21/07/2025
À Son Excellence Ousmane SONKO, Premier ministre de la République du Sénégal
Objet : Pour une refondation économique et structurelle de la gestion des droits de diffusion du football sénégalais
Monsieur le Premier Ministre,
Je me permets de vous adresser cette lettre en tant qu’acteur du football sénégalais, ancien directeur du Casa Sports, par ailleurs vainqueur des éditions de 2021 et de 2022.
Je souhaite attirer votre attention sur une pratique profondément enracinée dans la gestion de notre football national : celle qui consiste à laisser la chaîne publique RTS1 diffuser gratuitement la finale de la Coupe du Sénégal, comme si cela allait de soi. Lorsque j’étais en poste, je m’étais fermement opposé à cette logique en affrontant la FSF et la RTS1, mais je prêchais dans le désert. C’est pourquoi je préfère aujourd’hui m’adresser à vous directement, Monsieur le Premier Ministre, plutôt que de continuer à interpeller des autorités sportives qui, techniquement, ne saisissent pas la portée réelle des enjeux.
Cette pratique repose sur une conception obsolète, qui prive les clubs et les instances sportives de revenus essentiels. Dans toute organisation professionnelle, la diffusion télévisée d’un événement sportif majeur s’inscrit dans un cadre contractuel formel, avec une rémunération proportionnelle à la valeur commerciale de l’événement, souvent estimée à plusieurs millions de francs CFA. Pourquoi en serait-il autrement chez nous ? N’est-ce pas nous-mêmes qui évoquons le « New Deal technologie », censé être au cœur de notre vision politique « Sénégal 2050 » ?
Nous sommes en 2025, à l’ère du numérique, des droits à l’image, du marketing sportif et de la monétisation des contenus. Il est anormal que notre football fonctionne encore selon les méthodes des années 60, où l’on confondait exposition médiatique et gratuité. Aujourd’hui, même un média d’État ne devrait espérer diffuser un événement sportif de grande ampleur sans contrepartie financière. Partout ailleurs, ces droits se négocient, s’achètent, et permettent aux clubs de financer leur développement et leur compétitivité.
Ce qui est encore plus paradoxal, c’est que beaucoup dénoncent les faibles dotations offertes aux vainqueurs des compétitions nationales, sans réaliser que la principale source de financement, les droits de diffusion, est tout simplement négligée, voire bradée. Un club qui gagne la Coupe du Sénégal touche moins de 50 millions de francs CFA, alors que la chaîne qui diffuse l’événement peut, entre publicités, audience et monétisation digitale, générer davantage en une seule soirée.
Et pendant ce temps, vous-même M. Sonko, Madame la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Monsieur le ministre du Travail et de l’emploi, Monsieur le porte-parole de la présidence, ainsi que d’autres hautes autorités, vous-mêmes qui avez récemment suspendu les aides allouées aux clubs représentant le Sénégal en compétitions africaines, étiez présents au stade Léopold Sédar Senghor où la télévision nationale diffusait gratuitement la rencontre. Et personne ne semblait trouver cela « inconfortable », au point d’attirer votre attention.
M. Le Premier ministre, il ne s’agit pas d’un combat contre le média public ni la FSF, mais d’un appel à la cohérence, à la rigueur, à la modernisation et au respect de la chaîne de valeur du sport professionnel, d’un alignement au « Jub Jubal Jubanti ». Ce que je dis ici relève simplement du bon sens, et je suis convaincu que vous partagez la nécessité de remettre les choses à l’endroit, dans une logique de justice économique, de professionnalisation du sport, et de souveraineté structurelle.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma haute considération.
Cherif Sadio,
Ancien directeur de développement du Casa Sports.