22/11/2025
Lettre à Nafouante.
Cher Nafouante,
ma très grande sœur bien-aimée,
Je t’écris cette lettre que tu ne liras pas.
Tu ne la liras pas, et pourtant je l’écris.
Je l’écris comme on allume une veilleuse dans la nuit,
comme on trace un nom dans la poussière pour qu’il résiste au vent.
Je l’écris parce qu’il faut parfois parler aux morts
pour que les vivants ne se perdent pas.
Il arrive, dit-on,
que les mots murmurés ici-bas trouvent un chemin jusqu’aux contrées où séjournent les âmes,
là où le Barzakh garde les secrets et recueille les contradictions du monde.
Alors j’écris.
Parce que si un souffle te parvient,
il sera fait de notre fidélité.
Tu es née première fille, première lumière,
gardienne du nom, héritière de l’ancien honneur.
Il y avait sur tes épaules une part de l’histoire,
ce poids doux et rude
que seules les âmes immenses portent sans se courber.
Tu étais de ces êtres rares qui ne rendent pas les blessures du monde,
qui recueillent les offenses sans les renvoyer,
qui marchent dans la tempête avec un voile pudique sur les lèvres.
Il y avait en toi cette patience silencieuse,
cette vertu debout,
et cette dignité brûlante que les Braves hissent
comme un étendard contre les lâchetés du siècle.
Toi, jamais une colère.
Jamais un éclat.
Tu laissais la nuit recueillir ta peine
et déposais tes secrets dans la paume de Dieu,
avec cette confiance qui désarme les cieux.
Et pourtant,
même les êtres les plus purs
ne sont pas à l’abri des trahisons du monde.
Même les cœurs les plus vastes
peuvent être emportés sans un mot,
sans un geste,
dans un départ que nul ne comprend.
Ton grand mariage fut un éclat de lumière.
Notre famille, unie comme rarement,
te regardait rayonner.
On aurait voulu suspendre ce moment,
comme on suspend une étoile pour qu’elle ne décline jamais.
Mais vint ce 17 novembre.
Un cri — un seul —
comme un fil qui se rompt,
comme un secret qu’on arrache à la gorge du silence.
Puis le silence.
Le grand silence.
Celui qui retient son souffle devant ce qu’il devine
et refuse de dire.
Le lendemain, tu avais accompli la prière du Fajr,
puis celles du Zuhr et du Asr,
dans l’intimité d’une chambre refermée sur son mystère.
Et puis soudain la nouvelle est tombée,
sèche, implacable :
tu étais partie.
Partie dans des circonstances qui troublent les cœurs.
Partie dans un halo de soupçons que murmurent les vieilles femmes,
que charrient les vents du village,
que répètent les pierres elles-mêmes.
Alors, pour toi,
pour ton nom,
pour cette lumière que tu portais sans jamais faiblir,
nous avons décidé de demander justice.
Non par vengeance — tu ne l’aurais jamais voulu.
Mais pour que la vérité traverse la nuit,
pour que la justice se fraie un chemin jusqu’à toi
comme une prière obstinée.
Peut-être qu’en écrivant,
en déposant ces mots entre terre et ciel,
quelque chose frémira dans les mondes invisibles.
Peut-être qu’une brèche se fera
entre nos larmes et ton Barzakh.
Peut-être qu’au-delà,
là où tu marches désormais,
tu entendras que nous n’avons pas cédé,
que nous ne céderons pas,
que ton nom restera debout.
Va en paix, ma sœur.
Va en lumière.
Nous veillerons sur ton nom comme tu veillais sur nous.
𝑳𝒆𝒕𝒕𝒓𝒆𝒔 𝒒𝒖𝒆 𝒏𝒐𝒖𝒔 𝒍𝒂𝒊𝒔𝒔𝒊𝒐𝒏𝒔 𝒍’𝒆́𝒑𝒊𝒔𝒕𝒐𝒍𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒑𝒐𝒔𝒕𝒉𝒖𝒎𝒆 𝒂𝒏𝒐𝒏𝒚𝒎𝒆.