
14/05/2025
Compte rendu du livre ‘Quid sit lumen’ de Marsile Ficin, paru aux éditions Allia, 2025.
À un moment où certains se plaignent à juste titre de la tendance chronique de nos intellectuels à se tromper, la lecture de cet opuscule de Ficin sur la lumière pourrait s’avérer d’un grand secours... Brillant platonicien du XVe siècle, son auteur, loin des errances actuelles qui enferment la philosophie dans la rhétorique ou la dégradent en idéologie, fut un exemple d’ouverture universelle à la Vérité, dont on sait aussi à quel point elle est aujourd’hui menacée. À la confluence du christianisme et de l’hermétisme, Ficin a su renouer avec la ‘Prisca theologia’ dont on retrouvera encore quelques traces chez Newton ! Le principe d’une tradition doctrinale inter-culturelle dont la pérennité assurait depuis toujours la transmission d’une science sacrée, constituait le cœur de sa pensée qu’il faudrait ressaisir de toute urgence.
Puisqu’il évoque dès le début de son texte le “Soleil Platonicien” (p. 15), on rappellera que dans son explication de l’allégorie de la caverne Platon indique (Rép. VII, 517b) que l’Idée du Bien “a dans le monde visible, engendré la lumière et le souverain de la lumière”, c’est-à-dire le Soleil, symbole naturel de la divinité. L’étymologie du mot dieu comporte d’ailleurs une racine indo-européenne (‘dei’) qui signifie briller. La lumière est donc en premier lieu, comme dans le Prologue de Jean, une Réalité métaphysique et spirituelle invisible, associée à la Vie et à la Connaissance, dont la lumière sensible est un reflet. De même que chez Platon qui dans le passage précité évoquait la vérité et l’intelligence, Ficin parle du “sublime sommet de l’intellect” (p. 21) qui assure la liaison entre le sensible et l’Intelligible : l’intellect est le “rayon” de Dieu (p. 22). La comparaison orphique entre le soleil et l’œil, comparé à une étoile (p. 35), est aussi remarquable (p. 27).
Ficin conclut en écrivant que “la lumière (‘lumen’) est pour ainsi dire un signe divin (‘numen’) renvoyant l’image de Dieu dans ce temple qu’est le monde” (p. 37). Une telle vision montre qu’elle était encore la hauteur de sa pensée comparée aux piètres ratiocinations de nos “philosophes”.
Dans une brève étude finale, le traducteur B. Schefer signale opportunément la grande importance de la ‘catena aurea’ (chaîne d’or) homérique (p. 44) qui avait fait l’objet d’un ouvrage substantiel de P. Lévêque (1959) dans lequel celui-ci associait cette “lumière rectiligne qui traverse le ciel“ à l’axe du monde, sans oublier la “chaîne d’Hermès” dont on sait aussi précisément le lien cosmique avec le Soleil.
Patrick Geay