20/05/2025
LE NOUVEAU GABON : Peut-on rêver d’une Cinquième République sans culte de la personnalité ?
À l’aube de la Cinquième République, le Gabon aspire à un renouveau politique fondé sur des institutions fortes, la justice sociale et la transparence. Mais dans un pays longtemps marqué par le culte de la personnalité, la véritable rupture passe-t-elle par les textes... ou par les mentalités ?
Brice Clotaire Oligui Nguema a été officiellement investi premier président de la Cinquième République gabonaise. Cette nouvelle ère institutionnelle, issue d’un référendum constitutionnel, porte les espoirs d’une refondation politique après des décennies de pouvoir personnalisé et de gouvernance opaque.
Si la nouvelle Constitution promet un équilibre des pouvoirs, la suppression du culte de la personnalité demeure un défi fondamental. Depuis Léon Mba jusqu’à Ali Bongo Ondimba, le Gabon a vu se succéder des régimes fortement centrés sur la figure du chef, souvent érigé en “père de la nation” incontestable.
Aujourd’hui, la question se pose avec acuité : la Cinquième République peut-elle réellement naître et prospérer sans sombrer dans les travers du passé ?
L’ÉTAT AU-DESSUS DE L’HOMME
L’un des principes fondateurs d’une démocratie moderne est la prééminence de l’État sur l’individu. La République doit se construire autour des institutions, non autour d’une personne. Cela suppose une justice indépendante, une presse libre, des contre-pouvoirs effectifs, et une société civile active. Or, la personnalisation du pouvoir étouffe souvent ces dynamiques.
La transition menée par Oligui Nguema s’est jusqu’ici voulue inclusive, avec un dialogue national et un processus électoral marqué par une large participation. Toutefois, des signes préoccupants subsistent : portraits omniprésents, éloges excessifs, culte médiatique… Autant de réflexes anciens encore vivaces dans l’administration, les médias et même au sein de la population.
UNE RUPTURE CULTURELLE À OPÉRER
Dépersonnaliser le pouvoir est un travail de longue haleine. Cela demande non seulement une volonté politique au sommet, mais aussi une transformation des mentalités collectives. Dans un pays où les figures de pouvoir ont souvent incarné l’État, il est difficile de penser le progrès sans une incarnation forte.
Mais l’espoir réside dans la jeunesse, dans une société plus informée, et dans des voix citoyennes de plus en plus audibles. Internet, les réseaux sociaux, les plateformes de débat public participent à briser l’unanimisme artificiel.
UN TEST POUR LE PRÉSIDENT ÉLU
Brice Clotaire Oligui Nguema a entre ses mains l’opportunité de marquer l’histoire non pas en se faisant célébrer, mais en s’effaçant derrière les institutions qu’il met en place. Gouverner sans chercher à être vénéré, déléguer, accepter la critique, encourager la diversité des opinions, voilà les fondements d’une république mature.
Le véritable chantier de la Cinquième République ne sera donc pas seulement économique ou politique. Il sera aussi culturel et symbolique : faire en sorte que le mot “République” signifie un projet collectif, et non le reflet d’un seul homme.