15/11/2024
“Ce bas monde est un ennemi de Dieu” car « il barre le chemin aux serviteurs de Dieu. », c’est un ennemi pour tous les êtres humains sans exception, aussi bien pour les amis de Dieu (qu’il éprouve) que pour les ennemis de Dieu (qu’il fait damner). Mais ce monde ne peut pas égarer ceux que Dieu - exalté et magnifié soit-Il - a gratifiés de la certitude (yaqin), car ceux-ci sont guéris de l’illusion mondaine. Le Prophète ﷺ a dit en effet : « Pour le bas monde, œuvre celui qui n’a pas la certitude. » C’est-à-dire que, pour celui dont la foi est redoublée par la grâce de Dieu jusqu’à devenir certitude, l’attraction mondaine, non seulement s’affaiblit, mais disparaît, et le croyant vertueux n’œuvre alors plus en vue de ce bas monde périssable, mais seulement en vue de satisfaire Dieu - exalté et magnifié soit-Il - et de Le voir dans l’éternité.
Dounia (c’est-à-dire ce qui est immédiat : la présente vie en ce bas monde) est une épreuve que l’homme doit surmonter pour accéder à la félicité éternelle. Dans le théâtre trompeur de ce bas monde, l’être humain peut facilement s’égarer car plusieurs sortes d’épreuves le guettent. Ces épreuves sont : la passion (hawa), le démon (iblis, shaytan) et enfin et surtout l’âme individuelle (nafs) instigatrice du mal (du moins tant qu’elle n’est pas éduquée et apaisée). Ces épreuves s’agrègent aux illusions mondaines de cette vie immédiate (dounia). La vie future ou dernière (akhirat) sera celle de la rétribution (bonne ou mauvaise, en fonction de nos intentions et de nos actes ici-bas) selon le Jugement de Dieu, exalté et magnifié soit-Il.
Dieu - qu’Il soit exalté - dit dans le Coran : « Nous avons fait une parure de ce que Nous avons disposé à la surface de la terre en vue de les éprouver. » (18:7) Et dans ce monde, il a placé l’humanité (après notre sortie du jardin d’Eden), pour nous y éprouver et pour choisir ceux d’entre nous qu’il voudra faire entrer au Paradis éternel auprès de Lui. Et comme Dieu est Miséricordieux, Il nous prévient des épreuves qu’Il a créées en ce bas monde, afin que nous puissions nous en prémunir : « Ne vous laissez pas abuser par la vie de ce monde. » (31:33) Et Il nous a donné les moyens suffisants - tels que Ses Messages, les modèles prophétiques, la foi, la science, la piété, les bonnes œuvres, la patience, etc. - pour que nous puissions surmonter toutes les épreuves de cette courte vie présente.
Il nous appelle à l’effort pour que nous méritions Sa Grâce. Mais beaucoup sont sourds à l’Appel et se laissent abuser par dounia, par hawa, par shaytan et par nafs: « Ceux-là ont troqué l’Ultime Demeure contre la vie de ce monde, si bien que leur châtiment ne sera pas allégé et qu’ils ne seront pas secourus. » (Coran 2:86)
Le Prophète Mohammed ﷺ a dit : « Si vous saviez ce que je sais, vous ririez peu, vous pleureriez beaucoup, vous dédaigneriez le bas monde et vous préféreriez la Vie Future. » Il a dit aussi : « Le bas monde est la prison du croyant et le paradis du mécréant. » Et également : « Le bas monde est maudit ; est maudit aussi tout ce qu’il renferme, sauf ce qui est voué à Dieu. » Dans ce dernier Hadith, « ce qui est voué à Dieu » (qu’Il soit exalté) se sont les croyants et leurs actes vertueux accomplis en vue de Dieu et du Paradis, comme la prière et les œuvres pies. Ainsi, notre Modèle Excellent a dit : « On m’a donné d’aimer [trois choses] de votre bas monde : les femmes, le parfum et la prière, laquelle est comme la prunelle de mes yeux. » Les deux premiers cités (les femmes et les parfums) ne lui ont pas nui car il les a aimés en Dieu, avec mesure, sans passion dévorante, en rendant grâce à Dieu et en respectant Ses Commandements. Quant à la prière, elle est « de ce monde » mais aussi de l’au-delà, puisque, pour les maîtres, elle est « l’Ascension du croyant ». Par contre, les attraits de ce monde ont nui à ceux qui, les ayant aimés passionnément, s’y sont perdus en oubliant Dieu, exalté soit-Il.
