06/10/2025
🇭🇹 La volonté d’être esclave : une leçon que nous refusons encore d’apprendre de Lesly François Saint Roc Manigat
Auteur : Marc-Donald Vincent, 6 octobre 2025.
François Manigat, dans une lucidité presque prophétique, décrivait un mal qui ronge Haïti depuis trop longtemps : la dépendance mentale envers l’étranger. Ce n’est pas une question d’époque, mais de mentalité. Ce qu’il dénonçait hier se rejoue aujourd’hui, sous d’autres visages, avec la même intensité.
“L’étranger n’a même pas besoin de donner un diktat au gouvernement actuel… Nos dirigeants sollicitent des décisions étrangères. Ils attendent de l’étranger les moyens de solution des problèmes nationaux.
Cette phrase résonne encore dans le vide d’un État affaibli, où chaque crise devient prétexte à tendre la main. La mendicité diplomatique a remplacé la responsabilité politique. Les dirigeants ne gouvernent plus, ils exécutent les recommandations des chancelleries.
Et Manigat allait plus loin. Il ne s’agissait pas simplement de dépendance, mais d’une soumission volontaire:
Ce n’est pas la dépendance qui explique ça… Il y a une volonté d’être esclave.
Cette volonté d’être esclave, c’est cette habitude inconsciente de chercher la bénédiction du blanc avant d’agir, de croire que rien ne peut être fait sans l’appui étranger. Manigat y voyait un “atavisme de l’esclavage colonial”, un héritage psychologique transmis de génération en génération.
C’est la racine invisible de notre stagnation : même libres, beaucoup refusent de se comporter comme des hommes libres. Pour Manigat, c'est l'atavisme de l'esclavage colonial qu'on retrouve dans le comportement de certains haïtiens qui considèrent que tout ce qui est bon dans le pays vient du blanc.
“Tout ce qui est bon dans le pays vient du blanc, tout dépend du blanc, tout doit provenir du blanc, c’est le blanc qui a raison.”
Aujourd’hui, cette mentalité persiste : on attend l’ONU pour la sécurité, l’OEA pour les élections, la Banque mondiale pour le développement, les ONG pour la santé. Le pays est devenu un terrain sans clôture, où chacun entre, s’installe, décide, sans résistance.
Manigat l’avait parfaitement illustré :
“Si vous avez une propriété clôturée et que l’animal d’autrui veut entrer chez vous, il fera une effraction. Mais si on n’a pas de propriété clôturée, l’animal entre naturellement en pâturage sur le terrain vide qu’il constate.”
Voilà Haïti d’aujourd’hui : une terre sans clôture, sans direction, sans défense collective. Le “terrain vide”, c’est l’État sans vision, sans leadership patriotique. Et tant qu’on ne reconstruira pas cette clôture symbolique — celle des valeurs, des institutions, de la conscience nationale — l’étranger aura toujours la liberté de venir “pâturer” chez nous.
“Nous avons une absence de sens collectif, une absence de sens de l’intérêt national.”
Ce constat, brutal mais vrai, nous renvoie à nos propres responsabilités. Ce ne sont pas seulement les politiciens qu’il faut accuser, c’est tout un peuple qu’il faut réveiller. Car quand “le papa n’est jamais papa”, comme disait Manigat, c’est toute la maison qui s’effondre.
Aujourd’hui plus que jamais, il faut entendre cette leçon : la vraie libération d’Haïti ne viendra pas de l’extérieur. Elle commencera le jour où chaque citoyen, chaque leader, chaque institution refusera de se comporter comme un esclave consentant.
Mettre de “l’eau chez soi”, c’est rebâtir la confiance nationale, réaffirmer notre droit d’exister, de décider, d’espérer.
📌 Message à retenir
Ce n’est pas l’étranger qui nous domine, c’est nous qui lui avons laissé la clé.
Et tant que nous ne referons pas notre clôture, il n’y aura pas de souveraineté véritable — ni dans le discours, ni dans les faits.
Annexe : Verbatim retranscrit [Source : Lesly François Saint Roc Manigat]
Écoutez, je vais vous surprendre, l'étranger n'a même pas besoin de donner un diktat au gouvernement actuel, à nos dirigeants actuels.
Ils sollicitent des décisions étrangères. Ils attendent de l'étranger les moyens de solution des problèmes nationaux. Vous comprenez bien, vous avez affaire, c'est pas seulement une démission, c'est pas seulement comme on dit un sous-sous, non non, ça va beaucoup plus loin.
Il y a une volonté d'être esclave, une volonté d'être esclave. On vous convoque à une ambassade, le président de la république va à une ambassade recevoir des injonctions. On vous convoque à l'étranger, le président de la république va à l'étranger pour entendre les récriminations et les remontrances d'un ministre de la justice étranger. Vous comprenez le bien, vous arrivez à un degré.
Ce n'est pas la dépendance qui explique ça. Beaucoup de pays sont dépendants, mais on ne les voit pas faire cela. Il faut aller au-delà. C'est l'atavisme de l'esclavage colonial qu'on retrouve dans le comportement de certains haïtiens qui considèrent que tout ce qui est bon dans le pays vient du blanc, tout dépend du blanc, tout doit provenir du blanc, c'est le blanc qui a raison, même que le blanc de bonne intention, moi je ne dis pas de ceux qui accusent en disant qu'ils sont ici méchants pour nous tuer, pour nous exterminer, je ne le pense pas, mais je dis ceci, même avec leur bonne intention, il y a des réalités du pays auxquelles ils doivent être introduits avant de pouvoir faire les choses correctement.
C'est le rôle de l'Haïtien et est capital quand il s'agit des rapports avec l'étranger, c'est ce rôle qui s'est effacé, c'est ce rôle qui n'existe pas. C'est pourquoi quand on parle d'ingérence, j'entends des gens parler d'ingérence, des patriotes, je souris, car il n'y a même pas d'ingérence, [...] se chwal papa nan jaden papa. Comprenez bien, si vous avez une propriété clôturée et que l'animal d'autrui veut entrer chez vous, il va faire une effraction, mais si on n'a pas de propriété clôturée, l'animal tout naturellement entre en pâturage sur le terrain vide qu'il constate. C'est ce que nous avons aujourd'hui, nous avons une absence de sens collectif, une absence de sens de l'intérêt national, donc ne venons pas nous plaindre après de ces [...], mettez de l'ordre d'abord chez vous, faites votre clôture, mettez vos principes, affirmez votre droit de propriété, même si ce droit de propriété doit être asservi à des conditions d'autrui.
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