invitation au voyage, un baume posé sur les cœurs fatigués. Dans cette grange du Quercy Blanc, loin des tumultes, l’art retrouvait sa mission première : relier, apaiser, élever.
Ose regroupe six chansons, toutes plus émouvantes les unes que les autres… mais il en est une qui fit naître une larme sur mon cœur : Mangrove. Écoutez-la, laissez-la s’immiscer en vous… et votre cœur saura vous parler.
Nous avons besoin d’artistes comme Mathilde Limal — capables de panser les blessures, de semer la beauté et d’inviter au voyage. Ils nous rappellent que la beauté existe encore, qu’elle se glisse dans une voix, dans une note, dans un sourire, et qu’elle peut nous réconcilier avec le monde.
Mathilde Limal se produit ce soir, dimanche 28 septembre 2025, à 18h au gîte de Taillefer à Saint-Paul-de-Loubressac, dans le Lot.
Gilles BARRé
