21/11/2025
HOMMAGE À DADOU PASQUET
Il y a dans le sang des vérités qui ne s’effacent pas. Il y a dans les cordes d’une guitare la voix d’un peuple, la mémoire d’une nation. Dadou Pasquet fait partie de ces êtres rares : né avec le kompa ancré dans le cœur, la guitare dans les doigts et la scène comme acte de naissance.
Depuis plus de cinquante années, il marche sur les routes de la musique haïtienne comme un artisan de la mélodie, un architecte d’ambiance, un maestro qui n’a jamais trahi ses origines.
Il a commencé lorsque le kompa n’était pas seulement un genre musical mais une affirmation identitaire : danser pour survivre, chanter pour exister, jouer pour ne pas disparaître. Et lui, il l’a fait avec humilité, avec brio, avec cette élégance sereine qui distingue les grands.
Ses titres nous habitent encore, même lorsque les décennies se superposent : “New York City”, “Ou Pi La”, “Libète”, “Pakapala”. Chacun raconte une page de notre histoire, un battement du cœur collectif, une traversée émotionnelle du peuple haïtien. Dans ses interprétations, il mélange le français, l’anglais et le créole avec la même profondeur, la même densité, la même intensité vibrante.
Dadou Pasquet est un artiste tout-terrain. Parfois homme-orchestre, parfois capitaine d’une formation entière, toujours chef de file de la danse, de la joie, de la nostalgie. Son style ?
Une guitare franche, des arrangements propres, une voix qui se pose comme une plume brûlante. Il ne suit aucune mode : il crée son propre code. Il transforme chaque scène en sanctuaire. Il réunit la diaspora et la Patrie, la rue et la salle, la douleur et la fête.
Dans ses accords, on entend l’exil et la résistance, la mer et la mémoire, la perte et la dignité.
Quand on pense à Haïti aujourd’hui, on voit les maisons fissurées, les routes meurtries, les départs sans retour, les enfants qui chantent malgré la poussière, les bateaux chargés de rêves fragiles. Et parmi ces rêves-là, il y a Dadou Pasquet.
Il prouve que même sous l’oppression du monde, même face à l’exploitation, à l’oubli, à la néocolonisation, une voix peut demeurer libre, une guitare peut devenir une arme de vérité, un concert peut prendre la forme d’une insurrection morale.
Merci à toi, Dadou Pasquet, pour ces décennies de présence essentielle, pour ce regard toujours tourné vers notre pays, pour ce doigté qui enchaîne les accords comme on enchaîne les prières.
Merci de rappeler que la musique haïtienne ne se contente pas d’amuser : elle réveille, elle rassemble, elle guérit.
Merci d’être ce pont entre les aïeux effacés et les enfants à venir.
© Louis Gonzague Edner Day