Genre et Conflits Armés

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Demain, 4 ans depuis le retour des Talibans, triste commémoration
14/08/2025

Demain, 4 ans depuis le retour des Talibans, triste commémoration

(Photo prise dans une école secrète dans un faubourg de Kaboul, mise en scène par des élèves de la 9ème classe. Sur la tableau on lit: nous apprenons même par terre, pas de pupitre, pas de chaise, pa…

Les Israéliens ont recours à une tactique classique de déni du génocide : celle qui consiste à estomper les atrocités à ...
13/08/2025

Les Israéliens ont recours à une tactique classique de déni du génocide : celle qui consiste à estomper les atrocités à coups de chiffres. Toute mention de la souffrance des Palestiniens est considérée comme une menace pour l’image et la survie de la nation.

Depuis plus d’un siècle, la Turquie mène une politique de déni du génocide arménien perpétré par l’Empire ottoman entre 1915 et 1918. Les mécanismes qui sous-tendent ce déni sont manifestes dans de nombreux domaines, notamment la diplomatie, les publications universitaires, la communication en direction de l’opinion publique internationale et le contrôle exercé sur le monde universitaire.

L’objectif est d’empêcher l’utilisation du terme « génocide » pour qualifier les actions de la Turquie et de promouvoir un autre récit, qui présente la déportation et le massacre des Arméniens comme des mesures rendues nécessaires par une menace pour la sécurité intérieure, et non comme le résultat d’une politique délibérée d’extermination.

Le déni est au cœur de l’identité nationale de la Turquie moderne. Les gouvernements successifs à Ankara ont présenté les massacres comme une réponse légitime à un soulèvement armé, affirmant que ces événements relevaient d’une guerre civile au cours de laquelle des Arméniens et des Turcs ont perdu la vie, et non d’un génocide.

Obscurcir les faits et semer le doute sur le nombre de victimes est une stratégie couramment utilisée dans toute politique de déni. Les chercheurs s’accordent largement à estimer qu’environ 1,2 million d’Arméniens ont été tués ou sont morts. La version turque affirme toutefois que les chiffres sont nettement inférieurs, environ 350 000, et que beaucoup sont morts de maladie, lors d’affrontements avec des tribus locales ou dans les épreuves du voyage, plutôt que suite à des ordres explicites d’extermination.

Jeter le doute sur la crédibilité des sources arméniennes et occidentales, par exemple à travers les rapports des fonctionnaires consulaires américains, des missionnaires et du clergé, sert à occulter la responsabilité politique des dirigeants ottomans, qui ont entrepris de détruire tout un groupe ethnique.

La négation de l’Holocauste a elle aussi développé ses propres mécanismes après la Seconde Guerre mondiale, même si elle reste un phénomène distinct de la négation du génocide arménien.

En 1980, Robert Faurisson, professeur de littérature à l’université de Lyon, a publié un livre intitulé « Mémoire en défense contre ceux qui persistent à m’accuser de falsifier l’histoire ». Il y affirmait que l’extermination massive par gaz n’avait pas pu avoir lieu au camp d’Auschwitz-Birkenau.

S’appuyant sur des calculs prétendument scientifiques, Faurisson soutenait que les témoignages des survivant.e.s et les documents historiques avaient été fabriqués. Il affirmait que la taille et la capacité des chambres à gaz ne pouvaient pas permettre de tuer autant de victimes en même temps. Il affirmait également que la durée nécessaire pour que le gaz Zyklon B fasse effet était trop longue pour causer la mort des victimes en quelques minutes, contrairement à ce qu’avaient déclaré de nombreux témoins. De plus, Faurisson soutenait que le transport et la crémation de centaines de cadavres en si peu de temps auraient nécessité des ressources dont les n***s ne disposaient tout simplement pas.

Les affirmations de Faurisson ont été complètement réfutées par des historiens, des ingénieurs, des chimistes et d’autres experts. Il est un exemple flagrant de la manière dont le génocide peut être dépouillé de son contexte historique à l’aide de calculs manipulateurs et pseudo-scientifiques. Comme on le sait, les victimes des camps étaient entassées dans les chambres à gaz. Les systèmes de ventilation et de crémation étaient spécialement conçus pour la destination de ces chambres, permettant une utilisation intensive et l’évacuation rapide des corps.