Le Prophète ﷺ nous a mis en garde contre cette perte irréparable : « Le bas monde est agréable et verdoyant. Dieu va vous y installer comme vicaires pour voir comment vous allez agir. Sachez pourtant que, lorsque le bas monde fut déployé pour les enfants d’Israël et rendu accessible, ils s’y perdirent dans les parures, les femmes, les parfums et l’ostentation. » Et Al-Hassan al-Basri a dit : « Par Dieu ! Les enfants d’Israël ont adoré les idoles après avoir adoré Dieu, à cause de leur attachement au bas monde. »
Le Prophète ﷺ a dit : « L’amour du bas monde est la source de tous les péchés. » Et aussi : « Dieu n’a pas créé une créature qui Lui est plus détestable que le bas monde et, depuis qu’Il l’a créé, Il ne l’a jamais regardé. » Cela montre que Dieu, bien qu’il ait créé le bas monde comme une épreuve temporaire, n’a aucune considération pour cet univers éphémère.
Et si nous surmontons cette épreuve, Dieu nous aimera, ainsi qu’il le dit dans le Coran : « Il les aimera et ils L’aimeront » (5:54) et aussi dans le Hadith Qudsi : « Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par des œuvres surérogatoires au point que Je l’aime. Et lorsque Je l’aime, Je suis son ouïe par laquelle il entend, son œil par lequel il voit… » (Bukhari d’après Abu Hurayra).
Voici la version corrigée de votre texte en respectant sa structure complète :
Le bas monde est un artifice trompeur, un rêve maléfique, et nous nous en éveillons au jour de la mort, lequel est, même pour les incroyants, celui de la certitude, car les regards deviennent alors subitement perçants. Le Prophète ﷺ a dit : « Le bas monde est un rêve et ses adeptes sont punis selon leur degré d’attachement à lui. » Et Sayyiduna Ali (رضي الله عنه) a dit : « Les hommes dorment, et quand ils meurent, ils s’éveillent. »
En conséquence, notre Imam al-Ghazâli souligne que la vie présente comporte plus de mal que de bien, plus d’épreuves que de repos, plus de dangers que de chances. Le démon a plus d’entrées vers nos cœurs que l’ange, et il cite une parole du sage Luqman à son fils : « Ô mon fils, le bas monde (dounia) est un océan très profond qui a englouti beaucoup de gens. Aussi, que ton Arche sur dounia soit la crainte révérencielle de Dieu, exalté soit-Il. »
Certes, ce bas monde est comparable à un océan qu’il nous faut traverser pour aborder au rivage béni du Paradis. C’est un océan déchaîné, ténébreux et dangereux, et la religion est le navire que Dieu nous donne pour arriver jusqu’à Lui, exalté et magnifié soit-Il. Encore faut-il embarquer sur ce navire, cette Arche du salut, et accepter l’Autorité de celui qui la dirige, c’est-à-dire le Prince des fils d’Adam, Sayyiduna Mohammed ﷺ, sur lui la grâce divine et la paix.
