Genre et Conflits Armés

Genre et Conflits Armés C'est la version en langue française de la page in War.

Cette page présente des articles sur tous les aspects du genre et conflits armés, sociaux, culturels, ou sanitaires (dont le coronavirus) d'un point de vue engagé et féministe.

Le régime islamiste installé à Damas prépare un simulacre d’élections législatives, dont sont exclus les régions kurdes ...
05/10/2025

Le régime islamiste installé à Damas prépare un simulacre d’élections législatives, dont sont exclus les régions kurdes et druzes du pays qui abritent plus de 5 millions de personnes. Alors que des comités locaux sont formés dans certaines régions syriennes pour élire les futures députés syriens, Bedran Çiya Kurd, un cadre kurde du Rojava, a réagi à l’exclusion des communautés non arabo-sunnites en déclarant que « processus électoral …) est dépourvu de loi électorale démocratique garantissant la participation de tous les Syriens sans discrimination ».

Bedran Chiya a écrit sur X (ancien Twitter) que :

« Le processus électoral organisé aujourd’hui, 5 octobre, pour élire l’Assemblée du peuple syrien est dépourvu de loi électorale démocratique garantissant la participation de tous les Syriens sans discrimination.

De plus, il ne repose pas sur un véritable consensus national syrien dans les circonstances actuelles, ce qui a conduit à l’exclusion de vastes régions et segments de la société syrienne. (…) Les mécanismes utilisés dans ce processus ne sont pas conformes aux normes internationales pour des élections libres et équitables. Ils manquent de démocratie et de transparence et s’écartent de l’esprit de la résolution 2254 de l’ONU, qui constitue le cadre onusien pour une solution politique en Syrie.

Par conséquent, les membres élus et le conseil issu de ces élections ne représentent pas la diversité de la volonté politique de la société syrienne. Nous, dans le nord et l’est de la Syrie, ne sommes pas représentés dans ce processus, et les décisions de ce conseil ne nous engagent donc pas, d’autant plus que nous possédons une volonté politique émanant des composantes de la région, qui ont choisi leurs représentants lors d’élections libres. Cette volonté doit être prise en compte.

Le processus électoral, tel qu’il est structuré actuellement, ne représente rien d’autre qu’une tentative de légitimer une autorité intérimaire qui ne représente pas toutes les composantes du peuple syrien. Cela risque de pousser le pays vers davantage de division et de fragmentation, au lieu de renforcer le consensus national et de progresser vers une solution politique globale reflétant la volonté de tous les Syriens. »

SYRIE / ROJAVA – Le régime islamiste installé à Damas prépare un simulacre d’élections législatives, dont sont exclus les régions kurdes et druzes du pays qui abritent plus de 5 millions de personnes. Alors que des comités locaux sont formés dans certaines régions syriennes pour élire...

Quiconque a vécu un jour d’élection de Lomé à Dakar ou de Yaoundé à N’Djamena en est profondément convaincu : prétendre ...
05/10/2025

Quiconque a vécu un jour d’élection de Lomé à Dakar ou de Yaoundé à N’Djamena en est profondément convaincu : prétendre que « l’Afrique n’est pas faite pour la démocratie » est une ineptie. Il suffit de rencontrer des Africains, illettrés ou éduqués, se pressant dans des bureaux de vote, pour comprendre le sens évident qu’ils donnent à ce droit fondamental – choisir et renvoyer ses dirigeants sur une base égalitaire –, et pour conforter sa conviction en l’universalité de l’aspiration démocratique.

Cette observation n’est pas déplacée à l’heure où l’assimilation de la démocratie à l’Occident colonisateur est le nouveau mantra « décolonial » des dictateurs du continent et la justification avancée par leurs supporters, y compris chez certains intellectuels.

« L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui lui a été imposé, a pu ainsi gronder à la tribune de l’ONU en 2023 Mamadi Doumbouya, actuel homme fort de Guinée. Ce modèle démocratique que vous nous avez si insidieusement et savamment imposé (…), ne marche pas ». Quatre ans après sa prise du pouvoir par la force, l’ancien légionnaire de l’armée française qui jurait que jamais il ne se présenterait à l’élection présidentielle, a organisé, le 21 septembre, une mascarade de référendum qui, remporté par 89 % des voix, va lui permettre de se faire « élire ».