Faurisson a systématiquement ignoré les documents allemands, les photographies aériennes, les plans architecturaux des crématoires, les témoignages des gardiens des camps et, à l’inverse, les nombreux récits des survivant.e ;s et les résultats des fouilles archéologiques. Ses calculs pseudo-scientifiques sont devenus un exemple type de la tactique négationniste : présenter des affirmations vagues, soi-disant scientifiques, tout en posant des questions qui ignorent délibérément le contexte historique de l’événement.

Une tendance tout aussi dangereuse se dessine en Israël concernant les crimes horribles commis dans la bande de Gaza. En juin 2024, le Dr Lee Mordechai, historien à l’Université hébraïque de Jérusalem, a publié un rapport intitulé « Porter témoignage sur la guerre Israël-Gaza », qui a depuis été mis à jour à plusieurs reprises en réponse à l’évolution de la situation, la dernière fois en juillet 2025.

Ce document fournit un compte rendu méthodique et détaillé des actions menées par Israël à Gaza, y compris de celles qui pourraient constituer des crimes de guerre, et même potentiellement un génocide. Il s’appuie sur des témoignages oculaires, des images satellites, des vidéos, des rapports d’organisations internationales et de nombreux témoignages de soldats et de civils israéliens sur le terrain. Il décrit le meurtre de Palestiniens non armés, les attaques répétées contre des camps de réfugié.e.s, le ciblage de personnes cherchant à obtenir des soins médicaux, l’organisation délibérée de la famine et la destruction des infrastructures, notamment des hôpitaux, des réseaux d’approvisionnement en eau, des centrales électriques, des universités et des mosquées. Ce rapport fait également état de dizaines de milliers de morts, pour la plupart des femmes et des enfants, ainsi que d’une famine massive.

Parallèlement à cette documentation, Mordechai analyse des dizaines de déclarations publiques de responsables politiques, de rabbins et d’autres personnalités israéliennes appelant à la destruction de Gaza et de sa population depuis le début de la guerre, comme preuve de l’intention génocidaire.

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a également déclaré à propos de la guerre que des appels explicites à la destruction et à l’agression aveugle des Gazaoui.e.s se font entendre en Israël, créant un environnement propice au génocide. Un tableau similaire se dégage des rapports d’Amnesty International, du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Volker Türk et d’autres organisations mondiales. Beaucoup ont souligné que le nombre élevé de morts parmi les enfants, les femmes et les personnes âgées palestiniens reflète l’incapacité structurelle d’Israël à respecter les principes de proportionnalité et de discrimination qui sont les fondements du droit international humanitaire.

Dans une tribune publiée au début du mois dans Haaretz, le professeur Michael Spagat, expert mondialement reconnu dans le calcul du nombre de victimes dans les zones de conflit, estime que le nombre de morts à Gaza a dépassé les 100 000. Israël a réduit Gaza à l’état de ruines, l’a rendu impropre à la vie humaine. Il a tué sans discernement des femmes et des enfants innocents, pris pour cible des médecins et des travailleurs humanitaires, et créé les conditions de la famine et de la détresse absolue.

Il s’agit d’un génocide.
La réfutation la plus éloquente de ces accusations a été formulée le mois dernier. Un groupe de chercheurs, parmi lesquels le professeur Dan Orbach, le Dr Yonatan Buxman, le Dr Yagil Hankin et l’avocat Jonathan Braverman, du Centre Begin-Sadat pour les études stratégiques de l’université Bar-Ilan, a publié un rapport de plus de 250 pages intitulé « Démystifier les allégations de génocide : un réexamen de la guerre entre Israël et le Hamas (2023-2025) »

Les auteurs de ce rapport utilisent des méthodes de recherche quantitatives et statistiques et s’appuient sur des documents provenant de sources israéliennes, tant militaires que gouvernementales, tout en comparant le conflit à d’autres engagements militaires, principalement au Moyen-Orient. Remettant en question les données fondamentales sur lesquelles les organismes internationaux fondent leurs accusations selon lesquelles Israël commet un génocide dans la bande de Gaza, ils affirment que ces organisations s’appuient sur des chiffres déformés par le Hamas, ainsi que sur des rapports non vérifiés ou exagérés.

