
15/04/2025
Une Guerrière et une figure incontournable du cinéma guinéen. Merci pour cet excellent article.🙏🇬🇳🎬
🇬🇳 𝐈𝐬𝐚𝐛𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐊𝐨𝐥𝐤𝐨𝐥 𝐋𝐨𝐮𝐚 : 𝐥𝐚 𝐯𝐨𝐢𝐱 𝐜𝐢𝐧é𝐦𝐚𝐭𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐝’𝐮𝐧𝐞 𝐆𝐮𝐢𝐧é𝐞 𝐞𝐧 𝐦𝐮𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧
Née à Nzérékoré, dans l’exubérance tropicale du sud-est guinéen, et façonnée par l’effervescence urbaine de Conakry, Isabelle Kolkol Loua incarne avec éclat cette nouvelle génération d’artistes africains à la croisée des mondes. Réalisatrice, productrice, entrepreneure culturelle, elle ne cesse de réinventer les contours d’un cinéma guinéen résolument tourné vers l’avenir, sans jamais renier ses racines. À travers son regard sensible et engagé, elle interroge les fractures sociales, les tragédies invisibles et les espoirs têtus d’un peuple en perpétuelle transformation.
𝐔𝐧𝐞 𝐯𝐨𝐜𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐟𝐨𝐫𝐠é𝐞 𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐟𝐨𝐫ê𝐭𝐬 𝐞𝐭 𝐛𝐢𝐭𝐮𝐦𝐞
Isabelle grandit entre deux univers : la quiétude végétale de Nzérékoré, aux confins du pays, et le tumulte vivant de la capitale. Dans cette tension géographique et symbolique, se dessine peu à peu une sensibilité artistique singulière. Dès les bancs de l’école Sainte-Marie, puis du lycée de Kipé, elle développe un sens aigu de l’observation et une appétence instinctive pour les images. Très tôt, elle capte la vie autour d’elle – les matchs de foot improvisés, les rituels quotidiens, les visages des oubliés – armée d’une caméra rudimentaire, mais habitée d’un regard déjà juste.
Ce n’est cependant qu’à l’Institut Supérieur des Arts de Guinée, à Dubréka, qu’elle donne corps à cette passion latente. Diplômée en scénario et réalisation en 2012, elle y découvre non seulement les langages du cinéma, mais aussi sa puissance politique. Le cinéma ne sera pas pour elle une simple vocation artistique : il deviendra un outil de questionnement, un vecteur d’éveil, une arme douce contre l’oubli.
𝐃𝐞𝐬 𝐩𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫𝐬 𝐞𝐬𝐬𝐚𝐢𝐬 à 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐧𝐪𝐮ê𝐭𝐞 𝐝𝐞𝐬 é𝐜𝐫𝐚𝐧𝐬 𝐚𝐟𝐫𝐢𝐜𝐚𝐢𝐧𝐬
Son tout premier film d’essai voit le jour en 2010 : un modeste projet, certes, mais déjà empreint d’une authenticité bouleversante. Un an plus t**d, elle foule les allées du FESPACO, le prestigieux Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Là-bas, au cœur de l’arène du cinéma africain, elle découvre l’ampleur de sa mission : raconter, témoigner, mais surtout faire entendre la voix des sans-voix.
En 2013, elle franchit un nouveau cap avec la réalisation d’un film institutionnel à portée sociale. Le ton se précise, l’engagement s’affirme. Isabelle n’est pas seulement une technicienne de l’image : elle devient une conteuse du réel, une passeuse de regards, une guetteuse d’injustices.