Ce « général d’armée » autoproclamé, contempteur de la démocratie « imposée par le colonisateur », a transformé la Guinée, pays autoritaire depuis son indépendance, en cauchemar : libertés bâillonnées, opposants torturés, enlèvements comme ceux, inexpliqués depuis plus d’un an, de Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, des militants des droits humains qui réclamaient le retour à l’ordre constitutionnel. Des personnalités incroyablement courageuses comme on en rencontre dans toute l’Afrique, qui mettent aussi en pièces l’idée d’un continent réfractaire à la démocratie.
Des élections vidées de leur sens

La Guinée n’est qu’un exemple parmi d’autres : du Mali au Niger en passant par le Burkina Faso, le grand retour des putschistes au pouvoir en Afrique francophone marque l’échec de régimes qui sous le vernis d’un rituel électoral factice salué par Paris, ont entretenu la corruption, le clientélisme communautaire, et se sont montrés incapables de répondre aux besoins élémentaires de la population, comme la sécurité et la santé, face à l’avancée des djihadistes.

Les ingérences militaires et électorales de Paris, liées à ses intérêts sécuritaires et économiques, ont alimenté, en parallèle, la hargne antifrançaise et le rejet des processus électoraux considérés par les Occidentaux comme l’alpha et l’oméga de la démocratie mais vécus comme vains par les électeurs africains. Des pays du Sahel se sont ainsi figés dans la tyrannie d’un homme fort, rejoignant les vieilles autocraties vaguement électives comme le Cameroun (où Paul Biya, 92 ans, au pouvoir depuis quarante-trois ans, va briguer, dimanche 12 octobre son huitième mandat), le Togo ou la République du Congo, voire la Côte d’Ivoire où Alassane Ouattara, 83 ans, va, le 25 octobre, briguer son quatrième mandat lors d’un scrutin dont ses principaux opposants sont exclus.

Cette fossilisation d’élections vidées de leur sens alimente leur rejet par les jeunes générations. Alors que 81 % des Africains de plus de 35 ans des 39 pays du continent interrogés pour l’Afrobaromètre affirment avoir participé aux dernières élections, ils ne sont que 63 % chez les moins de 35 ans. Pour autant, la nouvelle formule des satrapes africains, « démocratie = Occident = colonialisme » relève de l’escroquerie historique et politique, autrement dit d’une « assimilation paresseuse », comme l’écrit de façon convaincante le journaliste Ousmane Ndiaye dans son essai intitulé L’Afrique contre la démocratie (Riveneuve, 172 pages, 10,50 euros).
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D’une part parce qu’il n’était pas question de démocratie ni pendant la colonisation ni dans la « Françafrique » postcoloniale. Ensuite parce que les Africains n’ont pas attendu les Occidentaux pour expérimenter des formes de démocratie. Ousmane Ndiaye cite, entre autres, la petite « République » des pêcheurs lébou qui, entre 1795 et 1859, dans la presqu’île du Cap-Vert (aujourd’hui Dakar) comprenait des assemblées élues.

Assimiler la démocratie aux « Blancs » comme tendent à le faire les autocrates africains pour masquer leurs propres responsabilités dans leurs échecs et mieux conforter leur pouvoir, c’est donc nier la riche histoire précoloniale du continent, à la manière des coloniaux qui prétendaient débarquer en terrain vierge ou… d’un Nicolas Sarkozy affirmant en 2007 à Dakar que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».

Prétendre, d’autre part, que seul un régime fort peut assurer le développement contredit la réalité : aucun autocrate africain ne peut se vanter d’une telle performance. Souvent mise en exergue, la prétendue réussite de Paul Kagamé, au pouvoir depuis plus de trente ans au Rwanda dans le contexte lourd et sans équivalent qui a suivi le génocide des Tutsi, ne peut faire oublier les figures de l’opposition et les journalistes persécutés, voire éliminés, et la participation rwandaise non reconnue au conflit meurtrier en République démocratique du Congo sur fond de pillage des ressources.

A l’heure où une crise démocratique et une montée des nationalismes sans précédent depuis 1945 atteignent les Etats développés, il n’est guère étonnant que l’Afrique soit elle aussi touchée. L’Occident a donc, moins que jamais de « leçons » à donner aux pays du continent qu’elle a longtemps asservi et continue d’exploiter. Combat par définition inachevé, la démocratie est à réinventer, dans les différents Etats africains comme dans les pays riches. Avec, sans doute, un point commun : au centre de la réflexion devrait figurer le lien entre démocratie et bien-être des populations.