Le démographe Sergio DellaPergola, professeur émérite à l’Université hébraïque, s’est également associé à cette approche négationniste, apparemment motivé par une volonté profondément ancrée de rejeter l’affirmation selon laquelle un génocide est en cours à Gaza par le biais de calculs manipulateurs. Dans une tribune publiée au début du mois dans Haaretz, DellaPergola a critiqué le discours international sur la guerre, affirmant que les estimations évaluant à plus de 100 000 le nombre de morts palestiniens à Gaza sont exagérées et biaisées. Il affirme que ces estimations s’appuient sur des données déformées provenant de sources palestiniennes et internationales, qu’il juge toutes peu fiables.

Spagat a bien résumé les arguments de DellaPergola en soulignant que rejeter les données du ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, est « une stratégie courante chez ceux qui cherchent à minimiser l’ampleur des souffrances de la population civile à Gaza ».

Les marchands de doute
Nir Hasson a passé en r***e les problèmes et les demi-vérités contenus dans le document rédigé par les chercheurs du Centre Begin-Sadat dans un article publié au début du mois. Il classe à juste titre leur rapport dans la catégorie de ceux que l’on appelle les marchands de doute,lesquels emploient une tactique de déni bien connue. Ces personnes ne nient pas nécessairement qu’un événement ait eu lieu, mais elles utilisent des tactiques de déni pour jeter le doute sur les données et avancer des chiffres différents.

De puissants intérêts économiques ont exploité cette méthode de déni, par exemple les fabricants de tabac qui contestent le lien entre le tabagisme et le cancer, ou les compagnies pétrolières qui remettent en cause la réalité du réchauffement climatique. C’est également la tactique utilisée par ceux qui nient le génocide arménien et les négationnistes de l’Holocauste. Pour sa part, Faurisson a mesuré le volume des chambres à gaz et a affirmé qu’il était physiquement impossible qu’elles puissent contenir le nombre de victimes décrit par les témoins oculaires ; par conséquent, selon lui, le génocide ne pouvait être prouvé.

Dans une veine similaire, les chercheurs du Centre Begin-Sadat calculent l’utilisation des munitions par les Forces de défense israéliennes par rapport au nombre de victimes innocentes et concluent que la proportionnalité ne peut être jugée uniquement sur la base des résultats, même si ceux-ci sont dramatiques. En d’autres termes, même si les FDI ont déployé une puissance de feu déraisonnable qui a anéanti des familles entières, y compris des nourrissons et des enfants en bas âge, cela ne signifie pas pour autant que la force utilisée était disproportionnée. En d’autres termes, un nombre élevé de victimes civiles ne prouve pas qu’un crime de guerre a été commis. Ce qui importe, selon la logique des auteurs, c’est la cible militaire elle-même.

Une autre tactique courante de déni consiste à relativiser le nombre de victimes. Les mêmes auteurs affirment qu’il est impossible de déterminer le nombre exact de morts à Gaza. Faurisson, de la même manière, affirmait que des millions de personnes n’avaient pas été assassinées dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau, mais seulement quelques milliers qui étaient mortes de maladie et d’épidémies dans les camps.

Le génocide ne nécessite pas une directive unique et explicite ; il résulte plutôt d’un processus dans lequel la rhétorique, la stratégie, le discours politique, la déshumanisation collective et des schémas d’action répétés convergent vers des actes de destruction massive.

Mais même si l’on réduit le nombre estimé de victimes à Gaza, disons à 30 000 civils palestiniens innocents, un massacre d’une telle ampleur ne devrait-il pas tout de même être passible de poursuites ? L’insistance même à vouloir réduire l’ampleur d’un tel crime à un chiffre précis est, entre autres, une caractéristique classique du négationnisme génocidaire : une tentative de brouiller les atrocités par des calculs arithmétiques.

