25/10/2022
Jean Michel Meurice et Christophe Talczewski, deux compagnons de route
A quelques jours d'intervalle, Jean Michel Meurice et Christophe Talczewski nous ont quitté. Deux générations, deux réalisateurs, deux parcours, et pour nous à Point du Jour un même film emblématique, fondateur pour l’agence à ses débuts « Solidarnosc ».
Solidarnosc est le premier film d’une collection que Jean Michel initie en 1991 et qu’il titre « histoire d’actualité » (*). Elle raconte les bouleversements du monde au lendemain de la chute du Mur en s’appuyant sur les sources d’archives dont l’accès se trouvait alors soudainement facilité.
Au principe de cette collection, une intuition de Jean Michel, indissociable de son expérience de peintre, celle de pouvoir révéler dans ces images « d’actualité », l’histoire en train de s’écrire.
Pour ce faire, Jean Michel apportait son sens pictural, cet art unique de poser le mot avec l’image, le premier au service de la seconde, de jouer aussi bien du ralenti et de l’image arrêté que du silence ou de la redondance, pour faire émerger un récit « au présent » des évènements que ces images avaient fixés.
Christophe apportait sa connaissance encyclopédique de l’histoire européenne, histoire politique et histoire de l’art qu’il savait mettre en regard l’une de l’autre. Il apportait aussi son attention aux hommes et aux femmes, « petits et grands », qui font l’histoire, une forme d’humanisme et un esprit de tolérance nourris de son enfance à Lódz, de ses années étudiantes et militantes à Cracovie, de ses mois en prison après l’état d’urgence en 1981, de son exil à Paris où il avait pris ses quartiers en 1985, avec sa compagne Aska.
Jean Michel et Christophe s’étaient trouvés pour faire ce film qu’ils avaient été aller ensemble projeter aux chantiers de Gdansk, devant L**h Walesa mais aussi une partie des protagonistes dans ces images, fiers de voir leur contribution à l’histoire de leur pays ainsi restituée.
L’un et l’autre ont poursuivi leur chemin et chacun à leur manière accompagné l’histoire de Point du Jour et ses rebondissements :
Jean Michel Meurice avec Fabrizio Calvi (Comment ça va la santé ?, Amérique, notre histoire) dans les années 2000, puis avec Benjamin Storax, (Été 1962, la révolution aux deux visages), élaborant au fil de ses films et avec la maîtrise croissante des caméras HDcam, une nouvelle grammaire cinématographique, plus libre, plus personnelle, peut-être plus proche du geste du peintre qu’il n’a jamais cessé d’être. Ainsi le dernier film qu’il réalisa avec nous en 2004, sur « L’opéra de Pékin », au plus près du travail de son ami, l’architecte Paul Andreu.
Avec Christophe Talczewski, nous avons continué de collaborer après qu’il soit retourné vivre en Pologne, en 2004, et décide de se frotter au genre du docudrama qu’il avait inauguré avec « Vatican » quelques années auparavant . Sans doute a -t-il trouvé dans l’exercice de la reconstitution historique qui est devenue sa marque de fabrique une manière d’assouvir son attention au détail, aux traces que l’histoire a laissé dans les objets, l’architecture, les manières de vivre... Il y a eu d’abord « Les chevaliers teutoniques », puis « Le sabordage de la flotte à Toulon » et pour le 60ème anniversaire de l’insurrection de Varsovie, le film « Mourir pour Varsovie » qui lui tenait particulièrement à cœur.
Dans une de nos dernières conversations au téléphone, en mars dernier, Christophe nous racontait son périple à Lviv quelques jours avant l’entrée des troupes russes en Ukraine. Avec Aska et son fils Nicolas, ils étaient partis ensemble assister au festival culturel improvisé que la ville, proche de la frontière avec la Pologne, avait organisé comme un défi à la menace qui s’annonçait.
Quelques semaines plus t**d, Christophe décrivait comment l’afflux de millions d’Ukrainiens avait provoqué non seulement un formidable élan de générosité mais aussi balayé l’ambiance illibérale, anti européenne et polarisée qui régnait depuis plusieurs années dans le pays et qui l’avait fait retrouver le chemin des grandes manifestations de sa jeunesse avec une partie de ses anciens camarades de Solidarnosc.
Christophe, c’était cette disponibilité aux autres et aux évènements, une acuité rare pour comprendre leurs raisons, qui sont aussi nos raisons.
Son amitié et son humour nous manque déjà.
(*) A lire une interview donnée par Jean Michel Meurice en 2012 au journaliste Michel Doussot
https://blogpasblog.wordpress.com/2012/03/16/jean-michel-meurice-chaque-image-darchives-a-son-histoire/
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