CHRONIQUE. Prétendre que seul un régime fort peut assurer le développement contredit la réalité : aucun autocrate africain ne peut se vanter d’une telle performance, explique, dans sa chronique, Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

A la lecture de la lettre ouverte dans le Figaro signée par Charlotte Gainsbourg et d’autres comédiens et intellectuels ...
02/10/2025

A la lecture de la lettre ouverte dans le Figaro signée par Charlotte Gainsbourg et d’autres comédiens et intellectuels demandant à Emmanuel Macron de différer la reconnaissance de l’Etat de Palestine à la réalisation préalable de deux conditions (libération des otages et éradication du Hamas), Gisèle Halimi, ma mère, n’aurait certainement pas éprouvé du «dégoût», car c’est un sentiment qui contient une forme de mépris et de résignation qui ne l’a jamais habitée, en particulier, dans le débat public.

Peut-être aurait-elle éprouvé une colère froide très maîtrisée comme elle en avait fait preuve dès ses premiers engagements contre le colonialisme en Tunisie, en Algérie (malgré deux tentatives d’assassinat) et en Palestine, avant de «remonter sur son cheval» et de s’adresser à Charlotte Gainsbourg et, à travers elle, à l’opinion publique.
Quelques conseils de lecture

Elle aurait sans doute rappelé à Charlotte Gainsbourg son engagement contre la déportation d’enfants ukrainiens par la Russie. Et lui aurait dit qu’avant de signer, elle aurait pu penser aux 18 000 enfants palestiniens tués par l’armée israélienne dont The Washington Post a publié la liste. Ou à ces nouveau-nés, amputés sans anesthésie parce que cette même armée empêche l’acheminement vers Gaza de toute aide humanitaire et maintenant de toute aide alimentaire, créant un état de famine constaté par l’ONU.

Peut-être lui aurait-elle conseillé quelques lectures telles que le récent article d’Ehud Olmert, ancien Premier ministre israélien, dans la Tribune Dimanche, saluant un pas dans la bonne direction et présentant Nétanyahou comme «dénué de tout engagement moral sauf quand ça concerne sa personne ou sa famille» ou celui d’Elie Barnavi, historien et ancien ambassadeur d’Israël en France, accusant dans Libération le gouvernement Nétanyahou de mener un «projet d’épuration ethnique» à Gaza et jugeant que «c’est l’honneur de la France de faire enfin ce qu’il faut» en reconnaissant l’Etat de Palestine.

Deux personnalités que l’on ne peut pas soupçonner d’antisémitisme même avec l’extension vertigineuse de cette notion, incluant maintenant Emmanuel Macron, selon le Premier ministre israélien. Avec la rigueur dont Gisèle Halimi a toujours fait preuve dans le choix de ses arguments, elle aurait repris le terme de «génocide» imputable à l’Etat hébreu comme vient de le reconnaître un récent rapport de l’ONU dans la définition qu’en donne l’article 2 de la convention du 9 décembre 1948.

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Gisèle Halimi a toujours considéré que les gouvernements israéliens successifs, à l’exception du gouvernement d’Itzhak Rabin (au moment des accords d’Oslo) et de celui d’Ariel Sharon (au moment de l’évacuation forcée des colons de Gaza), ont pratiqué un colonialisme rampant. Une représentation graphique des frontières d’Israël entre 1948 et aujourd’hui, en passant par 1967, suffit à montrer une expansion continue. Aujourd’hui, en Israël, un gouvernement d’extrême droite assume une volonté de destruction totale de Gaza, de déplacement de ses survivants à l’étranger et d’annexion pure et simple de la Cisjordanie.

Sa formation intellectuelle, qui constituera sa grille d’analyse tout au long de sa vie, est celle d’une enfant de famille pauvre ayant suivi, grâce à une bourse, des études secondaires au lycée français de Tunis, entre les deux guerres. Dans ce protectorat, les hussards noirs de la République, avec un certain prosélytisme pour mieux asseoir la domination française, vantaient les idéaux de la Révolution française et les auteurs des Lumières, Voltaire, Rousseau et Condorcet notamment.