Le rapport d’Orbach et de ses collègues sur Gaza, à l’instar des travaux des négationnistes avant eux, ne constitue pas une véritable enquête, mais plutôt un enchaînement d’arguments sélectifs destinés à écarter d’emblée toute possibilité de poursuites pénales contre Israël pour génocide. Le cadre est peut-être plus sophistiqué que le négationnisme grossier de Faurisson, mais l’objectif est clair : détourner la responsabilité, brouiller les considérations juridiques et morales, semer le doute et remplacer le débat public d’ordre éthique par un débat technique. Ce faisant, une telle démarche érige un mur entre les atrocités et leur véritable signification, ce qui correspond précisément au danger contre lequel Raphael Lemkin, qui a inventé le terme « génocide » alors qu’il était l’architecte de la Convention des Nations unies sur le génocide, avait mis en garde : précisément, l’effacement des identités et des circonstances de la mort des victimes et leur remplacement par des chiffres, des définitions et des modèles statistiques.

Cette approche contraste fortement non seulement avec la définition initiale du génocide donnée par Lemkin, qui mettait l’accent sur la destruction progressive, institutionnelle et culturelle de groupes ethniques, mais aussi avec les interprétations scientifiques ultérieures qui insistent sur la notion d’« intention cumulative ».

Le génocide ne nécessite pas une directive unique et explicite ; il est plutôt le résultat d’un processus dans lequel la rhétorique, la volonté et le discours politique, la déshumanisation collective et des modes opératoires récurrents convergent vers des actes de destruction massive.

Lorsque des responsables politiques affirment qu’il n’y a pas d’innocent.es à Gaza, lorsqu’un ministre israélien appelle à larguer une bombe atomique sur la bande de Gaza et que d’autres proposent l’expulsion massive d’un million d’habitant.e.s ou suggèrent de séparer les hommes des femmes et des enfants afin de les éliminer, ce discours cumulatif s’inscrit dans un mécanisme qui permet et légitime les actions sur le terrain.

La débâcle de Yad Vashem
Mais le volet le plus triste de cette tendance croissante d’Israël à nier le génocide à Gaza est réservé à Yad Vashem, les autorités chargées de la mémoire des martyrs et des héros de l’Holocauste. Les historiens qui y travaillent et consacrent des années à enquêter sur les événements de l’Holocauste choisissent de se taire et de ne pas écrire sur les horreurs commises à Gaza.

Au vu du flot de déclarations faites au début de la guerre par des personnalités politiques israéliennes appelant à des massacres, un groupe d’universitaires israéliens s’est tourné vers le président de Yad Vashem, Dani Dayan, pour demander à l’institution de publier une condamnation publique de ces déclarations, en particulier de celles qui appelaient au génocide. Mais en janvier 2024, Dayan a répondu au professeur Amos Goldberg, qui était à l’origine de cette initiative : « Les six millions de Juifs qui ont été assassinés pendant la Shoah ont droit à une institution qui s’occupe d’eux et d’eux seuls. Par conséquent, Yad Vashem ne traite pas du génocide en tant que tel, mais uniquement de son rapport avec la Shoah… Notre domaine d’activité est la Shoah, et uniquement la Shoah. »

Les commentaires du président de Yad Vashem sont troublants non seulement en raison de son silence, mais aussi parce que ses propos sont enveloppés d’un voile d’intégrité institutionnelle apparente, tout en tournant le dos avec arrogance au sens de la responsabilité historique qui devrait inspirer la commémoration de l’Holocauste. « Six millions de Juifs ont droit à une institution qui s’occupe uniquement d’eux », écrit Dayan, suggérant l’exclusivité de la mémoire des Juifs assassinés comme une excuse pour la dureté de cœur, pour garder les yeux fermés et rester silencieux face aux crimes de guerre en cours et aux dizaines de milliers de personnes massacrées et affamées. Tout cela s’inscrit dans le terrible crime perpétré par les descendant.e.s d’un autre génocide, la Shoah, entre autres.

