30/11/2025
À Valmunster, une marche pour la liberté en mémoire de deux réfractaires de 1944
Quatre-vingt-un ans après les faits, l’émotion demeure intacte. Le week-end dernier, les enfants, neveux et nièces de deux réfractaires de la Seconde Guerre mondiale, Joseph Wilzer et Clément Fieuvet, se sont réunis dans une petite chapelle isolée à 2,5 km du village. Un lieu chargé d’histoire, où les deux hommes avaient trouvé refuge. Ensemble, ils ont effectué la première « marche du retour vers la liberté et la paix », un hommage désormais appelé à devenir annuel.
Une cavale de 13 mois dans la peur et la clandestinité
À l’automne 1944, alors que les troupes américaines progressent en Moselle, la tension monte chez les soldats allemands. Dans Valmunster et les villages voisins, la nervosité est palpable. Joseph Wilzer et Clément Fieuvet, réfractaires (à être enrôlé de force dans l’armée allemande) et cachés depuis plus d’un an dans la région, sentent le danger se resserrer. Pour éviter d’être découverts, ils décident de quitter le village et trouvent refuge dans une petite chapelle dissimulée derrière des haies épaisses.
La veille de la libération du village, deux soldats allemands en déroute passent devant la chapelle et découvrent les fugitifs. Le face-à-face aurait pu tourner au drame. Les soldats, affamés, acceptent néanmoins un peu de nourriture offerte par les réfractaires. Mais la tension reste extrême : l’un des Allemands pose sa mitraillette à terre, et l’un des réfractaires se tient prêt à s’en emparer si la situation dégénère. Finalement, les soldats repartent, poursuivant leur fuite.
Le 27 novembre 1944 : retour à la liberté
Au matin du 27 novembre 1944, le père de Joseph Wilzer arrive à la chapelle. Essoufflé mais soulagé, il lance à son fils et à Clément Fieuvet : « Ça y est, vous pouvez rentrer, ils sont partis ! ». Après treize mois de clandestinité et de peur constante — non seulement pour eux mais aussi pour les habitants qui les avaient protégés — les deux hommes retrouvent enfin la liberté.
Mais le retour au village est encore empreint de tension. Les soldats américains, fraîchement arrivés et méfiants, pointent leurs armes sur les deux jeunes hommes. C’est alors qu’une mère s’interpose et s’écrie : « Ils ont réussi à échapper aux Allemands, ce n’est pas vous qui allez me les prendre maintenant ! ». Les soldats baissent leurs armes, et la vie peut enfin reprendre son cours à Valmunster.
Une mémoire qui refuse de s’éteindre
Comme de nombreux réfractaires, Joseph Wilzer et Clément Fieuvet auraient pu être arrêtés, considérés comme des déserteurs et envoyés dans des camps aussi impitoyables que les camps de concentration. Leur survie tient du miracle autant que du courage de ceux qui les ont aidés.
Les deux hommes ont fondé leur famille après la guerre, chacun ayant eu trois enfants. C’est en hommage à leur histoire et au souvenir de cette période sombre que leurs descendants ont choisi de marcher jusqu’à la chapelle, 81 ans après ces événements. Une stèle a été installée à proximité, rappelant pour toujours leur parcours et le rôle de ce lieu discret mais essentiel.
Une marche annuelle pour célébrer la paix
Les familles ont annoncé qu’une marche commémorative aura désormais lieu chaque année. L’objectif est clair : transmettre aux générations futures la mémoire de ces vies sauvées, de ce courage quotidien, mais aussi rappeler « la chance que nous avons de vivre dans une Europe en paix depuis plus de 80 ans ».
Dans un contexte mondial où les tensions ressurgissent, ce rendez-vous annuel entend cultiver la vigilance et l’amitié entre les peuples. À Valmunster, la petite chapelle cachée derrière les haies restera le symbole d’une Europe qui, malgré les épreuves, a choisi la liberté et la paix.