En Algérie, dans ses plaidoiries devant les juridictions militaires, elle interpellait les juges en leur reprochant, par l’emploi systémique de la torture, de trahir les idéaux et les principes fondamentaux des Droits de l’homme au nom desquels ils étaient supposés rendre la justice.

C’est avec cette même détermination qu’elle aurait défendu le droit de Charlotte Gainsbourg de s’exprimer publiquement, faisant sienne cette phrase prêtée à Voltaire lors de l’affaire Callas : «Je me battrai passionnément contre vos idées et tout aussi passionnément pour que vous puissiez les exprimer.»

Elle n’aurait jamais confondu l’Etat de droit, socle de la démocratie, que ses origines et ses fondements rendent quasiment immuable avec l’état du droit qu’elle a contribué à changer avec succès à de nombreuses reprises (avortement, viol, dépénalisation de l’homosexualité, parité en politique, etc.).

A la fin de sa vie, comme je m’inquiétais devant ma mère de la dégradation du débat public elle m’a lancé «ça a toujours existé, relis Camus» ce qui m’a étonné de la part d’une licenciée en philosophie plutôt sartrienne. Je l’ai fait et suis revenu avec une citation de Camus définissant le démocrate et partant la démocratie, qu’elle a partagée et qui se trouve, oh combien, dans l’actualité tant nous en sommes de plus en plus éloignés :

«Le démocrate après tout est celui qui admet qu’un adversaire peut avoir raison, qui le laisse donc s’exprimer et qui accepte de réfléchir à ses arguments. Le démocrate est modeste. Il avoue une certaine part d’ignorance. Il reconnaît le caractère en partie aventureux de son effort et que tout ne lui est pas donné.» 1948, «Réflexions pour une démocratie sans catéchisme».

Comme beaucoup d’avocats et de magistrats, elle a toujours fait sienne la définition élargie de la CEDH qui étend la liberté d’expression «aux propos qui blessent, qui choquent et qui dérangent».

Voilà pourquoi défendre celle de Charlotte Gainsbourg pour des positions sur la Palestine à l’exact opposé des siennes (elle était l’une des avocats de Marwan Barghouti, populaire dirigeant du Fatah, dans les geôles israéliennes depuis plus de vingt ans), lui serait apparue comme un cas d’école à utiliser dans l’enseignement du droit des libertés publiques et dans les écoles de journalisme.
Une dénaturation volontaire des faits

Reste le trouble compréhensible suscité, dans ce contexte, par l’interprétation du rôle de Charlotte Gainsbourg dans un film déjà tourné sur le procès de Bobigny. Ce choix incombe aux réalisateurs et aux producteurs du film en fonction de critères qui leur sont propres : adéquation au rôle, notoriété, talent supposé, disponibilité de l’actrice sans concertation avec les ayants droit.

La prise de position de Charlotte Gainsbourg sur le conflit israélo-palestinien n’engage qu’elle. Et, en tant que comédienne, elle n’est pas tenue de partager tous les engagements publics du personnage qu’elle interprète. Comme Charlotte Gainsbourg n’a jamais pris la moindre position non plus, à la différence de nombreuses actrices du cinéma Français comme Adèle Haenel ou Judith Godrèche sur les droits des femmes, les agressions sexuelles sur les plateaux et les stéréotypes sexistes dans le cinéma, on peut comprendre que ce choix pose question sur sa crédibilité et sa capacité à rendre à l’écran toute la complexité de la personnalité de Gisèle Halimi.

Pour lever toute ambiguïté, nous, les ayants droit, avons demandé à la production d’insérer un cartel dans le générique du film mentionnant la position qui est la nôtre. Cette polémique aura le mérite, tout en réaffirmant publiquement l’étendue de la liberté d’expression de mettre en lumière un engagement qui dépasse le seul cadre féministe et témoigne de la diversité des combats que ma mère a menés tout au long de sa vie.

Mais qualifier de «capitulation morale face au terrorisme», une initiative de paix portée par Emmanuel Macron, ayant entraîné un quasi-continent, l’Australie et d’importants pays européens comme le Portugal et la Grande-Bretagne, membre permanent du Conseil de sécurité, et qui comporte dans sa mise en œuvre les deux conditions demandées par les signataires de cette lettre ouverte, constitue une dénaturation volontaire des faits et un dévoiement du sens des mots.