Le meurtre de six millions de Juifs n’a-t-il pas également été rendu possible par le fait que de nombreuses personnes à travers le monde se sont déchargées de leur responsabilité ? Le fait que Yad Vashem campe sur ses positions en affirmant que son expertise se limite à l’Holocauste est un aveu de faillite morale, un déni de responsabilité fondé sur la complaisance institutionnelle et le ralliement idéologique à une politique gouvernementale responsable d’horribles crimes de guerre. C’est une trahison flagrante des valeurs de liberté, de justice et du caractère sacré de la vie humaine, que la mémoire de l’Holocauste est censée nous enseigner.

Lorsqu’une institution mémorielle telle que Yad Vashem choisit non seulement de garder le silence, mais aussi de revendiquer ouvertement sa décision, elle ne peut plus être considérée comme une institution de mémoire. Elle devient, volontairement ou non, une institution d’autosatisfaction et de déni. Et lorsque des crimes odieux sont perpétrés à quelques dizaines de kilomètres de là, par les mêmes jeunes qui ont visité l’institution il y a quelques années et qui sont aujourd’hui enrôlés dans l’armée, ce silence n’est pas de la neutralité, c’est de la complicité.

La sociologue turco-américaine Fatma Müge Göçek examine dans son livre « Denial of Violence : Ottoman Past, Turkish Present and Collective Violence Against the Armenians, 1789-2009 » (2015) les racines du déni du génocide arménien en tant que processus psychosocial prolongé et continu. Elle affirme que le déni est une réponse psychosociale collective, qui s’étend sur quatre générations de Turcs, face à un crime inconcevable.

La société turque souffre d’une profonde dissonance morale. Témoin d’innombrables preuves attestant de son propre crime terrible, elle a inventé un récit collectif fondé sur son statut de victime – des guerres, de l’impérialisme occidental, de l’effondrement de l’Empire ottoman. Cette dynamique donne naissance à une identité nationale dont la composante défensive – c’est-à-dire le rejet de toute responsabilité – est devenue aussi déterminante que la mémoire elle-même.

Pendant des générations, la Turquie a construit un récit fondé sur la dissimulation, la justification et le silence qui a non seulement étouffé la voix des « autres » (les Arméniens), mais a également empêché toute évolution morale des Turcs eux-mêmes. Ce déni provient d’une peur profonde de l’effondrement de l’identité nationale si la vérité historique était reconnue, et cette peur se traduit par une hostilité envers quiconque tente d’adopter une approche critique à l’égard du crime.

Au cours des trois dernières générations, Israël a également construit une identité de victime, allant des actes perpétrés pendant l’Holocauste à ceux du Hamas le 7 octobre. Il nie ses propres crimes et vit donc dans une réalité déformée en permanence. Toute tentative de parler des crimes d’Israël contre les Palestiniens est considérée comme une menace non seulement pour l’image de la nation, mais aussi pour sa survie même. Le discours défensif est devenu fondamental pour l’identité nationale d’Israël, et toute critique de ce discours est accueillie par le type de violence institutionnelle et publique dont nous sommes témoins aujourd’hui.

Daniel Blatman
Le professeur Daniel Blatman est historien spécialiste de l’Holocauste et du génocide.

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Un an s’est écoulé depuis que, le 5 août 2024, la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a démissionné et s’est...
13/08/2025

Un an s’est écoulé depuis que, le 5 août 2024, la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a démissionné et s’est enfuie en Inde au plus fort d’une révolte étudiante qui a vu la plus grande participation féminine de l’histoire du pays.

Les étudiant·es manifestaient depuis plus d’un mois pour mettre fin au système de quotas qui réservait un tiers des emplois gouvernementaux à des groupes spécifiques de la société, notamment aux proches des vétérans de la guerre d’indépendance de 1971 contre le Pakistan. Selon les manifestant·es, il s’agissait d’une faveur que la Première ministre accordait à celles et ceux qui la soutenaient, privant de fait de nombreuses et nombreux étudiants diplômés d’un emploi et les laissant au chômage. Les manifestations ont éclaté dans un contexte de corruption et de capitalisme clientéliste qui ont dévasté le système financier du Bangladesh.
Bangladesh : répression violente des manifestations étudiantes, des centaines de morts et des milliers de blessés

