22/03/2025
46e anniversaire de la naissance de la radio libre à Barcelone
Après des essais techniques concluants, effectués les 23 et 24 septembre 1978, la station Ona Lliure (Onde Libre) apparaît le 4 avril 1979 sur la FM de Barcelone, disparaît et réapparaît le 18 avril. Il s’agit de la première station indépendante identifiée dans la capitale catalane. Elle émet sur 91.5 mégahertz (puis sur 91.1) avec un émetteur de 90 watts qui couvre toute la ville et sa ceinture industrielle. Cette nouvelle radio occupe un appartement de la rue Lluís el Piadós, dans le quartier de Ciutat Vella, près de l’Arc de Triomphe. Elle assure ses émissions du lundi au vendredi, de 21h à minuit.
Ona Lliure se veut porte-parole des féministes, des écologistes, des objecteurs de conscience, des g**s et des travailleurs indépendants. Un groupe de douze personnes, pour la plupart des étudiants et des professeurs de la Faculté de Sciences de l’Information de l’Université Autonome de Barcelone (UAB), a pris l’initiative de sa création. Ce collectif refusant la clandestinité et le concept de « radio pirate », le numéro de téléphone de la station est donné à l’antenne, au risque d’une localisation rapide par les autorités. Ce contact permet à Ona Lliure de structurer une communauté d’auditeurs et de recevoir leurs recommandations sur ses émissions.
6 fermetures administratives
Le 19 avril 1979, deux fonctionnaires du ministère espagnol de la Culture, accompagnés de deux policiers espagnols, interviennent pour fermer ce média et lui retirer son matériel d’émission. Le gouverneur civil de Barcelone, José María Belloch Puig, reproche à Ona Lliure de n’avoir entamé aucune demande d’autorisation d’émettre, c’est-à-dire d’agir clandestinement. Le 23 avril, Ona Lliure revient sur la FM, après avoir acquis un nouveau dispositif de diffusion. Pour renforcer le contact avec le public, ses instigateurs installent des haut-parleurs sur la rambla de Barcelone, sur lesquels le direct est diffusé. Dans l’émission « Antena Oberta », de nombreux auditeurs défendent leur radio.
Ona Lliure connaît le succès, mais une seconde fermeture administrative – elle en connaîtra six au total – la concerne le 15 mai 1979, en vertu d’une « atteinte grave à l’ordre public », selon la nouvelle requête du gouverneur civil. À l’issue de la comparution judiciaire des responsables de la station, par manque de preuves, l’affaire est classée sans suite. Mais, le 28 mai, les autorités ordonnent une nouvelle saisie du matériel et une interdiction d’accès aux locaux de la station, mesures appliquées le 30 mai par plusieurs agents du ministère et agents de police. Cette nouvelle sanction est demandée par le ministère et le directeur général de la radiodiffusion espagnole. L’intervention des autorités est diffusée en direct sur l’antenne lors de l’émission « Vida quotidiana » : les animateurs incitent les auditeurs à venir protéger physiquement leur radio. Le soir de ce même 30 mai 1979 signale la naissance d’une mouvement pour la dépénalisation de la radio libre en Espagne, qui culmine en un Festival pour la liberté, organisé le 13 juin au Parc de la Citadelle de Barcelone. Cette mobilisation attire 4000 personnes, dont de nombreux auditeurs. Le chanteur Pau Riba et le groupe Santi Arisa i La Tribu y participent, pour soutenir le droit d’émission. Auparavant, le 6 juin, un décret espagnol autorise les radios produisant au moins 8h d’émissions continues par jour. Un autre décret, le 8 juin, autorise la publicité sur les nouvelles stations qui le souhaitent (cette possibilité intervient en 1984 en France).
À l’issue d’une réorganisation, Ona Lliure réinvestit la fréquence 91.5, le 22 octobre 1979. Le même jour naît Contraràdio sur 96 MHz, également à Barcelone, suivie de La Campana de Gràcia, sur 99,5 MHz, le 23 octobre. Celle-ci, itinérante, émet tous les soirs depuis un appartement différent. Mais, à l'identique des autres nouvelles radios libres barcelonaises, Ona Lliure ne s’est pas déclarée, car elle souhaite rester libre. Après une nouvelle interruption administrative, le 9 janvier 1980, la coordination des radios libres de Catalogne déclare qu'elle va « continuer à émettre » car « les ondes ne sont pas la propriété de l’État, leur utilisation est libre ».
En 1980, l’Union des Journalistes de Madrid décerne à Ona Lliure un prix à la Liberté d’expression, mais la station pionnière manque de moyens. Elle fait l’objet d’un nouvel événement voué à la soutenir – à l’égal des autres stations libres –, le 23 mai 1980 au Palais des sports de Barcelone. Ce meeting-concert a pour slogan : « Pour la liberté d’expression pour la liberté d‘émission ». Il est organisé en appui à Ona Lliure, la Campana de Gràcia et Radio El Avispero – autre station, établie à Santa Coloma de Gramenet –, en présence des artistes Gato Pérez, Pernil Latino, Jaume Arnella et La Traca, parmi d’autres. Ona Lliure est devenue populaire et iconique. Mais, déjà essoufflée, cette première radio libre barcelonaise éteint son émetteur la même année.
Illustrations, articles, sources :
Magazine La Calle (41), Madrid, mai 1979.
Locaux d'Ona Lliure, quotidien Avui, Barcelone, 12 janvier 1980.
Locaux d'Ona Lliure, Avui, 26 juin 1979.
Évocation d'Ona Lliure, quotidien Punt Diari, Girona, 15 avril 1979
Évocation d'Ona Lliure, Punt Diari, 5 juin 1979
Lancement d'Ona Lliure, Avui, 19 avril 1979
Autocollant et affiche de soutien à Ona Lliure, 1979
Évocation d'Ona Lliure, quotidien L'Indépendant, Perpignan, 18 avril 1979 (I)
Évocation d'Ona Lliure, quotidien L'Indépendant, Perpignan, 18 avril 1979 (II)
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