Dans son dernier ouvrage Une farouche liberté, coécrit avec Annick Cojean en 2020, Gisèle Halimi rappelait que : «Les mots ne sont pas innocents. Ils traduisent une idéologie, une mentalité, un état d’esprit. Laisser passer un mot, c’est le tolérer. Et de la tolérance à la complicité, il n’y a qu’un pas.»

Le fils de l’avocate réagit à la polémique sur l’interprétation de Gisèle Halimi par l’actrice. Il rappelle son long combat contre le colonialisme et pour la liberté d’expression.

Le minibus file dans la campagne vallonnée du Putumayo, encore endormie dans la brume, à la frontière avec l’Équateur et...
02/10/2025

Le minibus file dans la campagne vallonnée du Putumayo, encore endormie dans la brume, à la frontière avec l’Équateur et le Pérou. La radio et la conduite pressée du chauffeur bercent tant bien que mal les passagers. Une fois arrivé à San Miguel, 26 000 habitants, le véhicule se dirige vers le petit hôpital de campagne de la municipalité. À l’entrée du bâtiment, cinq personnes issues de différents peuples indigènes attendent d’être reçus par l’équipe médicale du service de maternité. Servio Tulio, médecin de l’ethnie Inga, colliers de perles, de graines et de dents d’animaux autour du cou, précise d’emblée : « Avant, je n’aurais pas mis les pieds ici. »

22 % de la population du Putumayo est indigène (contre 2 % au niveau national). Parmi les quinze peuples de la région, l’hôpital de San Miguel a des usagers de six cultures différentes : kamëntsa, kichwa, pastos, inga, kofán et awá. Chaque culture a sa propre histoire, sa propre langue, ses croyances, ses rites… et sa propre médecine, privilégiée à la médecine occidentale. L’hôpital de San Miguel fait donc figure d’exception.

Nouer le dialogue avec ces communautés a été important tant les peuples indigènes étaient réfractaires à l’idée de se faire soigner à l’hôpital. L’accès aux centres de soins, coûteux et souvent éloignés de leurs lieux d’habitation, ne se faisait qu’en cas de force majeure. Et créer un centre de soins au plus près des habitants ? Impossible, tant les communautés sont éparpillées. Seule option : faire venir les peuples autochtones directement à l’hôpital.
Hernán Galindez, référent du service maternité, dans la salle de repos. © Anouk Passelac / Reporterre

Celui de San Miguel a ainsi décidé en 2022 de faire appel à l’ONG Amazon Conservation Team (ACT). Implantée dans le Putumayo depuis une trentaine d’années, cette association a la confiance des communautés autochtones avec lesquelles elle travaille pour améliorer la gouvernance de leurs territoires, perpétuer et valoriser leur culture, améliorer leurs conditions de vie. Offrir un meilleur accès aux soins de ces populations étant un chantier immense, les premières actions se sont concentrées sur le suivi des grossesses et l’accouchement des femmes indigènes.
« La forêt est la “grande pharmacie” » des peuples indigènes, dit Paula Galeano. © Anouk Passelac / Reporterre

Avant ce rapprochement, peu de femmes indigènes enceintes accouchaient à l’hôpital. Quand elles le faisaient, elles se présentaient proches du terme sans avoir réalisé aucun examen préalable.
Spécificités culturelles

La réunion du jour a lieu en extérieur, à l’ombre d’un arbre. Y participent des représentants indigènes (sages-femmes, médecins...) et du personnel de l’hôpital. Avant que la discussion ne commence, Anderson Ramirez, gouverneur pastos, applique un spray de « fluide ancestral » sur le poignet de chaque participante, pour « éveiller le mental ». Une douce odeur de plantes s’installe dans l’air. Prenant la parole, il explique que le Covid les a particulièrement touchés, notamment en raison de l’éloignement des services de santé et de leur système immunitaire vulnérabilisé par leur isolement. « Tout le monde disait que l’hôpital nous tuait », se souvient-il tristement, ce qui décuplait la méfiance contre la « médecine des Blancs ».

La confiance a progressivement été retrouvée grâce aux réunions : celles-ci placent, c’est une première, les deux médecines d’égal à égal. Et cela a des effets concrets. D’un côté, l’hôpital a pu distribuer du matériel (compresses, gants, ciseaux, etc.) et partager ses connaissances. Une équipe peut également être dépêchée en cas d’impossibilité pour la femme enceinte de se déplacer. De l’autre, chaque peuple indigène a pu présenter au personnel de l’hôpital les spécificités culturelles de leurs grossesses.

