13/03/2018
La promotion de la santé est une approche globale visant le changement de comportement, mais aussi des environnements relatifs à la santé, à travers une panoplie de stratégies, notamment l’éducation pour la santé, l’encadrement des personnels de la santé, la garantie à l’accès aux soins pour tous. Ce sujet a été maintes fois abordé par les principaux acteurs concernés à savoir les membres du gouvernement, des professionnels et d’autres cadres du secteur de la santé. C’est un sujet qui nous concerne tous. Il est donc normal de demander où en sommes-nous en Haïti.
Si l’IDH, créé par le PNUD en 1990 dans le dessein d’évaluer le niveau de développement humain des pays du monde, avec trois critères fondamentaux à savoir le PIB/ habitant, l’espérance de vie et le niveau d’éducation, ne se voit-on pas en présence d’importants paramètres tels que l’économie, la santé, l’éducation ? Pas besoin de réviser la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme pour savoir que le droit à la santé de chaque individu doit être garanti, car dans tout pays la santé de la population doit être une nécessité d’ordre prioritaire.
Issue de la conférence internationale sur les soins de santé primaires qui eut lieu au Kazakhstan en septembre1978, la déclaration d’Alma-Ata pointe du doigt de manière significative la nécessité d’une action urgente de tous les gouvernements, de tous les personnels des secteurs de la santé et du développement ainsi que du côté de la communauté internationale en vue de protéger et de promouvoir la santé de tous les peuples du monde. La charte d’Ottawa accouchée par la première conférence internationale sur la promotion de la santé en Amérique du Nord (Novembre 1986) ; la déclaration de Jakarta (Juillet 1997) émanant de la 4e conférence internationale sur la promotion de la santé s’axant sur la promotion de la santé, prônent toutes que la santé est un droit fondamental de l’être humain et un facteur indispensable au développement économique et social. Une exploration de ces trois accords nous aurait amené tour à tour à voir voire comprendre combien la santé dans tout pays est significative. Si la déclaration d’Alma-Alta a plaidé pour la l’accessibilité aux soins sanitaires primaires à toutes les populations du monde, la déclaration de Jakarta a plutôt imposé un concept tout à fait complexe à savoir la promotion de la santé tout en prenant soin d’étaler des déterminants de la Santé comme la paix, le logement, l’éducation, les relations sociales, l’équité, le respect des lois, les respects de droits de l’Homme, l’alimentation, etc.
Tenant compte de la définition de l’OMS de notre concept-clé ici, la promotion de la santé, « Processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci » sans omettre d’inclure les trois accords précédents, les OMD et les ODD où la santé est un paramètre des plus répétés; on se demande de ce qu’il est en Haïti. Sujet de débat ? C’aurait, semble-t-il valu la peine. Un petit dialogue avec les Dr Ary Bordes et Catts Pressoir à travers leurs écrits sur l’histoire de la médecine en Haïti pourrait nous aider à découvrir que cette médecine, laquelle dite « haïtienne » a, comme ailleurs, évolué. Poser les problèmes de sa nature ne serait pas une nulle entreprise, car on se perd souvent quand il s’agit de dire ou d’accepter que cette médecine est haïtienne. Si la médecine pratiquée en Haïti n’est pas haïtienne, que doit-il être de sa promotion? Cette médecine même quand elle ne serait pas haïtienne, n’est-elle pas pratiquée au bénéfice de la population haïtienne? Que dire des déterminants? Si le MSPP dans sa politique nationale de santé publique publiée en 2012, reconnait que parler des déterminants de santé en Haïti nécessite de tenir compte des contextes politique, socio-économique, démographique, environnemental et anthropologique ou culturel de la population, elle s’est att**dée pertinemment dans ce même document sur ces différents contextes. Dans notre démarche, il était question dans les lignes précédentes d’interroger la médecine pratiquée en Haïti, sur sa nature s’appuyant sur son organisation systémique et sa pratique. À la fin du mois d’avril de 2015, il y a eu une conférence internationale sur le financement de la santé en Haïti. A entendre ces mots du ministre de la sante publique de l’époque, le Dr Florence D. Guillaume : « Nous voulons dans un esprit de solidarité, d’universalité et d’équité en gardant en mémoire les personnels plus vulnérables, reconstruire un meilleur système de santé accessible à tous et le pérenniser. », on se sent perdu face à cette crise des hôpitaux publics du pays. La FMSS de l’UNDH a bâti cette année ses deux journées scientifiques autour du thème : «Couverture sanitaire universelle en Haïti, quelles stratégies ? » Un thème qui a laissé à vouloir. Sur le panel des conférences-débats ont défilé des professeurs d’université, certains, cadres du MSPP comme le Dr Patrick J. Alfred ainsi que l’économiste Kesner Pharel. Si les discussions ont mis en jeu les facteurs socio-économiques de la santé, on reproche par contre la minceur en concepts démographiques car, on ne peut parler de politique de santé pour une population dont on ignore les statistiques démographiques. Depuis une décennie, la population haïtienne croit de manière incontrôlée, le dernier recensement a eu lieu en 2003, donc, après 13 ans comment peut-on aborder la promotion de la santé dans ce pays ? Notons par ailleurs que la promotion de la santé devrait être un projet bien défini. Le Dr Emile Hérald Charles a, dans ses illustrations montré d’une part, la très mauvaise répartition des ressources humaines en matière de santé, ce qui porte sur la population et d’autre part la crise d’équité en la matière n’outrepassant de décrire le luxe qu’est ce service dans le pays. N’est-ce pas le grand fossé entre les classes économiques qui est à