
22/09/2025
VU SUR LA PLATEFORME DE ARTE
Noce de sang, film de Carlos Saura, est une œuvre où se rejoignent et s’entrelacent plusieurs arts. Inspiré d’une pièce de Federico García Lorca, il ne s’agit pourtant pas d’une simple adaptation littéraire : c’est avant tout un ballet flamenco signé Antonio Gades, sublimé par l’œil de cinéaste de Saura.
Le film s’ouvre sur un prologue presque théâtral : dans une vaste loge, les danseurs et danseuses se préparent, ajustent leurs costumes, se maquillent devant les miroirs, rient, échangent dans un joyeux tumulte. La caméra glisse d’un visage à l’autre, comme pour capter l’âme de cette troupe avant l’entrée en scène. Fait singulier, l’œuvre adopte le format 1:33, ce cadre presque carré que Gene Kelly considérait comme essentiel à la comédie musicale, là où le cinémascope l’aurait, selon lui, dénaturée. Saura semble partager cette conviction : l’intimité prime sur le spectaculaire.
Puis, dans un moment suspendu, la caméra se rapproche d’Antonio Gades lui-même. Le chorégraphe livre un monologue sur ses débuts, une confession intime qui fait office de seuil. Après cette entrée en matière, la danse peut éclore.
Je ne suis pas un connaisseur du ballet, mais il faut le dire : la beauté de ce spectacle est saisissante. Une grâce irréductible émane de chaque geste, de chaque corps. Saura, toujours à la juste distance, orchestre son film avec une science rare du cadrage et du mouvement. Jamais le spectateur n’a l’impression d’assister à une simple captation théâtrale : ici, tout respire le cinéma. Le montage, la fluidité des plans, l’intelligence de l’espace transforment la danse en un poème visuel.
Plus qu’un film, Noce de sang est une leçon d’art.