19/09/2025
Quand j'ai acheté il y a quelques mois le livre de Fliess, j'ai été surpris pas la faiblesse du niveau d'analyse. Il s'agissait essentiellement de compte-rendus médicaux sur les cycles menstruels féminins et aussi masculins ! Des constances empiriques assez oiseuses, et des références assez grossières à Freud.
Sauf que voilà, je comprends que le nez a servi d'image du point du focus analytique qui était le sexe féminin. C'est obvie parce que c'est la thèse même de Fliess. Thèse abandonnée depuis par Freud.
Sauf que métaphysiquement nous avons trouvé un rapport entre noos grec ionien et le nez physiologique. On a opposé ce noûs ionien au noûs iranien qui, lui, pénètre le corps par l'âme via le langage. Le noos pathetikos est proche du monde en tant qu'il détecte les objets, comme la vision périphérique détecte les objets avec l’œil. Alors que le noos analytique est l'équivalent de la vision focale. Or Freud parle très peu d'odeur dans ses analyses oniriques alors que le rêve aménage ces données sensorielles dans ce que l'on nomme béatement l'imagination, la phantasia aristotélicienne. Jusqu'à là FREUD est sur la voie royale et nous reconnaissons la droiture de son esprit.
Il y a eu une bascule analytique très nette ensuite et l'analytique de Freud en est le témoin. Ca tend de plus en plus vers le langage et la catharsis de Jacob Bernays au détriment du matériau du rêve. Cette pente délirante de la psychanalyse sera en outre celle de Lacan inversant signans et signatum dans une bévue quasi clownesque.
Donc il faut revenir au travail de deuil du père : Comment Jacob Freud a-t-il pu échapper au hassidisme pour conserver cette fraicheur analytique ?
https://regardconscient.net/archi02/0212jakobfreud.html
thèse :https://publishup.uni-potsdam.de/opus4-ubp/frontdoor/deliver/index/docId/61882/file/hegener_diss.pdf
Reste que le lien entre les orifices nasaux et le sexe féminin peut avoir un rapport avec la cocaïne prise par le nez. On apprend que en tant qu’assistant de recherche en neuropathologie de l’Université de Vienne, Freud a évidemment eu vent du produit bien assez tôt. Et encore, ici, dans cette bifurcation, il y a une société pharmaceutique, la société Parke-Davis, maintenant filiale de Pfizer, qui a payé le jeune Freud, alors âgé de 28 ans, pas moins de 24 $ pour promouvoir leur nouvelle marchandise à l'aide d'une gazette publicitaire qu'il faudrait retrouver via la "Therapetic Gazette" de George Davis, lue par Freud. Mais le contenu des bienfaits de ce gibolin sera directement recopié par Freud afin d'écrire son article sur les bienfaits révolutionnaires de la co***ne !
https://bsf.spp.asso.fr/index.php?id=84293&lang_sel=fr_FR&lvl=notice_display
Merck, une autre société pharmaceutique, a également envoyé des échantillons à l’ambitieux jeune assistant de recherche. En avril 1884, il récupère sa première commande auprès d’Angel’s Pharmacy et commence immédiatement à faire des expériences sur sa propre personne, avant d'en proposer à ses proches.
Je crois donc qu'à un moment donné Freud a pensé utiliser la cocaïne pour le traitement de l'hystérie. Freud envoyait des échantillons test à des amis étudiants en médecine et présentait le médicament comme une solution potentielle aux problèmes mentaux. Il l’aurait aussi recommandé aux personnes souffrant d’asthme, de troubles alimentaires et de problèmes sexuels, positionnant la cocaïne comme un aphrodisiaque. Freud vendeur de coke pour les labos. Mais c'est surtout sa famille qui en fera les frais, dont particulièrement son père mais pas que...
