08/09/2020
Éditorial d'Eric Ferrand au guide des Modes Alternatifs de Résolution des Conflits (MARC)
Dans un contexte où les modes de règlement alternatifs des conflits ne cessent de se développer, le recours à la médiation, longtemps confidentiel en France, tend à se populariser de même qu’à s’institutionnaliser.
Ainsi, les dispositions, destinées à favoriser les modes alternatifs de règlement des différends introduites par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016 ont été étendues par la Loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice qui est venue renforcer le recours préalable aux modes alternatifs de règlement des différends.
Il est désormais obligatoire de recourir à la conciliation, à la médiation ou à une procédure participative pour tenter de régler certains litiges.
Mais parallèlement aux avancées des lois, c’est d’abord en tant que pratique, notamment dans le domaine institutionnel, que la médiation s’est développée dans la société française.
Du Médiateur de la République en 1973 devenu Défenseur des Droits en 2011 à divers ministères, aux organismes de sécurité sociale ou encore à certaines collectivités locales -dont Paris en premier-, la médiation institutionnelle est apparue comme un moyen d’améliorer les services publics rendus aux usagers.
Au-delà de cet aspect d’efficacité, la recherche de solutions amiables aux litiges qui peuvent naître entre une autorité administrative et un usager relève d’une éthique qui met en jeu la confiance des citoyens envers les pouvoirs publics.
Dès lors, il est essentiel que l’indépendance des agents de médiation soit garantie, mais aussi que le service qu’ils offrent soit facilement accessible à tous.
Ni avocat, ni juge, ni partie, le médiateur est tenu de pratiquer une écoute bienveillante tout en observant une stricte neutralité. Son intervention consiste principalement à faire naître, par un dialogue contradictoire et l’analyse objective des situations, un accord librement consenti entre des parties opposées dans un rapport de force dissymétrique.
Dans leur rapport de juillet 2019 pour France Stratégie, à la demande de l’Assemblée nationale
« Médiation accomplie ? Discours et pratiques de la médiation entre citoyens et administrations », Daniel Agacinski et Louise Cadin, dressent un état des lieux fort pertinent du champ varié de la médiation institutionnelle tout en relevant la gageure que constitue cette pratique.
Les auteurs analysent en effet que « l’autorité publique a affaire à des données de masse. Son action est tout entière guidée par des règles de portée générale. Elle adopte une position verticale vis-à-vis des administrés et elle est tenue par les principes d’égalité de traitement et de légalité... tandis que la médiation se veut un art du dialogue d’égal à égal, de la prise en compte de la particularité des situations, de la recherche de solutions originales, voire inédites, n’ayant pas vocation à faire jurisprudence »
Cet « art du dialogue d’égal à égal » en milieu hostile fait toute la difficulté de la médiation institutionnelle, qui ne peut se réduire à une procédure, en même temps qu’il fait sa richesse et son intérêt. La médiation reconnaît l’individu et le citoyen là où l’administration à tendance à ne voir que des administrés ou, au mieux, des usagers.
Au plan général, le développement des modes de règlement alternatifs, s’il tend à déjudiciariser et à dédramatiser certains conflits, présente aussi le risque de formater la pratique de la médiation.
C’est pourquoi il est absolument essentiel, dans l’optique de consolider ou de restaurer la confiance des citoyens dans nos institutions, de préserver l’originalité de la fonction de médiateur comme artisan du dialogue «d’égal à égal », indépendamment des procédures mises en places, pour que soit mieux accueillie la parole des citoyens et tout particulièrement de ceux qui subissent les effets de la triple fracture sociale, culturelle et numérique qui fissure notre société.
Réparer des injustices, accompagner, épauler, réorienter, formuler des préconisations d’amélioration et de modernisation du service rendu aux usagers parisiens qui répondent à leurs attentes d’une part et d’en assurer le suivi d’autre part, en un mot réconcilier les citoyens et les pouvoirs publics, voilà ce que doit être la boussole du médiateur, c’est en tout cas la mienne.
Forte d’un réseau d’une cinquantaine de représentants grâce auxquels sont tenues des permanences sur tout le territoire parisien, à raison de 180 demi-journées par mois, où tous ceux qui le souhaitent peuvent venir exposer de vive voix leurs différends ou leurs difficultés, la médiation de Paris tend pleinement vers son rôle de « poche d’écoute » et d’espace de recours auquel je tiens particulièrement et qui en fait l’originalité, l’efficacité et la première médiation institutionnelle territoriale au plan national.
Eric Ferrand,
Médiateur de la Ville de Paris