18/10/2025
🔴Guinée 🇬🇳 | Tribune libre — Sékouba Konaté « le général qui a pris la République en otage » ( Ibrahima Kalinko SOW )
Quand la République se fait prendre en otage
Il arrive, dans les histoires malheureuses des nations, qu’un homme sans vision, sans doctrine et sans envergure, soit porté au sommet non par la légitimité, mais par la conjonction d’intrigues, de calculs de coulisses et d’occasions tragiques. L’ancien chef de transition, que le hasard a projeté sur la scène comme on jette un figurant au premier rôle, appartient à cette catégorie de personnages qui ne gouvernent pas : ils occupent, consomment et compromettent.
Celui qui se plaît à parler de son passage au pouvoir comme d’un acte fondateur de l’État moderne guinéen n’a, en réalité, fait qu’installer durablement une culture : celle de la compromission, de l’improvisation et de la médiocrité satisfaite d’elle-même. Là où une transition aurait pu devenir fondatrice, elle devint un marché, une scène, un théâtre où l’ego remplaça l’éthique et où les intérêts personnels étouffèrent l’idée même de République.
I. L’imposture — Un pouvoir né de l’accident et transformé en opportunité personnelle
L’ancien locataire accidentel du Palais ne doit pas sa présence au sommet de l’État à la confiance d’un peuple ni à la rigueur d’un processus institutionnel. Il doit tout à une mécanique improvisée, à une absence de cadre et à l’effondrement du discernement politique dans un moment de crise.
Plutôt que de se comporter en régulateur impartial de la transition, il a choisi le rôle plus confortable et plus rentable de marchand d’influence, distribuant faveurs et frustrations au gré de ses humeurs et de ses intérêts. Une transition qui devait préparer l’avenir fut réduite à une scène de deals tacites — l’État n’était plus qu’un décor, la légitimité une variable et la souveraineté une monnaie.
À cet instant précis, ce ne fut pas simplement une faute politique : ce fut une dégradation morale du pouvoir. Comme l’a dit Thierno Monenembo — lucide et cinglant — « Le malheur de la Guinée est que n’importe qui peut être Président. » L’illustration était parfaite : l’État devenait un théâtre où le costume présidentiel pouvait se poser sur n’importe quelle carrure, même la plus mal taillée.
II. La médiocrité érigée en système — Quand diriger consiste à j***r du pouvoir
Au lieu de poser les bases institutionnelles d’une gouvernance stable, l’ancien chef de transition a consacré son énergie à ce que savent faire les pouvoirs sans projet : user du prestige, butiner les privilèges, affaiblir les contre-pouvoirs. La discipline républicaine fut remplacée par la logique des clans, l’arbitrage par la préférence, la justice par le calcul.
Il ne s’agissait pas de construire, mais de se maintenir dans la lumière — de s’assurer que le passage au pouvoir ne s’oublie pas, quitte à saboter toute espérance démocratique. Là où l’histoire attendait un régulateur, elle trouva un acteur mal dégrossi, plus soucieux de paraître que de servir.
Ce n’est pas simplement de l’incompétence ; c’est l’installation consciente de la médiocrité comme norme d’État. Servir ne fut jamais l’intention : occuper, se garantir, se fabriquer une légende, voilà la ligne.
III. Contradictions, reniements et quête tardive de légitimité
Il y a quelque chose de presque pathétique à voir aujourd’hui celui qui a eu le pouvoir refuser la vérité judiciaire, puis la réclamer à la CPI dans l’espoir de redevenir utile. Déjà cité au procès du 28 septembre, il refusa de comparaître. Aujourd’hui, il feint de découvrir les vertus de la justice internationale.
Et lorsqu’il se met à raconter qu’il aurait bloqué l’arrestation d’un candidat, tout en lui volant sa victoire électorale, l’homme ne se contredit pas — il s’accuse lui-même. En une seule phrase, il avoue ingérence, instrumentalisation de la justice et manipulation du suffrage.
Plus grave encore : celui qui qualifiait hier un leader politique de « compétent et honnête » se découvre aujourd’hui soudain des rancœurs nouvelles, comme si la mémoire devait plier devant les intérêts du moment. Chez lui, la parole ne témoigne pas : elle négocie.
IV. Le tribunal de l’Histoire — Là où la posture ne suffit plus
L’ancien maître éphémère des lieux officiels semble oublier une vérité simple : le pouvoir passe, la trace reste. Hier, il avait autour de lui les drapeaux, les salons protocolaires et les flatteurs de circonstance. Aujourd’hui, il ne lui reste qu’un micro et quelques phrases où transparaît moins la force que l’amertume.
Un homme d’État se mesure à ce qu’il laisse ; un opportuniste, à ce qu’il réclame encore quand tout est fini. Celui qui aurait pu demander pardon préfère occuper l’espace du bruit. Il ignore que le temps, silencieux et méticuleux, travaille déjà à trier les actes et à reclasser les hommes.
Conclusion — Quand l’apparence s’efface, ne reste que la vérité des actes
Il n’appartient pas à celui qui a trompé l’Histoire de la commenter. Il ne lui appartient pas non plus d’enseigner la morale à une Nation qu’il a contribué à fragiliser. La dignité, lorsqu’on l’a refusée aux autres, ne se réclame pas : elle se regagne dans le silence, la lucidité et la réparation.
L’homme aurait pu quitter la scène avec élégance. Il a choisi le vacarme.
L’Histoire, elle, ne fait pas de bruit quand elle juge. Elle constate. Et elle classe. »
Ibrahima Kalinko Sow responsable de la communication, fédération UFDG Sénégal.