27/09/2025
T**i le fourbe : quand l’art met en procès la liberté et la sécurité
Le procès de T**i le Fourbe n’aura pas seulement été celui d’un rappeur comorien accusé d’avoir exhibé une arme dans un clip. Il a soulevé une question plus profonde : jusqu’où l’artiste peut-il aller pour choquer, alerter ou sensibiliser l’opinion ?
De l’aéroport à la cellule : l’étincelle d’une polémique
Tout commence à l’aéroport de Moroni-Hahaya. Alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour un concert au Sénégal, T**i le Fourbe est arrêté et placé en garde à vue. Motif : un pistolet aperçu dans son dernier clip, 2Pac. Pour les forces de l’ordre, c’est une violation grave assimilable à une détention d’arme. Pour ses fans, il ne s’agit que d’un accessoire de tournage, symbole d’une mise en scène artistique.
Cette arrestation a suffi à transformer une star adulée en figure politique involontaire. Car derrière le geste artistique se cache une problématique sensible : la sécurité aéroportuaire dans un pays où les tensions régionales et les trafics nourrissent les inquiétudes.
Le verdict d’un jugement symbole
Après plusieurs jours de garde à vue, l’affaire atterrit devant le tribunal correctionnel. Dans une salle comble et sous haute surveillance, le parquet réclame un mois de sursis et un million de francs d’amende.
Le tribunal tranche plus légèrement :
- Coupable de trouble à l’ordre public
- Un mois de prison avec sursis
- 500 000 francs d’amende
- Mainlevée du mandat de dépôt
Une décision accueillie avec un mélange de soulagement et de fierté par ses fans, massés à l’extérieur du tribunal.
L’artiste, miroir de la société
Depuis toujours, T**i le Fourbe est plus qu’un simple rappeur. Ses textes dénoncent la corruption, les inégalités et l’abandon d’une jeunesse en quête d’avenir. Ses mots sont parfois durs, souvent provocateurs, mais toujours porteurs d’un message.
En brandissant une arme factice dans son clip, il ne cherchait peut-être pas seulement l’effet de style. Il pointait, consciemment ou non, un sujet qui dérange : la circulation des armes et la sécurité dans un pays où les institutions sont fragiles.
Là où les discours officiels minimisent, l’artiste ose exagérer pour que la société regarde enfin ses propres failles.
Un écho qui dépasse le tribunal
Le hashtag **iLeFourbe a envahi les réseaux sociaux. Des fans en colère, des artistes solidaires, des intellectuels inquiets : tous ont fait de ce procès le symbole d’un bras de fer entre création artistique et censure politique.
Mais au-delà de la liberté, l’affaire soulève une autre question : faut-il voir dans ce clip une provocation gratuite… ou un cri d’alarme sur les dangers qui guettent les Comores ?
Quand le rap devient lanceur d’alerte
Dans une société où beaucoup de débats restent confinés dans les cercles d’élites, les artistes deviennent parfois les seuls à mettre les sujets qui fâchent sur la table. T**i le Fourbe, en provoquant l’État par une image choc, a ouvert une brèche : celle d’une réflexion sur la sécurité aéroportuaire, la circulation des armes et la marginalisation d’une jeunesse qui se reconnaît dans ses colères.
Ce jugement ne dira pas seulement si un rappeur a eu tort d’utiliser une arme dans un clip. Il dira surtout si la société comorienne accepte que ses artistes soient des miroirs dérangeants de ses vulnérabilités.
Et au fond, la vraie question reste ouverte. Faut-il punir l’artiste pour avoir montré ce que beaucoup préfèrent cacher, ou faut-il l’écouter comme une alarme avant l’heure ?
La Rédaction
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