09/11/2025
EXISTERA-T-IL UN JOUR UNE INDEMNITÉ DE COMPENSATION POUR LE CHANGEMENT DE NATIONALITÉ SPORTIVE ?
Derrière les décisions des jeunes footballeurs talentueux de changer de nationalités sportives en optant pour leurs pays d’origine se posent aussi des questions de justice sportive et de reconnaissance de la formation, qui, dans un futur proche, pourraient s’inscrire dans des dynamiques techniques, économiques et politiques déjà observables dans le monde des transferts entre clubs de football.
En analysant techniquement les dynamiques, les tendances et les rapports de forces, notamment la peur du progrès de l’autre (africain), tout en observant les changements en cours et en inversant la situation, l’idée peut sembler utopique, mais je suis convaincu qu’elle finira par s’imposer juridiquement. Un jour, il pourrait figurer dans les règlements de la FIFA une indemnité de compensation destinée aux fédérations nationales lorsqu’un joueur, né, formé et ayant évolué dans les sélections de jeunes d’un pays, choisit de représenter une autre nation, souvent celle de ses origines.
Aujourd’hui, lorsqu’un jeune défend son pays de naissance dans les catégories U15, U16, U17, U18, U20 ou U23, puis opte pour une autre association sportive nationale, aucun mécanisme officiel ne prévoit de compensation pour la fédération qui l’a accompagné depuis ses débuts. À l’inverse, les clubs bénéficient d’indemnités de formation et de primes de solidarité lors des transferts internationaux, calculées en fonction du temps passé dans leur centre de formation. Pourtant, les États et leurs fédérations investissent, eux aussi, massivement dans la détection, la formation et l’accompagnement des jeunes footballeurs : infrastructures, encadrement technique, suivi médical, préparation physique et mentale.
Ces investissements sont comparables à ceux réalisés par un club, qui bénéficie, lui, d’indemnités de formation ou de primes de solidarité lors de transferts internationaux. Pourquoi les États/fédérations ne pourraient-ils pas bénéficier d’un dispositif analogue lorsqu’ils perdent un joueur « formé » dans les équipes de jeunes, mais non retenu en équipe senior ou qui changent très tôt d’association sportive ? Je parle peut-être d’une idée audacieuse, mais je sens que nous nous dirigeons progressivement vers cette option, surtout lorsque les équipes africaines commenceront à occuper une place beaucoup plus importante sur la scène internationale, et que l’Europe, en particulier, se sentira réellement menacée à tous les niveaux, par la décision de ses meilleurs jeunes joueurs de rejoindre leurs pays d’origine. Car, le changement de nationalité sportive d’un jeune qualifié de crack (par exemple), ne concerne pas uniquement le sportif lui-même : il touche la stratégie des fédérations, leur capacité à préparer leurs seniors, et même la diplomatie sportive.
Les pays de naissance (qui ont aussi naturalisé des immigrés), bien qu’ils ne puissent pas utiliser tous les natifs en A, voient parfois leurs investissements ignorés, tandis que le pays d’origine bénéficie du talent sans aucun coût de formation. Ce « déséquilibre » qui vient de l’effondrement d’un mythe colonial longtemps entretenu et d’un changement de paradigmes des pays africains qui ont énormément progressé en termes d’organisation, d’attractivité et de valeurs, nourrit des débats passionnés, parfois teintés de xénophobie ou racisme.
Je suis l’un des plus heureux lorsque je vois un binational, évoluant dans les sélections de jeunes des pays européens, choisir de représenter mon pays en équipe A. Mais derrière ces décisions se posent des questions fondamentales sur l’avenir et sur ce qui pourrait advenir demain. Je fais aussi partie de ceux qui pensent que les sélections européennes finiront par soulever la question, et elles auront sans doute le droit de l’imposer.
La FIFA que j’observe aujourd’hui est engagée dans une profonde dynamique de révision de ses règlements. Le jour où des binationaux feront basculer la balance en faveur de leurs pays d’origine face à d’anciens coéquipiers des sélections en sélections étrangères, le débat refera surface, et la tendance se dessinera clairement. Cette situation qu’il faut peut-être anticiper, pourrait engendrer des effets à la fois positifs et négatifs : la libération des jeunes joueurs pour leurs pays d’origine, le développement d’une véritable culture d’identité au sein des diasporas africaines, le renforcement de la formation au niveau local, la compensation des « fédérations formatrices » et un encadrement plus strict des clubs étrangers qui retiennent les jeunes sélectionnés ailleurs. Mais les risques seront tout aussi importants : cela pourrait réduire les chances des binationaux de représenter leur pays d’origine ou les pousser à choisir très tôt le pays de leurs ancêtres, voire à ne jamais pouvoir défendre ses couleurs.
Ne soyons pas surpris si une indemnité de compensation émerge dans les années à venir, sous prétexte de créer un équilibre entre pays formateurs et pays de destination, afin de reconnaître la contribution réelle des fédérations qui ont peut-être eu à verser des primes à ces mêmes footballeurs. Cela arrivera certainement lorsque nos sélections africaines remporteront la Coupe du monde avec une majorité de binationaux, qui affronteront, et battront, leurs anciens coéquipiers des sélections européennes.
Bref, ce dont je suis certain, c’est que le football de la prochaine décennie sera profondément différent, tant sur le plan juridique et structurel que sur les plans économique et diplomatique.