Un changement de pouvoir au Bangladesh « était une question de quand, et non de s », expliquait Lutfey Siddiqi, professeur invité à la London School of Economics, au lendemain de la fuite de Hasina. Les jeunes qui ont mené les manifestations sont « la principale ressource naturelle du pays, qui peut facilement se transformer en handicap sans travail, sans espoir et sans représentation », avait observé Siddiqi. Plus de 40% des habitant·es du Bangladesh âgés de 15 à 24 ans n’ont ni emploi ni éducation. Cette situation, combinée à une inflation persistante et à d’autres problèmes économiques, avait créé « une poudrière économique qui n’attendait qu’une étincelle ».

La mobilisation étudiante a conduit à la formation d’un gouvernement provisoire dirigé par le prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus, qui, dans un contexte caractérisé par des équilibres politiques et de pouvoir très précaires, a tenté d’établir une feuille de route pour une plus grande stabilité du pays.

Un an s’est écoulé depuis que, le 5 août 2024, la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a démissionné et s’est enfuie en Inde au plus fort d’une révolte étudiante qui a …

AlorsAlors que le soleil n’est toujours pas levé sur Paris mardi 12 août, le campement installé depuis une semaine sur l...
12/08/2025

AlorsAlors que le soleil n’est toujours pas levé sur Paris mardi 12 août, le campement installé depuis une semaine sur le parvis de l’hôtel de ville est calme. Pourtant, les signes d’une intervention de police imminente sont bien là. Plus d’une vingtaine de camions de CRS et de police encerclent peu à peu la zone. Le dispositif se met en place pour l’évacuation décidée par la préfecture la veille.

Depuis le 5 août, environ 150 femmes et une centaine d’enfants sans logement occupaient la place, en plein cœur de la capitale. Une action qui visait à alerter la mairie et la préfecture sur leur situation d’extrême précarité, et à exiger des solutions de relogement pérennes, après des mois, parfois des années, passées à la rue.

Dans la pénombre du petit matin, les silhouettes s’activent. Certaines mères réveillent leurs enfants, tentent de les rassurer, leur passent un gant humide sur le visage, les habillent à la hâte. Les plus grands aident à replier les couvertures, à décrocher les bâches tendues entre les grilles et les poteaux, à entasser les maigres affaires dans des sacs. Tout est fait pour laisser l’espace en ordre et propre, pour permettre ensuite aux bénévoles de l’association Utopia 56 de venir récupérer le matériel.

Pour le moment, ces derniers sont sollicités de toutes parts. Une mère, enceinte de sept mois, interroge l’un d’eux : « Est-ce que je dois accepter de partir en région alors que tout est ici, mon hôpital, mes démarches, ma vie ? » Le jeune homme tente de la rassurer : « Il y a des grandes villes en région, avec des hôpitaux et des services publics aussi. »
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Avant l’évacuation, les femmes réunissent les couvertures et duvets pour que les militants puissent ensuite venir les récupérer, place de l’hôtel de ville à Paris, le 12 août 2025. © Photo Yannis Angles / Mediapart

« La majorité des femmes ici ont pour seul repère Paris, explique-t-il. Elles ne connaissent rien d’autre de la France et pensent souvent qu’en région, c’est la campagne, et qu’il n’y a rien. » Dominent pour l’heure la peur, l’incertitude et l’impression d’un éternel recommencement.

Une autre mère, trois enfants à ses côtés, s’inquiète : « Si je pars, qu’est-ce qui se passe pour mon rendez-vous à la préfecture cette semaine pour ma demande d’asile ? » Le risque étant de se retrouver à attendre plusieurs mois pour en obtenir un nouveau. Ce qui ret**derait encore une fois ces démarches administratives qui lui semblent déjà interminables.
Éternel recommencement

Pour certaines, ce nouvel épisode n’est qu’un retour à la case départ. Un groupe de trois femmes, solidaires dans la rue depuis des mois, voit cette évacuation comme une impasse. Parmi elles, Amina*, dont la demande d’asile déposée en 2022 à Paris a été rejetée. Depuis, elle survit sans papiers, sans abri, sans droit au travail.

