10/08/2025
Nous reproduisons le discours inspirant de la Conseillère Électorale, Yves Marie EDOUARD à la grande cérémonie d’ouverture de la troisième édition de l’Université Féministe d’Été (UFE), tenue le 8 août 2025.
Une initiative de Karavan Fanm Pou Chanjman (KFPC) qui a réuni plusieurs personnalités dont la titulaire du MCFDF, Mme Pédrica St Jean.
La coordonnatrice générale de la SOFEHJ, Martine Isaac, a été au nombre des invités (es) d’honneur de cette troisième édition.
Madame la Ministre à la Condition Féminine et aux droits des femmes
Madame la Représentante de l’ONU FEMMES
Madame la Coordonnatrice Générale de KFPC
Madame la Coordonnatrice Générale de SOFEHJ
Madame la Présidente de Fanm Douvanjou
Mesdames, Messieurs de la presse
Distingués (es) invités (es)
« Comme l’a dit Simone de Beauvoir : “Se vouloir libre, c’est aussi vouloir les autres libres.” »
C’est pour moi un grand honneur et une profonde fierté de prendre la parole aujourd’hui avec la force tranquille de celle qui porte la voix des femmes et des filles haïtiennes, dans un pays où l’égalité entre les sexes demeure une aspiration aussi urgente qu’indispensable.
À l’occasion de cette troisième édition de l’Université Féministe d’Été. Votre présence en ce lieu témoigne d’un engagement sincère et courageux : celui de questionner les normes établies, de déconstruire les inégalités, et de contribuer à l’édification d’un avenir égalitaire, inclusif et respectueux de la dignité humaine.
Parler d’égalité entre les femmes et les hommes en Haïti, c’est affronter la matrice même de notre organisation sociale : le patriarcat. Ce système, bien enraciné, perpétue une logique de domination masculine qui prive la moitié de notre population des droits civils, politiques et humains dont elle est légitimement détentrice.
Notre défi est colossal, dans un pays que rongent les crises politiques, économiques, sociales et où les femmes sont souvent exclues des lieux de prise de décision. Et pourtant, l’histoire de notre nation est jalonnée de contributions essentielles des Haïtiennes : depuis la mobilisation du 3 avril 1986, qui a impulsé des progrès considérables comme la création du ministère à la Condition féminine en 1994 et l’adoption de quotas de représentation des femmes d’au moins trente (30%) avec la constitution de 1987, ces avancées législatives ne suffisent pas à briser les structures silencieuses de l’inégalité. Nous devons transformer les mentalités, déconstruire les normes patriarcales qui assignent aux femmes des rôles subalternes, invisibles et insignifiants.
Le thème retenu cette année : « Engagement pour une masculinité positive afin de prévenir les violences sexistes et sexuelles et bâtir des communautés plus justes, plus pacifiques et plus inclusives », résonne profondément en moi. Il met en lumière une problématique que nous ne pouvons plus ignorer : les violences sexistes et sexuelles qui continuent de miner nos sociétés, affaiblir nos communautés, briser des vies.
Selon les Nations Unies, une femme sur trois dans le monde a déjà été victime de violences physiques ou sexuelles. Ces chiffres, derrière leur froideur statistique, traduisent des histoires de souffrance, de silence, et trop souvent, d’impunité.
Agir contre ces violences ne peut se limiter à la protection des victimes. Il nous faut agir à la racine, déconstruire les stéréotypes de genre, combattre les normes patriarcales, et offrir des modèles alternatifs. C’est là que la masculinité positive prend tout son sens : un modèle libéré des injonctions à la domination, à l’agressivité ou au contrôle. Un modèle basé sur le respect, la responsabilité, la bienveillance et la collaboration.
Le thème proposé par Karavan Fanm Pou Chanjman prend une importance particulière dans le contexte électoral haïtien. Nous le savons : la participation des femmes à la vie politique est un indicateur clé de la vitalité démocratique. Pourtant, trop souvent encore, des obstacles culturels, sociaux et politiques freinent leur accès à l’espace public, en particulier dans les périodes électorales.
C’est ici que la masculinité positive devient un levier stratégique. Les hommes – et particulièrement les candidats – doivent comprendre que le leadership politique ne se construit ni par l’intimidation, ni par la marginalisation, mais dans le dialogue, le respect mutuel et la reconnaissance de la compétence.
Promouvoir une masculinité positive dans le processus électoral, c’est :
• Respecter le droit des femmes à être candidates et à concourir dans des conditions justes et sécurisées ;
• Valoriser leurs propositions et leurs contributions sans les réduire au silence ;
• Refuser toute forme de violence verbale, symbolique ou physique ;
• Garantir un espace politique inclusif et pacifique.
Mesdames, Messieurs,
Les élections ne sont pas qu’un moment de vote : elles sont un temps fort de construction démocratique. Une démocratie véritable ne se mesure pas seulement à la participation, mais à la qualité de l’inclusion, à la capacité de nos institutions à représenter toutes les voix, y compris celles longtemps marginalisées.
Encourager les hommes à s’engager pour une masculinité positive, c’est les inviter à devenir des alliés, des partenaires dans la lutte pour l’égalité. Cela signifie aussi leur offrir des espaces de dialogue et de responsabilisation, afin qu’ils puissent remettre en question les modèles toxiques de pouvoir, et s’engager dans la construction d’une société plus juste et plus équitable.
En Haïti, garantir la pleine participation des femmes aux élections n’est pas un simple impératif moral ou symbolique. C’est un enjeu de gouvernance, de stabilité et de développement. Les études l’ont démontré: lorsque les femmes sont équitablement représentées dans les instances décisionnelles, les politiques publiques sont plus inclusives, plus sensibles aux besoins des populations, et plus soucieuses des droits humains.
Je lance aujourd’hui un appel solennel aux hommes haïtiens :
• Engagez-vous pour une masculinité positive dans la sphère électorale.
• Soutenez vos collègues féminines.
• Refusez les discours de haine, de stigmatisation ou de disqualification.
• Démontrez par l’exemple que le pouvoir peut être exercé avec empathie, ouverture et respect de l’autre.
Chères participantes, chers participants,
L’engagement pour une masculinité positive ne doit pas s’arrêter aux portes de cette Université. Il doit irriguer vos actions, vos discours, vos pratiques professionnelles, et vos choix politiques. C’est un engagement concret, mesurable, et vital pour faire Haïti, un pays où l’égalité ne sera plus un slogan, mais une réalité partagée.
En tant que Conseillère électorale, je vous encourage vivement à faire de cette réflexion un levier d’action, et à bâtir ensemble une culture politique de paix, d’inclusion et de justice.
Gason kore fanm,Gason kore demokrasi,Gason kore avni Ayiti.
Ensemble, engageons-nous à construire une Haïti où femmes et hommes cheminent, main dans la main, vers une société solidaire, juste et durable.
Je vous remercie, et souhaite que cette initiative ouvre un chemin de transformation profonde pour nous toutes et tous.