Objectif, à long terme : qu’un soignant traditionnel soit présent à temps plein dans la structure. « L’ACT travaille sur la formation et la montée en compétence des sages-femmes indigènes pour créer un poste dédié au sein de l’hôpital », dit Celene Paz, bactériologue et membre d’Amazon Conservation Team. Un équipement pour aider à l’accouchement vertical pratiqué par le peuple awá est aussi demandé par leur communauté.
Onguents aux plantes

Ces avancées vers une médecine interculturelle à San Miguel arrivent à point nommé : la Colombie a récemment reconnu le droit à la santé des peuples indigènes (le système de santé propre, Sispi), qui prend acte des spécificités des médecines traditionnelles. Avec ce décret, les communautés pourront directement gérer les ressources allouées à leurs propres systèmes de santé.

Malgré tout, « au début, ça a été difficile, raconte Hernán Galindez, référent du service maternité. Chaque peuple a sa propre culture et on ne connaissait pas les spécificités de leurs accouchements. » Depuis, il sait pourquoi les femmes pastos ne viennent pas à un contrôle médical peu après la naissance : pendant quarante jours, elles restent à l’isolement dans leur maison.

« Au début, ça a été difficile »

« Avant, nous, sages-femmes, ne pouvions pas accompagner les femmes durant l’accouchement à l’hôpital », dit Carmen Taramuel. C’est désormais autorisé. L’administration d’infusions de plantes, autrefois systématiquement prohibée pour éviter tout effet cocktail avec les médicaments administrés par l’hôpital, est aujourd’hui étudiée au cas par cas.

« L’hôpital reconnaît aussi qu’il y a certaines disharmonies qu’il ne peut pas prendre en charge », estime Celene Paz, bactériologue et membre d’Amazon Conservation Team. « Quand l’enfant a des diarrhées, mais que les examens à l’hôpital sont normaux, il peut avoir le mauvais œil », dit Francisco Chacua, soignant awá depuis vingt-cinq ans. Pour régler le problème, il utilise notamment des prières, et des pratiques qu’il garde secrètes.

Les soignants traditionnels ont, eux aussi, reçu des apprentissages leur permettant d’alerter l’hôpital en cas de grossesse à risque. Francisco Chacua sait maintenant identifier un « accouchement sec » — quand la poche des eaux se rompt mais que l’accouchement ne peut être précipité, ce qui cause un risque d’asphyxie pour le bébé ou d’infections pour la mère — et envoie alors les femmes à l’hôpital. « Il en va de notre responsabilité », dit-il, bâton de commandement en main.

Comme les soins passent beaucoup par l’usage de plantes, des ateliers menés par le Service national d’apprentissage (Sena) du Putumayo ont également permis de former les volontaires à la transformation de leurs plantes médicinales en produits tels que des huiles, des crèmes et des infusions pour les femmes enceintes. « Ils connaissent déjà les propriétés des plantes et leurs usages mais ont des méthodes assez artisanales. Nous les aidons simplement à mettre en place des bonnes pratiques pour améliorer la qualité et l’innocuité des produits », précise Adrianna Arellano, instructrice du Sena.

Anderson Ramirez s’émerveille de pouvoir « tenir la chakra dans [s]a main », explique-t-il en serrant un flacon contenant un hydrolat de plantes de la chakra, le jardin où est cultivée une partie des végétaux utilisés par la médecine traditionnelle.
D’autres hôpitaux intéressés

Les besoins des communautés augmentent à mesure que le climat se dérègle. Selon l’ACT, le bouleversement climatique, en chamboulant l’écosystème amazonien, affecte particulièrement la santé des peuples autochtones.