« Quand on est une femme à la rue, on n’est jamais en sécurité. J’ai été violée plusieurs fois », confie-t-elle, la voix éteinte. Elle n’a jamais porté plainte, malgré les preuves qu’elle dit posséder. « J’ai trop peur et je suis trop fatiguée pour me lancer dans une telle procédure. » Originaire de Côte d’Ivoire, Amina a quitté son pays en 2018 après le décès de son mari. « On voulait me forcer à épouser son petit frère, un homme violent. J’ai fui pour survivre. »

Face à l’impasse, la résignation cède parfois à la colère. À ses côtés, Marina* résume le cercle vicieux dans lequel elle se trouve : « Pour avoir des papiers, il faut un logement et un travail. Pour avoir un travail, il faut des papiers. C’est sans fin. »

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On leur propose aujourd’hui de partir dans des dispositifs d’accueil baptisés « sas d’accueil temporaire », en région, une solution qu’elles pensent de courte durée. « Ensuite, ils vont découvrir qu’on a déjà été déboutées, et on aura seulement le droit de quitter le territoire », déplore Marina. Une solution de mise à l’abri qu’elles se retrouvent donc obligées de refuser, par peur de recevoir ensuite une obligation de quitter le territoire français (OQTF). « Si je retourne là-bas en Côte d’Ivoire, il me tue », tranche Amina, sans détour.

Tandis que les salarié·es de la préfecture d’Île-de-France échangent avec les occupantes pour leur expliquer les solutions qui s’offrent à elles, deux élues parisiennes ont fait le déplacement pour constater la situation et tenter d’aider ces femmes. Pour Camille Naget, élue communiste du XIXe arrondissement : « Le problème dans ce cas précis, c’est surtout une question de logement, car il y a plein de personnes qui travaillent, mais qui ne peuvent pas se loger et qui se retrouvent à la rue. »

C’est le cas par exemple d’Ibrahim*, accompagné de sa femme et de ses enfants. Arrivé à Paris il y a près de dix ans, il travaille depuis 2018 en CDI dans le BTP. « J’ai tous mes diplômes, je suis payé chaque mois, mais on vit encore dehors », dit-il, épuisé. Accepter un départ en région, pour lui, signifierait perdre son emploi, abandonner ses démarches en cours, et replonger dans une plus grande précarité encore.
Des hommes urinent sur une famille

La mise à l’abri de ces familles fait suite à six jours d’occupation du parvis, au cours desquels les familles ont été la cible de violences. Dans l’arrêté annonçant l’expulsion du camp, le préfet de police de Paris fait état de « violences volontaires [...] à l’encontre des habitants du campement », arguant que l’occupation « génère des risques sanitaires et sécuritaires importants ».

En cause, l’agression d’une famille dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 août. Aux alentours d’une heure du matin, deux hommes d’une vingtaine d’années se seraient rendus près des bâches sous lesquelles les familles sont installées, et auraient uriné sur une femme enceinte et ses deux enfants qui dormaient.
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Le campement sur le parvis de l’hôtel de ville à Paris, le 11 août 2025. © Photo Margaux Houcine / Mediapart

Les yeux plissés par le soleil cognant et le visage fatigué, Mariam, la mère, revit la scène en boucle. Elle est réveillée par sa voisine, qui l’alerte. Les deux hommes ont uriné sur sa plus petite fille, âgée de quatorze mois, sur les vêtements de sa deuxième fille de 6 ans, et sur les couvertures, avant de s’enfuir en courant.

