
06/07/2025
Pourquoi la galaxie Hizbollah alimente la psychose d’un retour de « Daech » au Liban
Les informations relatives au « réveil » des cellules dormantes seraient destinées à justifier le maintien des armes par le Hizbollah, selon les pourfendeurs du parti chiite.
OLJ / Par Jeanine JALKH, le 5 juillet 2025 à 04h00
Depuis quelques semaines, les informations sur une potentielle résurgence de la menace jihadiste au Liban alimentent la peur d’un retour aux attentats. La semaine dernière, la chaîne du Hizbollah, al-Manar, a par exemple annoncé l’arrestation à Bourj el-Brajné, dans la banlieue sud de Beyrouth, d’« une cellule relevant de Daech (acronyme de l’État islamique) et en relation avec le Mossad ». Mercredi, al-Akhbar revient à la charge et accuse de nouveau le Mossad de mobiliser des éléments de Daech au Liban. Dans la foulée, des informations médiatiques font état d’arrestations en série de Syriens dans des régions chiites, notamment Chiyah, près de la capitale, mais aussi Karak à Zahlé et Chmistar près de Baalbeck. Autant de fuites non vérifiées qui ont suscité une véritable psychose alors que le Liban s’apprête à accueillir des dizaines de milliers de touristes, et dont le timing interroge.
Le Hizbollah temporise
Interrogé par L’OLJ, le porte-parole du Hizbollah a reconnu que certaines informations sont erronées. « Parfois, il y a effectivement des erreurs d’appréciation après enquête. C’est le cas de l’affaire de Bourj el-Brajné qui s’est avérée infondée », dit Youssef Zein, rejoignant ainsi le démenti à ce sujet obtenu par notre quotidien auprès de la Sûreté générale. Le porte-parole estime toutefois que tout montre que certaines cellules « ont été réactivées ».
Le plus surprenant en matière de timing est l’émergence relativement récente au Liban d’une cellule qui s’identifie comme « Saraya Ansar al-Sunna » (« Brigade des partisans des sunnites »), un groupuscule considéré par certains experts comme une scission pro-État islamique de Hay’at Tahrir el-Cham (HTC, qui a pris le pouvoir en Syrie).
Apparue publiquement le 1er février en revendiquant sur les réseaux sociaux le meurtre de 12 alaouites à Hama, l’organisation a menacé de conduire d’autres attentats contre les communautés chiites, chrétiennes et druzes en Syrie, mais aussi au Liban, après s’être déclarée active à Tripoli, au Liban-Nord, début mai. Un mois et demi plus t**d, le groupe revendique l’attentat-suicide du 22 juin contre l’église Saint-Élie.
Instrumentalisation politique ?
Dans les milieux hostiles au Hizbollah, on estime que les informations sur le retour en scène du terrorisme islamiste sont toutefois exagérées et destinées à alimenter un climat de psychose. Selon un stratège militaire et ancien officier de l’armée qui a requis l’anonymat, il s’agit d’une nouvelle « manœuvre » du Hizbollah qui fait actuellement l’objet de pressions de plus en plus fortes, sur les plans local et international, pour remettre ses armes. « C’est une comédie de vaudeville montée de toutes pièces par le Hizbollah », dit-il.
Plusieurs analystes anti-Hizbollah originaires de Tripoli indiquent n’avoir jamais entendu parler de ce groupe auparavant et considèrent qu’il est probablement « manipulé par des agents iraniens ou d’anciens officiers de l’ancien régime de Bachar el-Assad ». Leur mobile serait d’affaiblir le nouveau régime dirigé par le président syrien Ahmad el-Chareh. Cette thèse serait confortée par les anciennes pratiques du régime alaouite qui, au début du mouvement de contestation syrienne en 2011, avait libéré des centaines de jihadistes de gros calibre, qui croupissaient dans les geôles syriennes, et utilisé l’argument terroriste pour mater l’opposition.
Mercredi, le député du Akkar Walid Baarini (sunnite) a soupçonné un possible « plan visant à justifier le maintien des armes aux mains du Hezbollah sous prétexte de faire face au terrorisme ». « Ce qui se dit au sujet de l’entrée de groupes étrangers au Liban est une grande exagération », a déclaré M. Baarini. Le 2 juin, al-Akhbar avait évoqué l’entrée de 150 combattants étrangers au Liban depuis Tel Kalakh, à la frontière syro-libanaise. Une information qu’une source proche de l’armée a démentie à L’Orient-Le Jour.
La vérité se trouverait peut-être à mi-chemin entre toutes ces théories : à savoir une peur réelle de la part du parti de Dieu, qui considère les jihadistes sunnites – qu’il a combattus des années durant en Syrie pour maintenir Bachar el-Assad en place – comme une bête noire. Un argument qu’il peut en même temps mettre en avant pour justifier, ne serait-ce que partiellement, le maintien d’une partie de ses armes, maintenant qu’il est question de remettre à l’État ses armes lourdes.
Les forces de sécurité syriennes arrêtant des suspects lors d’une opération dans la banlieue de Damas, à la suite de l’attentat-suicide perpétré le 22 juin 2025 contre une église dans la capitale syrienne. Photo AFP/SANA