𝐏𝐄𝐏𝐒 : 𝐮𝐧𝐞 𝐟𝐚𝐛𝐫𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐝’𝐢𝐦𝐚𝐠𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐝’𝐢𝐝é𝐞𝐬
En 2018, elle fonde PEPS – acronyme de Production, Édition, Promotion et Sensibilisation – une entreprise polymorphe dédiée à la communication, à la production audiovisuelle et au management artistique. Ce label devient rapidement un incubateur d’histoires fortes et un catalyseur de talents. À travers PEPS, Isabelle réalise des documentaires poignants et des reportages d’actualité, notamment sur l’épidémie d’Ebola, où elle mêle rigueur documentaire et urgence émotionnelle.
Elle filme au plus près des drames humains, sans jamais verser dans le sensationnalisme. Sa caméra épouse les silences, les gestes simples, les larmes retenues – avec une pudeur rare et une force narrative saisissante.
𝐓𝐡𝐞 𝐖𝐚𝐲 : 𝐮𝐧 𝐮𝐩𝐩𝐞𝐫𝐜𝐮𝐭 𝐜𝐢𝐧é𝐦𝐚𝐭𝐨𝐠𝐫𝐚𝐩𝐡𝐢𝐪𝐮𝐞
En 2019, Isabelle Loua offre au public The Way, un moyen métrage coup de poing de quarante minutes, centré sur les ravages de la migration clandestine. Présenté en avant-première à Conakry le 10 octobre de la même année, le film soulève un écho retentissant. Il narre, sans détour, l’itinéraire tragique de jeunes Africains en quête d’un ailleurs mythifié, souvent au prix de leur vie.
Avec une mise en scène épurée et un réalisme bouleversant, The Way révèle le gouffre entre les rêves nourris par les promesses de l’Occident et la brutalité des réalités migratoires. Isabelle y déploie toute la maturité de son regard : elle ne juge pas, elle montre. Et dans cette exposition lucide naît une émotion brute, salutaire.
𝐂𝐢𝐧é𝐦𝐚 𝐞𝐭 é𝐜𝐨𝐥𝐨𝐠𝐢𝐞 : 𝐮𝐧 𝐫𝐞𝐠𝐚𝐫𝐝 é𝐥𝐚𝐫𝐠𝐢
Fidèle à sa volonté de faire du cinéma un outil de transformation sociale, Isabelle entame en 2020 un documentaire sur la gestion des déchets plastiques en Guinée. À travers cette œuvre en cours, elle explore les liens intimes entre crise environnementale et déséquilibres sociaux. Une fois encore, elle mêle engagement local et portée universelle, prouvant que l’art peut – et doit – dialoguer avec les urgences du monde.
𝐔𝐧𝐞 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐧𝐧𝐚𝐢𝐬𝐬𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐦é𝐫𝐢𝐭é𝐞
L’année 2019 consacre son talent : elle reçoit le Prix Moussa Kémoko Diakité de la meilleure réalisation cinéma, une distinction honorant non seulement la qualité de sa mise en scène, mais aussi la singularité de son approche. Cette récompense vient inscrire son nom parmi les figures incontournables du cinéma ouest-africain.
Isabelle Kolkol Loua, c’est l’histoire d’une femme qui ne filme pas pour plaire, mais pour dire. Dire ce que beaucoup taisent. Dire les douleurs sourdes et les renaissances possibles. À travers sa caméra, elle tend un miroir à son pays, à son continent, à sa génération. Et dans ce miroir, elle nous force à regarder en face ce que nous préférerions ignorer.
𝐔𝐧𝐞 𝐜𝐢𝐧é𝐚𝐬𝐭𝐞 𝐝𝐮 𝐫é𝐞𝐥. Une artiste de conviction. Une voix précieuse pour la Guinée d’aujourd’hui – et de demain.
✍𝐏𝐚𝐫 𝐎𝐮𝐬𝐦𝐚𝐧𝐞 𝐀𝐛𝐲 𝐂𝐎𝐋𝐘 / À 𝐥𝐚 𝐜𝐫𝐨𝐢𝐬é𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐚𝐢𝐭𝐬 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐥'𝐚𝐧𝐚𝐥𝐲𝐬𝐞