20/10/2023
« Les peuples colonisés supportent de moins en moins leurs colonisateurs. Un jour viendra où les peuples décolonisés ne se supporteront plus eux-mêmes. En attendant, nous sommes obligés de tenir compte des réalités.
Ce que nous avions à faire de plus urgent, c’était de transformer notre empire colonial, en remplaçant la domination par le contrat.
Nous avons grand avantage à passer le témoin à des responsables locaux, avant qu’on nous arrache la main pour nous le prendre. » [NDLR : référence aux Soviétiques, aux Américains et aux Chinois qui se pressent déjà en Afrique]
Confidence de Charles de Gaulle à Alain Peyrefitte, à l’Élysée, le 20 octobre 1959.
Cette volonté de substituer la « coopération » à la colonisation est une vieille promesse faite par de Gaulle aux Africains qui se sont rangés du côté de la France Libre dès le mois d’août 1940 :
« En Afrique française, comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n’y aurait aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n’en profitaient pas moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer à la gestion de leurs propres affaires. C’est le devoir de la France de faire en sorte qu’il en soit ainsi. » (30 janvier 1944, Brazzaville)
Le processus de décolonisation réalisé par de Gaulle en Afrique noire est presque toujours opéré sur le même modèle :
- instauration d’institutions calquées sur celles de la Ve République ;
- maintien de l’armée française aux endroits stratégiques (notamment au Sénégal à l’ouest, à Djibouti à l’est, cette dernière restant un territoire français) ;
- maintien de l’influence économique de la France avec les deux zones francs calquées sur les anciennes colonies d’Afrique occidentale française et l’Afrique équatoriale française ;
- transfert du pouvoir politique à une élite locale pro-française qui aura préalablement été formée à la gestion de l’État.
C’est dans ce contexte que dans les années soixante, fleurissent en Afrique noire ce que les Gaullistes appellent « les Républiques françaises d’Afrique ».
Il s’agit en effet pour de Gaulle de maintenir un « pré carré » afin d’éviter d’être évincé du continent par l’Amérique et l’Union soviétique.
Il s’agit enfin de remplacer « la domination » caractéristique de la politique coloniale de la IIIe République, « par le contrat » caractéristique de la politique coloniale des Capétiens.
Une relation fondée « sur le contrat », tant en Amérique du Nord qu’aux Indes du temps des rois.
Dans ces deux cas de figure, la politique coloniale de la monarchie est en effet fondée sur des traités de paix et de commerce.
C’est ainsi que Samuel de Champlain en 1603 pour le compte d’Henri IV conclura un premier traité de paix avec les Amérindiens de l’embouchure du Saint Laurent : la « Grande Alliance ».
Ce modus operandi sera également généralisé en Asie par le marquis Dupleix, gouverneur des établissements français de l’Inde de 1742 à 1754.
Illustration : Charles de Gaulle accueille à l'Élysée le président de l'Assemblée nationale ivoirienne, Philippe Yacé, et les présidents du Niger, Hamani Diori, de Haute-Volta, Maurice Yameogo, de Côte d'Ivoire, Felix Houphouët-Boigny, et du Dahomey, Hubert Maga, le 8 mars 1961 à Paris. AFP.
Pour en savoir plus : Robert Bourgi, « Le général De Gaulle et l'Afrique noire (1940-1969) », éditions LGDJ, 1980.
64 ans jour pour jour, 20 octobre 1959.