la base ? Des soifs de compréhension de la complexité du sujet ont été étanchées quand le Dr Pavel Desrosiers a indexé l’université en ce qu’elle pourrait voire devrait participer dans l’organisation du système. Peut-on tout lâcher entre les mains du MSPP ? Ça a été sa plus piquante question où il a pris le soin, avant de laisser le panel d’évoquer l’éventuelle efficience du système avec un ministère de la sante publique et des affaires sociales. L’université haïtienne ne fait que produire des ressources humaines (quelle production ?), devrait elle se résumer à cela ? Cette interrogation est apte à nous ramener aux approches de l’ancien directeur du MSPP, le Dr Charles, où plus de 70% de la population haïtienne vit avec moins de 2USD / jour et la négligence de la population urbaine; absence des services primaires, pas d’eau potable, de banques, d’internet, d’hôpitaux, d’écoles, donc, les derniers endroits qu’un professionnel aurait voulu vivre. Ne laissons pas de côté le nombre de professionnels de santé disponibles pour la population haïtienne avec des chiffres de 3,5 professionnels de santé pour 10 000 habitants (en 2013) chiffres incomparables aux 134 pour 10 000 du cuba et des 129 des USA. Selon une recherche publiée en 2000, il est révélé qu’il y avait 95 médecins pour le département du Nord pour 880 000 habitants contre 45 pour le Sud avec 679 666 habitants et 1114 pour l’Ouest dont la population était de 2 7307 18 habitants, quelle disparité ? N’est-il pas nécessaire qu’on prône la décentralisation des services de santé en Haïti ? On essaie de noter que l’université tend à se montrer responsable si à part la FMSS de L’UNDH, la FMP/ EBM de l’UEH a construit ses 2 journées scientifiques de l’année dernière autour du thème : « Les OMD, Haïti où sommes-nous en matière de santé ? » quoiqu’il n’est pas sûr que ces activités aient accouché un quelconque résultat, mais on peut à travers elles espérer une implication directe et significative de l’université dans la question, chose qui semble être une nécessité. Au moins six facultés de médecine dans le pays (disons à Port-au-Prince), 54 écoles d’infirmières reconnues, à peu près 2 facultés d’odontologie, une école de sages-femmes, on se demande de ce qu’il en sera du nombre de professionnels de santé disponibles pour 10000 Haïtiens dans dix ans, pourquoi pas pronostiquer le niveau de la promotion de la santé en Haïti tout en considérant le nombre de médecins et d’autres professionnels à laisser le pays chaque année, chercher une meilleure vie à l’étranger. A-t-il fallu la grève des médecins résidents et internes de l’HUEH, grève qui a gagné tous les hôpitaux publics du pays, pour comprendre que travailler dans le système sanitaire en Haïti ne garantit aucune sécurité, avec des hôpitaux sans matériels, des médecins exposés aux plus grands dangers où plusieurs d’entre eux ont subi des agressions physiques et morales au cours de leur travail sans oublier le salaire de misère qui les rémunère ? Aussi, Parler de santé sans tenir compte de la nutrition serait vaine, d’ailleurs c’est l’une des fonctions vitales chez l’homme. La sécurité alimentaire a toujours grandement figuré dans la liste des déterminants de la santé. Il est admis que 60% de la consommation alimentaire haïtienne repose sur l’étranger et les questions sur l’existence d’un organisme ou d’un laboratoire compétent destiné à tester ces produits ne sont jamais répondues. La restriction sur l’entrée des 23 produits dominicains était selon plus d’un d’ordre purement politique, mais il faut quand même la considérer. Le nombre d’Haïtiens ayant un guide nutritionnel (un personnel ou des documents) s’élève à combien? Les maladies métaboliques dans le pays ont déjà établi leur camp. Ne parle-t-on pas de médecine préventive depuis des années ? Où en est Haïti ? La promotion de la santé sur ce territoire semble intégrer le rang des sujets tabous. Le droit à la santé reste le Canaan visé par des opprimés, lesquels vivent avec le dessous du minimum. Le pharaon des maladies, des épidémies et surtout de mortalité les suivent à grandes enjambées et le « Moïse » semble ne plus exister. Ces esclaves ont osé vaincre le joug de la dictature et ont adopté une nouvelle voie, un nouveau tuteur : la démocratie (quelle démocratie?). Aujourd’hui, on aurait dit qu’ils sont châtiés de leur témérité, ils voulaient le droit à la parole, la liberté d’expression. , liberté de penser, de dire, de critiquer ou de mettre en question ; il est d’accord que ce sont des paramètres clés pour une société moderne et scientifique. Mais, selon un professeur d’université ils ont en quelque sorte été extrapolés. Dit-il : on n’avait pas le droit à la libre expression, mais à l’éducation (???), la sécurité alimentaire, le droit à la santé (???) et aujourd’hui on a le droit d’expression libre mais aucun des ceux précités. Cette approche, veut-elle montrer que le problème de la santé en Haïti doit être posé en tenant compte de l’histoire du pays, des régimes qu’il a connus, des différentes politiques de santé élaborées, de l’implication considérable des tous les secteurs de la vie économique du pays, de la qualité et de la velléité des soutiens apportés par les partenaires (l’OMS surtout) ? Ou encore de l’incidence de la politique générale du pays sur les politiques de santé ou plus, l’ordre de priorité qu’occupe la santé dans les politiques ( budgétaires aussi) de l’état en question ? La médecine traditionnelle est à la portée de 80% de la population contre celle occidentale pour au plus 55%, et cette première n’est pas prise en compte par les autorités sanitaires du pays. Avec les différents problèmes ci-dessus posés, et les différents aspects abordés, peut-on prétendre voir l’ombre de ce qu’est la promotion de la santé en Haïti ?
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La Plume Observatrice, Mai 2016.