22/12/2025
L’éditorial d’Andre Darmon
“Le chaos est rempli d’espoir parce qu’il annonce une renaissance.” Coline Serreau
Le Clan des Siciliens
Des dizaines de milliers d’Israéliens vivent depuis des années comme sous respiration artificielle. Pourquoi ? Parce qu’ils ont été frappés par une pandémie autrement plus dévastatrice que le Covid : le post-trauma. Ici, l’expression « stress post-traumatique » est trop faible. Il s’agit d’une blessure plus profonde qu’un stress, plus tenace qu’un trauma : une brèche ouverte par la perte définitive d’un proche, souvent d’un enfant, d’un soldat tombé sur le champ de bataille pour Israël. Une blessure incurable.
Cette fragilité nationale a explosé après une attaque-pogrom dont la cruauté a dépassé l’imaginable. Puis est venue une guerre interminable, que certains acteurs ont transformée en champ de bataille parallèle : des journalistes qui se prennent pour des militants politiques, des avocats occupant l’espace médiatique comme s’ils étaient porte-parole du pays, et des juges qui donnent souvent l’impression de vouloir se substituer au gouvernement et au Parlement. Résultat : une sorte de jeu de chaises musicales institutionnel qui déstabilise l’État et qui crispe nos concitoyens.
Le peuple que je rencontre — le vrai, loin des studios climatisés — est perdu, inquiet, parfois désorienté. Oui, nos infrastructures tiennent, nos capacités militaires restent élevées, l’économie résiste formidablement. Mais notre armure morale, elle, s’est fissurée et une part importante de la société vit désormais dans une forme nouvelle de post-trauma collectif. Et ce n’est pas une formule journalistique.
Il suffit pour cela d’écouter l’onde de choc provoquée par certaines déclarations ou manœuvres :
— un ancien ministre de la Défense, Bougy Ya’alon, accusant l’armée israélienne de mener une épuration ethnique ;
— une procureure militaire faisant fabriquer de faux films accusant nos soldats d’avoir violé un terroriste, images reprises par la planète entière ; cette même procureure qui a démissionné après avoir avoué avoir divulguer ces fake-films.
— des généraux israéliens comparant nos troupes aux n***s ;
— ou encore l’idée que le Premier ministre aurait ret**dé la libération des otages pour des considérations politiques. L’un des chefs du Mossad, responsable des négociations confirme que Bibi n’avait jamais entrave la libération des otages.
Tout cela n’est pas seulement choquant : c’est un fardeau moral qui nous contraint à nous poser une question existentielle : appartenons-nous encore tous au même peuple ? Surtout lorsque ceux qui divisent ainsi la nation continuent tranquillement à réclamer la partition du pays — politiquement et culturellement. Ce cumul de dérives, de mensonges et de coups bas internes a érodé notre confiance collective. Israël affronte une guerre extérieure, mais aussi une érosion interne de sa cohésion, de ses institutions, de sa capacité à fonctionner sans saboter ses propres fondations.
Depuis la tentative de réforme judiciaire de début 2023, une mutation s’est produite — pas seulement politique, presque cognitive. Comme la molécule du Covid qui avait muté méchamment, les neurones d’une gauche radicalisée ont, eux aussi, changé de structure, ont muté. Une gauche qui se permet tout :
— propos racistes et décomplexés ;
— contradictions permanentes selon l’intérêt du moment ;
— attaques systématiques contre le gouvernement, quoi qu’il fasse ;
— appels explicites à la violence politique et au meurtre, y compris contre le Premier ministre.
Cette gauche militante s’est enlisée dans un écosystème judiciaire et médiatique saturé de favoritisme, de clans, de deals souterrains — de quoi évoquer, oui, le Clan des Siciliens. Et, mécaniquement, elle a radicalisé la droite. Résultat : un camp de droite aujourd’hui déterminé à ne plus céder à aucun compromis, surtout à l’approche des élections prévues à la rentrée prochaine. Dans cette atmosphère empoisonnée, même les candidats centristes jouent double jeu. Naftali Bennett, qui assure sans rire qu’il ne boycottera pas le Likoud — alors qu’il n’a jamais boycotté, ni le Hamas ni Ram, le parti arabe — doit s’attendre, lui, à être boycotté par la droite elle-même. D’autant plus que les précédentes élections ont révélé un gouffre entre les sondages et la réalité : les chaînes 12 et 13 ont systématiquement gonflé certains camps par un paramétrage plus que douteux. Bennet qui ?
Reste une question cruciale : qui pourra sortir Israël de cette torpeur, de cette scission interne, oui qui pourra défaire les tuyaux de cette respiration artificielle morale ?
La réponse pourrait bien venir de ceux qui ont tout perdu et pourtant continuent de se battre :
— les soldats et les soldats blessés
— les parents endeuillés,
— les officiers de haut rang diffamés puis réhabilités, (ceux qui avaient révélé les failles)
— les familles qui paient la guerre au prix fort, sans microphones ni caméras.
Le jour où ces hommes et ces femmes décideront d’entrer en campagne.... électorale, — le pays pourra, peut-être, être s’extirper du marasme et se reconnecter à sa colonne vertébrale morale. Car eux seuls ont payé le prix réel du conflit. Eux seuls pourront remettre Israël debout.