Pendant leur course, les deux suspects se séparent. L’un d’entre eux est poursuivi par un bénévole, Nikolaï Posner, puis par un policier de l’équipe de surveillance. Ce dernier finit par rattraper le jeune homme quelques centaines de mètres plus loin, aux alentours de Notre-Dame de Paris. À son retour, le policier remet le suspect à ses collègues qui le transféreront dans une voiture de police ensuite. Mais selon le témoignage de Nikolaï, le policier estime tout de même qu’il sera difficile de dégager un motif pour l’inculper.
Une enquête finalement ouverte par le parquet

Le bénévole affirme avoir fait une déposition auprès d’une policière de l’équipe sur place, qui aurait enregistré son témoignage et son identité sur son logiciel afin de « faciliter » les suites de l’affaire. Pourtant, au lendemain de l’évènement, lorsque Nikolaï souhaite déposer une main courante auprès du commissariat, aucune trace. L’officier qui réceptionne son témoignage ne trouve aucun signe ni d’une interpellation, ni d’un contrôle d’identité, ni d’une arrestation dans le système.

Interrogée, la préfecture de police affirme ne pas avoir d’éléments sur le déroulement des faits à communiquer, et renvoie vers le parquet. Ce dernier, après avoir pris connaissance des faits, a décidé d’ouvrir une enquête le lundi 11 août pour des faits de violences en réunion.

Depuis les faits, Mariam ne dort plus. « Je surveille mes enfants, j’ai peur que des personnes reviennent », avoue-t-elle. La nuit suivant l’agression, « elle a marché pendant des heures », se souvient Nikolaï Posner. Sa fille ne dort plus à ses côtés, par peur que la situation se reproduise.

Aucun policier n’est venu recueillir la déposition de Mariam avant l’expulsion. Si les bénévoles tentent de la convaincre de l’intérêt de porter plainte contre le jeune homme, elle s’y refuse, estimant que « ça ne va aboutir à rien, parce que c’est un Français ».
Un lieu plus exposé

Pour la plupart des bénévoles et salarié·es d’Utopia 56, cette situation s’inscrit dans un contexte d’agressions verbales et physiques à caractère raciste. Le jour suivant, un homme a proféré des injures racistes aux familles sur place, les exhortant de « retourner en Afrique ». Le passant a été repoussé par les forces de l’ordre, mais pas pour autant interpellé.
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Des bus et minibus sont déployés pour envoyer les familles qui le souhaitent dans des « sas » en dehors de Paris, à l’hôtel de ville, le 12 août 2025. © © Photo Margaux Houcine / Mediapart

Lors de notre passage sur place la veille de l’expulsion, les remarques racistes de la part de passants sont très régulières. « Je n’ai pas tous mes vaccins », lâche ainsi un jeune homme. Quelques minutes plus t**d, un homme s’approche pour désigner le campement du doigt et lance : « Moi, je vous vire tout ça à coups de matraque, et c’est réglé. »

Des propos choquants et loin d’être isolés, selon les membres de l’association Utopia 56. Tous témoignent d’un climat plus hostile que sur d’autres occupations qu’ils ont déjà accompagnées. « En dix ans, c’est la première fois qu’on entend autant de propos racistes et de menaces », affirme Nikolaï Posner. Cette semaine, « un homme m’a même menacé physiquement », raconte Nathan Lequeux, salarié chez Utopia 56.

Les équipes font le lien avec la localisation de l’occupation, un lieu passant et prisé par les touristes. Les trois dernières occupations situées devant les mairies des XIe, XIXe et XVIIIe arrondissements se sont passées sans accrocs. « Dans les autres mairies, on avait du soutien des habitants des quartiers et beaucoup de dons », se souvient Nathan Lequeux.

À la suite de l’évacuation du parvis mardi matin, 66 personnes ont été envoyées par la préfecture dans des sas régionaux, et 34 mises à l’abri dans des gymnases à Paris par la mairie. Une soixantaine de personnes restantes, pour la plupart des femmes isolées et leurs enfants, ont été dispersées par les forces de l’ordre. Sans aucune solution pour les prochaines nuits.

Margaux Houcine et Yannis Angles

Mardi 12 août, des familles sans abri installées devant l’hôtel de ville de Paris ont été évacuées, après plusieurs agressions. Une enquête pour violences en réunion a même été ouverte à l’encontre d…

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Genre et conflits armés (ou non)

Cette page propose des infos sur des conflits divers d’un point de vue féministe- sur le front de la guerre comme celui de la santé (dont le coronavirus), des droits sociaux et de la culture.