09/07/2025
TRIBUNE — Le Piège de la bauxite brute: la Guinée face à ses responsabilités
"La Guinée est un scandale géologique", nous rappelait le père de l’indépendance, feu Ahmed Sékou Touré.
La République de Guinée est un pays minier par nature et par excellence. Toutes les matières premières semblent s’y être données rendez-vous : bauxite, fer, or, diamant, cobalt, métaux de base et de construction…
Aujourd’hui, elle est le deuxième pays exportateur mondial de bauxite, juste derrière l’Australie, avec des réserves estimées à plusieurs milliards de tonnes, parmi les plus importantes au monde.
Mais derrière l’excitation des chiffres, une dépendance sérieuse se profile. Selon les données croisées de la Banque africaine de développement (2024) et du FMI (2023), plus de 90 % des exportations minières guinéennes reposent sur la seule bauxite.
Ce modèle est peu profitable, car il repose sur une matière brute que nous n’avons jamais véritablement su maîtriser. Cette exportation unique, aussi massive que peu diversifiée, affaiblit notre souveraineté économique.
Le moindre ralentissement de la demande chinoise, la moindre crise géopolitique ou une simple baisse des cours mondiaux peut suffire à paralyser l'économie nationale.
Alors , que faisons-nous pour sortir de ce cercle vicieux ? Malheureusement, bien trop peu.
Le paradoxe est frappant : la Guinée ne dispose toujours pas d’un Institut national de la Bauxite.
Aucun centre de recherche appliquée, aucune école d’ingénierie dédiée à ce minerai.
Comment un pays détenteur des plus grandes réserves mondiales peut-il rester aussi dépendant des savoirs et des chaînes de valeur étrangères notamment: laChine?
Un Institut de la Bauxite ne serait pas un luxe, mais simplement une urgence nationale. Il permettrait :
• La formation d’une élite technique nationale dans les métiers de l’alumine, de l’aluminium et des technologies minières avancées ;
• La production de données fiables et stratégiques, pour mieux négocier avec les multinationales ;
• L’appui à une politique industrielle ambitieuse, tournée vers la transformation locale ;
• Et surtout, la construction d’une véritable souveraineté minière, au service du développement.
Le projet Simandou, le Transguinéen, la pression démographique, le chômage des jeunes…
Tout nous pousse à repenser notre modèle économique.
Il est temps de sortir de la logique extractiviste léguée de la colonisation, et d’entrer dans une ère de valorisation nationale des ressources.
La Guinée ne doit plus se contenter d’être le réservoir brut du monde.
Elle doit devenir un acteur souverain, capable d’ajouter de la valeur, de former sa jeunesse, de protéger son environnement, et de prendre le contrôle de son avenir.
Créer un Institut national de la Bauxite, c’est poser un acte politique fort.
Un choix stratégique. Un tournant historique.
Comme le disait un penseur africain :
« Le véritable développement commence lorsque la matière première cesse d’être une malédiction. »
Alors, il revient à l'Etat, aux universités, et aux partenaires techniques de faire de cet institut une priorité nationale. Car sans maîtrise de notre bauxite, il serait difficile d'amorcer un développement souverain.
Abdoul Gadiri Wagué
Journaliste engagé pour une gouvernance minière durable