
17/12/2023
Amoureux et amoureuses du théâtre, voici un livre à découvrir !
LES ÎLOTS d' Isabelle Hurtin aux Editions du Panthéon
Les Îlots, « romance poétique » d’Isabelle Hurtin, paru aux Editions du Panthéon, nous plonge dans les secrets du théâtre, « emmène les lectrices et lecteurs dans les méandres amoureux Notamment de l’art », mais aussi dans les pensées de la metteur en scène qu’elle est pour monter trois pièces aussi uniques qu’exceptionnelles signées par trois immenses noms du monde de l’écriture européenne : La Mouette d’Anton Tchekhov, « le plus beau texte, je crois » assure-t-elle ; Les Lunes d’après Marina Tsvetaeva, « femme « œuvre » » (p.72), « poétesse hors du commun » (p.73), et La Machine Tchekhov de Matéi Visniec. Une trilogie de haut vol pour une seule œuvre.
Pas un livre comme les autres
La quatrième de couverture nous annonce qu’« Au fil des pages conçues comme une plage vierge où s’échouent les mots, tout à la fois abris et écueils, Isabelle Hurtin fait naître un écho entre la création artistique et la destinée de l’artiste. Elle évoque l’histoire d’une créatrice, elle, aux prises avec son œuvre. Embruns que le vent emporte, ces pages disent la prolifique collision du réel et de l’imaginaire et alternent les silences et les élans de parole. Isabelle Hurtin s’empare du chemin créatif, qu’il soit sur scène ou sur la toile de la vie. »
Le lecteur est prévenu, ce livre n’est pas un livre comme les autres. C’est une véritable œuvre. « Quelle que soit l’œuvre, elle est toujours une parcelle de son auteur. » avouent les Editions du Panthéon. « Et cette idée prend tout son sens dans « Les Îlots », où Isabelle Hurtin transpose son univers, son monde, au fil des pages. De ligne en ligne, c’est elle que l’on retrouve, en toute transparence. »
Isabelle Hurtin l’écrit d’ailleurs dans son livre : « Telle une histoire racontée, ou récitée, une rêverie, une écume, j’inscris sept années de travail et de création autour d’une « œuvre » au théâtre. A travers elle, la destinée d’une artiste. Un cours d’eau. Vous savez, en suivant ce cours d’eau, je réveille, je révèle la trajectoire d’une femme prise dans les lacis de la création. » (p.9) Isabelle Hurtin est une œuvre vivante et pleine d’humanité. Elle ajoute qu’« Inventer, jouer, élaborer, bâtir, composer, concevoir, poétiser, réaliser, vivre, imaginer, enfanter… Voilà tout ce qui me constitue, m’abrite. »
Anton Tchekhov, Marina Tsvetaeva, Matéi Visniec
Pourquoi Tchekhov ? Pourquoi Tsvetaeva ? Pourquoi Visniec ? Paradoxalement, « rien » ne l’ « attire particulièrement dans ces auteur.es, si ce n’est la silhouette de quelque chose » d’elle, quelque chose qui la « percute certainement ». « Je suis attirée par ce lac », « comme un enfant te regarde et te parle, naturellement, sincèrement, magnifiquement. Comme la mer vient, et se retire. Une branche familiale et familière. »
Artistiquement parlant, « il y a le choix d’un parcours artistique. Et il se trouve que l’un m’a mené à l’autre qui m’a mené à L’UN ». La troisième force, c’est la créativité qui, pour Isabelle Hurtin, « est proche de l’inconnu, près sans doute, de l’Europe et l’Orient. Ne serait-ce pas eux qui m’ont attirée ? Et non pas moi qui suis attirée ? » me confit-elle.
Pour Isabelle Hurtin, Marina Tsvetaeva est son « amie », nous confie-t-elle. « Dans le sens où c’est une histoire d’amour, en quelque sorte, car on ne sait jamais où commence le tiraillement, comment la magie opère, pourquoi le cœur s’emballe, quelles sont les immenses joies et sur quoi reposent leurs espoirs et parfois leurs chutes. »
Paroles données et hommages au théâtre
Sous-titré Dispersion des feuilles par le vent, livre dédié à ses filles et à sa mère, Isabelle Hurtin donne, dans Les Îlots, la parole aux grands et aux grandes du monde de l’écriture, à commencer par Moharan, Khalil Gibran et Marina Tsvetaeva. Résonnent aussi les pensées de Virginia Woolf, Antoine Vitez, Frida Kahlo, Varlam Chalamov, Isadora Duncan, René Char, Billie Holiday, Andreï Sziaguintsev, Adèle Haenel, Léonard Cohen, Michael Lonsdale, Anna Harendt, Anthony Burgess parmi tant d’autres artistes de renom. Elle en évoque d’autres tout autant avec le réalisateur Nikita Mikhalkov, le « grand acteur » Jean-Paul Roussillon, Charlie Chaplin ou encore Paul Klee qu’on ne présente plus.
Isabelle Hurtin aime les acteurs et actrices. En montrant ses réflexions, elle rend hommage aux artistes de sa compagnie Ness, comme Kevin Chemla, F***y Jouffroy, Olivia Machon, Heidi-Eva Clavier, Ilham Bakal, Bruno Bisaro, Jean-François Chatillon ou encore le génial Lionel Erpelding, mon Maître au conservatoire.
Isabelle Hurtin respire le théâtre. Elle pose les vraies questions : Qu’est-ce que l’acteur, celui qui « doit trouver la liberté d’interprétation du texte. Son secret. » (p.37) ; Qu’est-ce que l’espace ? Qu’est-ce que la représentation ? Qu’est-ce que la réalité ? Qu’est-ce que la salle ? Qu’est-ce que l’ombre au théâtre ? Comment traduire l’intimité ? Qu’est-ce qu’un groupe ? Qu’est-ce que la complicité ? Que sont les harmonies ? Qu’est la musique d’un texte ? Qu’est-ce que la poésie au théâtre ? Qu’est-ce que le public ? Isabelle Hurtin nous fait vibrer, vivre et respirer à travers trois œuvres géniales tout en se demandant « où se trouve désormais [sa] Maison. Sur quel îlot ? » (p.70)
Isabelle Hurtin, « passante », transmetteuse par ce livre bercé de secrets du monde du théâtre, de la création à la représentation, et sublime par les mots, ses pensées et les émotions qu’elle nous apporte, signe ici un livre magnifique. Plus que théâtrale ou roman, c’est une œuvre « théâtre ».
L'Autrice
Directrice artistique de la compagnie du Ness, plasticienne, comédienne et metteuse en scène, Isabelle Hurtin a été élève au Théâtre National de Chaillot « L’Ouvroir » avec Antoine Vitez et au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris. Sa carrière s’est partagée entre le théâtre, le cinéma, la télévision, la voix off et le doublage. Les Îlots est son premier roman.
www.editions-pantheon.fr
Compagnie du NESS
Photo : Anton Tchekhov et Marina Tsvetaeva (Domaine public) et Matéi Visniec (Claude Chauvet, 2003)
Matéi Visniec