04/11/2025
Quand l’institution scolaire devient champ de honte : l’exigence du sexe par des directeurs comme tarif passe‑droits
Dans ce pays où l’éducation — oserait‑on dire « l’instruction publique » — est présentée depuis des décennies comme la voie royale vers la dignité, l’exigence de la chair des jeunes filles en échange d’un passage en classe supérieure révèle un crime silencieux contre l’avenir. Le corps d’une élève ne doit jamais devenir marchandise. Mais ce drame, rapporté dans divers pays par des organismes de droits humains, trouve aussi des ombres dans nos établissements : « l’abus de position de vulnérabilité, l’échange de faveurs sexuelles contre des diplômes, constituent une exploitation insidieuse, voire un délit. »
1. La trahison du rôle éducatif
L’école, lieu par excellence de formation et d’émancipation, se transforme parfois en espace de détresse. Le directeur ou la directrice qui exige « le corps comme moyenne » piétine la mission même qui lui est impartie : élever, protéger, instruire. Cette exigence n’est pas une erreur isolée, elle est symptôme d’un système vulnérable où le pouvoir n’est plus mis au service de l’élève, mais à son profit illégal.
2. Les effets dévastateurs sur l’élève
Quand une jeune fille apprend que pour « passer » elle doit offrir plus que des efforts, c’est toute sa dignité qui vacille. Le message implicite est que sa valeur dépend de son corps, non de son intelligence. Elle devient prisonnière d’un marché occulte et non d’un cursus scolaire. Le traumatisme, le sentiment de trahison, l’abandon d’un rêve — tout cela se cristallise dans l’âme de l’enfant que l’on avait promis de protéger.
3. Les conséquences sociétales
Ce phénomène n’est pas un scandale privé ; il est corrosif pour l’avenir d’une nation. Quand l’institution scolaire tolère ou ferme les yeux sur de telles pratiques, elle légitime l’injustice et encourage l’abus. À plus long terme, une génération ne verra plus l’école comme tremplin, mais comme fosse. La lutte pour l’égalité des sexes, déjà inaboutie, se retrouve minée de l’intérieur.
4. Vers quelles responsabilités ?
Tout d’abord, les autorités éducatives et judiciaires doivent agir avec rigueur : enquête, sanction, transparence. Ensuite, les parents, les élèves et la communauté doivent refuser de se taire. Une école saine est celle où l’élève avance parce qu’il comprend, apprend, mérite — non parce qu’il se plie à une honteuse transaction.
Et pourtant, malgré les cris étouffés des victimes, malgré les soupirs d’adolescentes blessées dans leur intégrité, le silence continue de régner dans les salles de direction. Pire encore, ce silence est parfois nourri par la complicité hypocrite de certains membres de l’administration qui ferment les yeux ou minimisent l’ampleur des faits. On transforme l’horreur en rumeur, le viol moral en simple allégation, et l’injustice devient la norme dans des lieux censés former l’élite de demain.
Mais comment former une jeunesse libre si ses repères moraux sont pervertis par ceux qui devraient l’élever ?
Comment prêcher le mérite et l’excellence dans des environnements où la note se négocie sous l’oreiller ?
Comment parler d’éducation quand le corps devient la nouvelle monnaie d’échange?
Ce fléau n’est pas une fiction. Il est réel, quotidien, insidieux. Et chaque jeune fille brisée par ce système pourri est un échec collectif : échec de l’État, de l’institution scolaire, de la société civile et même des familles.
Il est temps que les langues se délient, que la peur change de camp, que ces abuseurs sous uniforme soient identifiés, dénoncés, poursuivis.
La salle de classe ne doit plus être une cage pour la jeune fille haïtienne. Elle doit redevenir un espace de dignité, de savoir et de lumière.
L’impunité ne doit plus rimer avec autorité.
Le courage des victimes doit être notre combat.
L’école, cette terre sacrée, doit être purifiée. Et pour cela, il faudra plus que des mots : des lois appliquées, des sanctions exemplaires, et une mobilisation de conscience.
Car le respect du corps, c’est le début du respect de la nation.
L’éducation n’est pas un privilège dont on s’octroierait la vente contre un corps ; c’est un droit fondamental. Exiger le corps d’une élève pour accéder à une classe supérieure, c’est abandonner non seulement cette élève, mais la promesse d’un avenir juste. La nation tout entière perd quand l’école oublie d’être sanctuaire. Que cette honte cesse, et que la vraie mission de l’instruction renaissent : éveiller les consciences, non les réduire.
Pierre Ismaël NOËL, Journaliste-rédacteur