Selon Freud, la cocaïne pouvait également soigner les addictions à l’alcool et la morphine. Il a présenté le produit à Ernst von Fleischl-Marxow, un physiologiste qui était sous morphine pour contrer la douleur chronique présente dans son pouce depuis qu’il s’était blessé en disséquant un cadavre. Au lieu de neutraliser son addiction, elle n’a fait que l’empirer. Fleischl-Marxow dépensa rapidement 6 000 marks (plus de 3 000 euros) par mois pour assouvir sa dépendance et mourut sept ans plus t**d, à 45 ans.
Pour revenir au père c'est peut-être une l'utilisation médicale plus réussie du produit en chirurgie oculaire mise en place par l' ophtalmologue, Karl Koller, qui a convaincu Freud d'en prescrire pour le glaucome de son père. Nous avons la preuve dans son article sur la coca où il recommande explicitement la cocaïne aux ophtalmologistes pour soigner les yeux malades. (c'est un énorme progrès herméneutique).
La confession est faite par Freud lui-même dans son analyse du rêve de la monographie botanique , PUF 153-155
"Autre fait. J’ai bien fait autrefois quelque chose comme la monographie d’une plante : c’était un travail sur la coca, il a attiré l’attention de K. Koller sur les propriétés anesthésiques de la cocaïne. J’avais moi-même indiqué cette utilisation, mais n’avais pas approfondi la question. Là-dessus, je songe que, dans la matinée du jour qui a suivi le rêve (je n’ai trouvé que le soir le temps de l’interpréter), j’avais pensé à la cocaïne au cours d’une sorte de fantasme diurne. Si jamais j’avais un glaucome, j’irais à Berlin, pour me faire opérer incognito chez un de mes amis par un médecin qu’il m’a recommandé. Le médecin, qui ne saurait pas à qui il a affaire, dirait, une fois de plus, combien ces opérations sont devenues aisées depuis que l’on emploie la cocaïne, et je ne trahirais en aucune manière la part que j’ai eue à cette découverte. A ce fantasme se mêlaient des pensées sur le désagrément qu’il y a pour un médecin à demander à des collègues une aide médicale pour lui-même. Je pourrais payer, comme n’importe qui, l’oculiste de Berlin, qui ne me connaît pas. – A présent que je me rappelle ce rêve diurne, je remarque qu’il recouvre les souvenirs d’un événement précis. En effet, peu de temps après la découverte de Koller, mon père fut atteint de glaucome. Il fut opéré par mon ami, l’oculiste Königstein ; le Dr Koller l’anesthésia à la cocaïne et fit remarquer à cette occasion que les trois personnes qui avaient participé à l’introduction de la cocaïne dans ce domaine se trouvaient réunies là. […]"
==> Freud conseille à son père le docteur Koller qui utilise la cocaïne lors de l"opération et dans le traitement.
https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0310057X0303100301
C'est seulement maintenant que je comprends le rapport, dans le mode opératoire de Fliess. Pour Fliess chaque maladie liée à une partie du corps pouvait être traitée en trouvant son emplacement correspondant dans le nez et en appliquant de la cocaïne à cet endroit. Une théorie que Freud a tellement appréciée qu’il a finalement dû être opéré pour débloquer son nez, tout comme Fleiss....
Last but not least, alors qu’ils soignaient une femme atteinte d’hystérie – une névrose qu’ils croyaient provenir du vagin – Freud et Fleiss ont raté l’opération et presque tué la patiente, ensuite nommé « Irma » dans L’interprétation des rêves. Freud aurait dissimulé cette affaire, omission qui, à notre époque, l’aurait directement conduit à l’exclusion de toute activité médicale.
Bref, est-ce que le pauvre Fleisch (Ernst Fleischl von Marxow) peut nous mener à la personne composite de "barbe rousse", dans ce petit cortège des morts ou presque morts. dont on doit aussi inclure Irma la rescapée ?
Il y a ici des essais de conglomérats de personnes et on retrouve Paneth qui a rencontré Nietzsche à Nice et à qui la traumdeutung de Freud est dédié. Paneth, aussi brillant que Fleisch, meurt aussi à 33 ans de tuberculose, maladie dont on connait les douleurs atroces : https://shs.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-2-page-371?lang=fr&tab=resume