« Ils sont totalement dépendants de la forêt, explique Paula Galeano, coordinatrice d’ACT dans le Putumayo. La forêt est leur “grande pharmacie”. » Or, ces mêmes peuples constatent une perturbation des saisons, des cycles de l’eau, un réchauffement des températures — particulièrement problématique pour les femmes enceintes — et une perte de biodiversité. « Notre alimentation n’est plus la même, se désole Anderson Ramirez. Avant, on avait de bons poissons et nos enfants avaient une dentition saine. Maintenant, on voit davantage de dénutrition chez les bébés. »

Pour Amazon Conservation Team, protéger l’Amazonie passe par la protection des peuples indigènes. « Si on superpose une carte de la forêt avec celle des réserves indigènes, on voit que ce sont les aires de meilleure conservation », expose Paula Galeano d’ACT.
L’hôpital est situé dans une ville de 26 000 habitants. © Anouk Passelac / Reporterre

Afin de mener à bout son projet, l’ONG cherche des financements extérieurs. Les hôpitaux voisins de San Miguel ont déjà manifesté leur intérêt pour mettre en place cette même médecine interculturelle. « Cela montre que cette expérimentation répond à un besoin, dit Paula Gaelano, celui d’offrir une attention plus pertinente, respectueuse et efficace pour les communautés indigènes. »

[L’Amazonie au point de bascule 2/7] En Colombie, l'hôpital de San Miguel allie médecine occidentale et traditionnelle. Première étape : mieux accueillir les femmes enceintes et les nouveaux-nés des peuples indigènes.

Alors que Donald Trump a très souvent répété que les Mexicains étaient « des criminels », il a décrit à plusieurs repris...
01/10/2025

Alors que Donald Trump a très souvent répété que les Mexicains étaient « des criminels », il a décrit à plusieurs reprises leur présidente comme une personne « fantastique, élégante et incroyable », aux « idées géniales ». Claudia Sheinbaum est pourtant l’antithèse du président américain : scientifique, spécialiste du changement climatique, rigoureuse, travailleuse et défendant des idées de gauche. Mais, étonnamment, les deux chefs d’Etat sont parvenus à un dialogue et, selon les propos du secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, lors de sa venue au Mexique le 3 septembre, ils se sont parlé au téléphone à 14 reprises depuis la victoire de Donald Trump.

Les deux présidents ont pris le pouvoir à quatre mois d’écart – Claudia Sheinbaum en octobre 2024, son homologue en janvier –, et la victoire du républicain a complètement chamboulé l’agenda de la Mexicaine. Elle a dû se consacrer en priorité aux différentes menaces que Donald Trump a fait peser sur son pays, très souvent présenté comme la source de bien des problèmes américains, notamment la délinquance, l’épidémie de décès liés au fentanyl, l’immigration incontrôlée et la faiblesse de l’économie nationale.

« Il faut se souvenir que, au début du mandat de Trump, ce dernier voulait mettre un terme à l’accord Canada‑Etats-Unis‑Mexique et signer de nouveaux traités bilatéraux. Le Canada, à un moment, est allé dans le sens de Trump, tandis que Claudia Sheinbaum a toujours défendu ce traité entre les trois pays et elle a réussi à convaincre ses partenaires de rester alliés », estime un membre du cabinet de la présidence mexicaine.

Le Mexique a, en effet, intégré son économie à celle de ses partenaires nord-américains depuis 1994 et l’accord de libre-échange nord-américain (Alena), rebaptisé l’Accord Canada ‑ Etats-Unis ‑ Mexique (Aceum) en 2020. Quatre ans plus t**d, le Mexique est devenu le premier partenaire commercial des Etats-Unis, mais Donald Trump n’a retenu de ces échanges que le déficit commercial qui a atteint 172 milliards de dollars (146 milliards d’euros) avec le Mexique, et 45 milliards de dollars avec le Canada en 2024.
Gages de bonne volonté

« Le Mexique n’a d’autres choix que de continuer à s’engager dans ce mariage, contracté il y a plus de trente ans avec les Etats-Unis. Mais, soudain, cet époux est devenu un mari violent et maltraitant », explique l’analyste politique Carlos Bravo Regidor. Au lieu de mettre en avant les faiblesses de cette union, Claudia Sheinbaum n’a cessé de répéter que l’Amérique du Nord était « la région la plus dynamique et compétitive au monde grâce à [leur] intégration et que les droits de douane [pouvaient] casser cette dynamique ».
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A trois reprises, la présidente mexicaine a obtenu un sursis sur les droits de douane que son homologue a voulu imposer au Mexique. A chaque fois, elle y est parvenue en lui téléphonant et en lui expliquant, point par point, les conséquences néfastes de ces taxes pour l’économie américaine. « De plus en plus, nous apprenons à nous connaître et à nous comprendre », a publié un Donald Trump admiratif sur son réseau, Truth Social, le 31 juillet, après l’une de ces conversations.
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Au bout du compte, le président américain a accepté de limiter l’augmentation des droits de douane avec ses partenaires nord-américains. Avec un avantage, pour l’instant, en faveur du Mexique. Lors de la présentation de son bilan à la nation le 1er septembre, la cheffe d’Etat a rappelé : « Nous avons obtenu le plus faible pourcentage de droits de douane, par rapport aux autres pays, et je suis convaincue que, dans le cadre du traité, nous pouvons atteindre des conditions encore meilleures. »

