29/08/2025
Messieurs, avez-vous dit "tounen lakay nou?"
Avons-nous bien entendu vos consignes par lesquelles vous demandez à une population fière comme elle seule, qui a fait l’histoire dont vous n’êtes pas dignes, de retourner chez elle parce qu’elle est méprisée et livrée à elle-même?
Avez-vous compris que vous demandez à des femmes fières comme elles seules, nos combattantes mères et soeurs, descendantes de Sanite Bélair, qu’elles retournent dans des maisons brûlées, pillées et profanées; des maisons qui servent de casernes, endommagées par des tirs d’arme à feu; des murs qui sont devenus des témoins silencieux des viols quotidiens dont sont victimes leurs propres filles après elles?
Avez-vous compris que vous demandez à des enfants fiers comme eux seuls, descendants de leurs ancêtres, de retourner dans des quartiers où les écoles sont brûlées, pillées et profanées; des établissements qui servent de casernes portant de trous de balles partout; des murs qui sont devenus des témoins silencieux de toutes les brutalités dont sont victimes leurs propres parents avant eux?
Avez-vous compris que vous demandez à des personnes agées vulnérables, à des handicapés, de retourner dans des quartiers où il n’existe aucune infrastructure sanitaire, où les centres de santé et hopitaux sont brulés, pillés, profanés, servent de casernes, méconnaissables à cause des trous de balles; des murs qui sont devenus des témoins silencieux des souffrances quotidiennes inhumaines?
Messieurs, que vous le sachiez, ceux qui doivent d’abord retourner dans les territoires perdus, ce sont les représentants de l’État, mais pas les citoyens fragiles et vulnérables. Les représentants de l’État vont d’abord y retourner pour s’assurer que la guerre est terminée, la paix est durablement revenue, les territoires sont contrôlés, réorganisés; les quartiers et les villes sont assainis, réaménagés; les écoles, les hopitaux et les maisons sont reconstruis. Après quoi, les femmes, les enfants, les personnes agées et celles à mobilité réduite arriveront soit pour pardonner, soit pour demander des comptes.
M. Charles Philippe BERNOVILLE
Auteur de "HISTOIRE D’HAÏTI. ON N’A PAS TOUT DIT", disponible ici https://www.amazon.com/Histoire-dHa%C3%AFti-tout-dit-French/dp/B09Y4CJ9CF