18/07/2025
Bolivie : un procès historique pour les victimes d’abus sexuels au sein de l’Église
En Bolivie, la réouverture du procès concernant des abus sexuels sur mineurs au sein de la Compagnie de Jésus suscite une large couverture médiatique. Cette congrégation catholique est impliquée dans de nombreux scandales similaires à travers le continent américain.
Le scandale bolivien a éclaté en 2023, suite à la publication du journal intime d’Alfonso Pedrajas, dit Père Pica, prêtre jésuite décédé en 2009. Dans ce document, il reconnaît avoir abusé d’au moins 85 mineurs entre 1972 et 2000, principalement à Cochabamba, où se tient actuellement le procès.
Sur le banc des accusés figurent aujourd’hui deux anciens dirigeants espagnols de l’ordre, Ramón Alaix et Marcos Recolons. L’accusation leur reproche d’avoir délibérément couvert les agissements d’Alfonso Pedrajas pendant leur mandat. Marcos Recolons occupait alors le second poste le plus élevé au sein de la Compagnie de Jésus au niveau mondial.
Le procès, déjà reporté à deux reprises, doit maintenant se tenir sans nouveau délai, selon les victimes. Parmi elles, Wilder Flores, porte-parole, a déclaré lors d’une interview accordée à notre collègue Carlos Pizarro : « Certaines victimes se sont manifestées, mais nous sommes convaincus qu’il ne s’agit pas seulement de dizaines ou de centaines, mais de milliers d’abus sexuels commis par des membres de la Compagnie de Jésus. »
Il ajoute : « Alfonso Pedrajas n’est pas un cas isolé. Nous avons identifié d’autres auteurs présumés, mais ils échappent à la justice faute de dénonciations. »
Le journal bolivien El Deber souligne l’importance historique de ce procès, le premier à juger sur le sol bolivien d’anciens dirigeants jésuites pour de tels crimes, après des décennies d’impunité. Wilder Flores pointe également les résistances institutionnelles persistantes : « Les autorités boliviennes affichent une volonté de collaboration en public, mais agissent en coulisses. Par exemple, le ministère des Affaires étrangères a demandé le réexamen de l’accord entre le gouvernement bolivien et le Saint-Siège, qui protège l’inviolabilité des archives ecclésiastiques, privant ainsi les victimes de la vérité. »
Selon le quotidien espagnol El País, cet accord signé en début d’année entre l’État bolivien et le Vatican garantit la protection totale des documents de l’Église, ce qui aurait empêché la révélation du journal intime d’Alfonso Pedrajas si celui-ci n’avait pas fuité.
Ce procès marque une étape cruciale dans la lutte contre l’impunité des abus sexuels au sein de l’Église en Bolivie, au cœur d’un combat entre transparence judiciaire et protection institutionnelle.