Pour éviter toute colère trumpienne, la présidente a cependant donné des gages de bonne volonté et des résultats tangibles. Elle a accepté d’envoyer 10 000 membres de la garde nationale le long de la frontière et de recevoir des migrants d’autres nationalités, dès le début du mandat de Trump. Le gouvernement mexicain a d’autre part augmenté substantiellement les opérations de lutte contre les drogues et au moins 1 100 laboratoires produisant du fentanyl ont été détruits depuis février. Enfin, la décision d’extrader aux Etats-Unis 55 narcotrafiquants réclamés par Washington a été perçue comme un signe fort de coopération, alors que son prédécesseur, Andres Manuel Lopez Obrador, s’était montré réticent à transférer des détenus vers les Etats-Unis.
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« La présidente a consenti à satisfaire toutes les demandes de Donald Trump et il est probable que celui-ci en exige toujours davantage, notamment dans le cadre de la renégociation du traité qui aura lieu en 2026 », s’inquiète John Ackerman, directeur du programme d’études sur la démocratie, la justice et la société à l’université nationale autonome du Mexique (UNAM).
« Le Mexique n’est la “piñata” de personne »

Claudia Sheinbaum se défend dans ses conférences de presse quotidiennes d’une « quelconque subordination » et répète que la relation est basée sur la coopération et la collaboration. L’épisode dit du « golfe du Mexique » est révélateur de sa stratégie avec son voisin du Nord : alors que Donald Trump a demandé à Google de le rebaptiser « golfe d’Amérique », la présidente mexicaine a rappelé que les Etats-Unis ne pouvaient pas ainsi changer une dénomination reconnue internationalement. Le gouvernement mexicain a d’abord écrit à Google en février mais sans réponse de leur part, il vient de déposer plainte contre la plateforme américaine.

« Le Mexique n’est la piñata de personne », a affirmé la présidente en juin, alors que les Etats-Unis sanctionnaient des banques mexicaines pour des activités liées au blanchiment d’argent. « Depuis l’an 2000, les gouvernements mexicains ont toujours cherché à ne pas contrarier les Etats-Unis. La seule exception notable fut le refus de participer à l’invasion de l’Irak après le 11 septembre 2001, rappelle Juan Carlos Barron Pastor, directeur du Centre de recherches sur l’Amérique du Nord à l’UNAM. Mais on ne peut pas dire que Claudia Sheinbaum soit plus conciliante que ses prédécesseurs, surtout face à Donald Trump qui professe des menaces totalement inédites, comme celles de mener des opérations militaires sur le territoire mexicain. »

Dans une interview donnée au média The Daily Caller le 2 septembre, Donald Trump a répété que « les cartels dirigeaient le Mexique » et que la présidente mexicaine était « charmante mais [qu’]elle a tellement peur des cartels qu’elle n’arrive même plus à réfléchir clairement. J’ai proposé d’envoyer des militaires mais elle a refusé ». Le Mexique semble pour l’instant avoir échappé à cette menace d’opérations militaires sur son sol en signant avec Marco Rubio, quelques jours après cet entretien, un accord de sécurité où chaque pays s’engage à agir sur son territoire.

Lundi 29 septembre, Claudia Sheinbaum a annoncé fièrement un nouveau succès dans ses négociations avec Washington, résultat de cet accord de sécurité : « Pour la première fois, les Etats-Unis ont accepté de suivre la piste des armes qui entrent illégalement au Mexique et de collaborer avec nous sur ce dossier. » Un accord que le Mexique attend depuis des années et que la présidente vient d’obtenir d’un gouvernement pourtant pro-armes.

Anne Vigna (Mexico, correspondante)

Pendant la première année de son mandat, la gouvernante de gauche a établi avec son voisin du nord un dialogue qu’elle estime exempt de « subordination ». Elle a limité les droits de douane infligés à son pays et a écarté une présence militaire américaine sur son sol.

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