26/05/2025
Notre éditorial du mois de juin 2025
Mémoire et vérité
Par Harout Mardirossian
L’Arménie vient d’obtenir une flatteuse 34e place au classement mondial de Reporters sans frontière (RSF) sur la liberté de la presse. Sur les 180 pays recensés par l’organisme de référence en la matière, l’Arménie progresse de 9 rangs depuis l’année dernière et se classe devant des pays comme l’Italie (49), la Roumanie (55), les USA (57) et dépasse désormais la Géorgie (114) sans parler des mauvais élèves que constituent les voisins de l’Arménie à savoir la Russie (171), la Turquie (159), l’Iran (176) et l’Azerbaïdjan (167). Le commentaire porté par RSF pour présenter les résultats de l’Arménie est plus nuancé. RSF indique ainsi que “ malgré un paysage pluraliste, les médias restent polarisés. Le pays est confronté à un niveau inédit de désinformation et de discours de haine, alimenté par des tensions politiques internes, des problèmes de sécurité liés aux frontières et à la position complexe du pays entre la Russie et l’Union européenne ”.
Et c’est vrai que ce qui marque quand on parcourt la presse arménienne, digitale ou papier, c’est la dégradation évidente du niveau de qualité. On atteint désormais un degré inégalé de fausses informations, de demi-vérités, de déclarations d’une rare violence politique, voire d’insultes. La société arménienne est fracturée et sa presse n’échappe pas à ce mouvement. Chacun est sommé de choisir son camp sans possibilité de nuances. On doit être pro-russe ou pro-occidental, pro-Pachinian ou anti-Pachinian, pro-paix ou pro-guerre, rejoignant là un clivage dont les autorités arméniennes portent une lourde responsabilité, elles qui ne cessent de diviser l’Arménie entre blancs et noirs, anciens ou nouveaux, « Arménie réelle » ou « Arménie historique », citoyens arméniens et Arméniens d’Artsakh ou de la Diaspora.
Le risque est grand que ces fractures gagnent durablement et profondément la Diaspora et sa presse. On voit ainsi apparaître des médias, surtout en ligne, qui ne sont que des outils de propagande où la diatribe et la vérité des faits passent au dernier plan. On voit aussi renaître des clivages artificiels et inversés où des intellectuels de salons qui avaient défendu durant la période soviétique la soumission à Moscou, viennent donner des leçons d’indépendance et de Cause arménienne à ceux qui avaient maintenu vivante durant 70 ans l’idée d’une Arménie libre, indépendante et réunifiée, celle du Yérakouïne et de Mer Haïrénik comme en étant les symboles, et d’une nation arménienne unie autour de la reconnaissance et de la réparation du Génocide des Arméniens ou du droit des peuples, dont celui d’Artsakh, à l’autodétermination.
Depuis 1982, France Arménie, lui, est et restera un défenseur infatigable de la Cause arménienne. Pour autant, nous veillons à un traitement de l’actualité diversifié, équilibré, et argumenté. Nos analyses reposent sur des faits pas sur des conjectures partisanes. Nos interviews sont bienveillantes sans être complaisantes. Nos informations sont toutes vérifiées par plusieurs sources convergentes par nos journalistes. Nos photos sont toutes originales et non retouchées par l’intelligence artificielle. Cet ensemble est l’ADN de France Arménie et a construit, au fil des mois et des années, la relation de confiance que nous avons avec vous nos lecteurs, nos annonceurs, nos abonnés, nos donateurs.
C’est pourquoi la conservation de la mémoire de France Arménie par sa numérisation et sa mise en ligne gratuite, ainsi que la transition vers l’édition numérique tout en conservant une version papier revêt aujourd’hui une importance stratégique. Cela va vous permettre, mais aussi aux chercheurs, aux étudiants des générations futures, d’analyser objectivement un pan de l’Histoire de l’Arménie et de la France dans un monde changeant et complexe.
Un grand merci à vous tous qui, par vos dons, avez permis de lancer cette nouvelle phase de l’histoire de France Arménie. Ce n’est pas terminé ! Nous avons encore besoin de vous pour finaliser ce grand projet, qui va inscrire France Arménie dans une approche multi-supports, sans jamais rien renier de son exigence de rigueur dans l’information, sans jamais renier son engagement pour la Cause arménienne.