Ce bas monde est perdu depuis sa création. Sa fonction n’est pas éternelle. Nous ne pourrons jamais modifier sa nature illusoire et trompeuse, mais nous pouvons nous en prémunir si nous le connaissons pour ce qu’il est : un artifice et une prison temporaire. Seule la science religieuse (à commencer par le Coran) nous enseigne cela. En dehors de la religion, des hommes ont inventé des utopies idéologiques mensongères qui promettent des avenirs meilleurs, des lendemains qui chantent. Mais tout cela n’est que suggestion et ruse du démon pour nous enchaîner à ce bas monde périssable et nous faire sombrer avec lui.
D’ailleurs, il est aisé de constater que ces utopies dangereuses ont rempli les plus grands charniers de l’histoire récente, au XXe siècle. Le diable n’est pas en reste non plus avec les religions qu’il a également toujours essayé d’altérer. On peut voir avec les religions antérieures à l’Islam comment il les a corrompues. Il s’est acharné contre elles parce que la religion est son ennemi mortel, du fait qu’elle s’oppose à ses vues en dévoilant ses ruses et en sauvant des êtres humains qu’il s’est juré de perdre.
Le diable s’attaque aussi, bien sûr, à l’Islam depuis le début. Il a excité le monde entier (y compris les sectateurs des anciennes religions) contre l’ultime religion révélée. Et comme ses tentatives frontales et massives ont échoué, il n’a plus, comme arme, que la manipulation des hypocrites pour affaiblir l’Islam et la communauté « de l’intérieur » (mais il n’égare que les pervers). Ainsi, par exemple, il suggère à ces égarés et aux ignorants qui les suivent, que la science de la purification des cœurs est inutile voire nuisible. Pourtant, c’est lui, le diable, qui est nuisible. Et ceux qui l’écoutent se perdent alors hors de la Voie de Dieu, qui consiste avant tout à purifier les intentions et le cœur pour les consacrer à Dieu L’Unique, exalté et magnifié soit-Il.
Dieu fait Sa demeure dans le cœur de Son serviteur croyant et bienfaisant :
« Mon ciel et Ma terre ne peuvent Me contenir, mais le cœur de Mon serviteur croyant, lui, Me contient. »
Ce dernier Hadith Qudsi, rapporté par l’Imam Wahb Ibn Munabbih et cité par l’Imam al-Ghazâli, est contesté par les tenants des nombreuses sectes wahhabites, pour lesquelles Dieu est seulement dans les Cieux. Pourtant, cela n’est qu’une métaphore, car Dieu est au-delà de toute localisation. Toute « localisation » est dans Sa Science. D’ailleurs, le Ciel est également une créature de Dieu, et cette créature a originellement refusé de recevoir le Dépôt primordial (Al-Amânat) que l’homme a accepté, même s’il ne s’en est pas toujours montré digne. Ce hadith d’Ibn Munabbih contient donc un enseignement ésotérique et non une information « géographique ».
Mais l’anthropomorphisme simpliste des wahhabites (qui ont aggravé celui d’Ibn Taymiyya) les égare. Certains vont jusqu’à prétendre que ce hadith est « forgé ». Or, selon Ibn Taymiyya, ce hadith n’est pas « forgé », mais possède une chaîne de transmission « faible ». C’est son avis, mais cet avis n’est pas partagé par le cheikh al-Munabbih ni par l’Imam al-Ghazâli, qui fut un spécialiste de toutes les sciences de la religion, y compris du Hadith.
D’ailleurs, Abû Abdillah Wahb al-Munabbih (historien musulman du premier siècle de l’Hégire, mort en 110 H.) vivait longtemps avant Ibn Taymiyya et, a fortiori, avant Ibn Abdel-Wahhab (le fondateur du wahhabisme moderne). En fait, les wahhabites sont pires que les Kharedjites (khawârij) qui ont entraîné la première vraie Fitna (désordre, trouble, persécution) de l’histoire de l’Islam. Même s’ils étaient dans l’erreur à cause de leur intransigeance et surtout de leurs choix politiques concernant le califat, ils connaissaient mieux la doctrine islamique (aqidah) que les modernes « ultra-wahhabites ».