09/10/2025
Couple : Le chagrin de B. Diallo, testée séropositive au VIH après son mariage avec son cousin
B. Diallo, aujourd’hui âgée de 33 ans, partage son histoire. En 2019, alors qu’elle n’avait que 27 ans et étudiait en Licence 3 dans une Université de Conakry, elle se marie avec son cousin, un homme désormais âgé de 53 ans et qui vivait entre l’Europe et l’Afrique centrale.
Après près de 24 ans d’absence, ce parent avait renoué avec sa famille en Guinée. Pour s’assurer de ne plus le perdre, ses proches décidèrent de lui trouver une épouse au sein du cercle familial. C’est ainsi que l’étudiante B. Diallo fut proposée à son cousin, dont [ils ignoraient] le passé. La jeune femme a d’abord refusé ce mariage, mais elle finit par reconsidérer sa décision suite à la forte pression familiale, souhaitant notamment soulager sa mère.
C’est dans le cadre de cette union que le destin de B. Diallo a basculé à vie. Quelques mois plus t**d, [alors qu’elle était] enceinte, un test de dépistage, proposé aux femmes enceintes dans certains pays pour la Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME) du VIH, révéla sa séropositivité. C’est à cet instant qu’elle a compris que le point de non-retour était atteint.
Heureusement, son bébé a été sauvé grâce à un traitement sérieux. B. Diallo, quant à elle, vit avec la maladie, maintenant sa résistance grâce à la prise quotidienne d’antirétroviraux et à un suivi médical rigoureux. Fréquentant un centre de soins, elle a accepté de partager son histoire pour éveiller les consciences.
Tout est arrivé par manque de bilan de santé et d’un simple test de dépistage du VIH avant l’union. Le problème est double : il est rare qu’un conjoint déclare son état de santé à l’autre, et accepter son propre diagnostic reste un problème majeur. Beaucoup gardent le secret jusqu’à ce qu’il soit trop t**d. Naturellement, si le mariage n’est que traditionnel, les certificats prénuptiaux sont ignorés. Cette formalité n’est souvent remplie que si un mariage civil devant la mairie est acté. Beaucoup de couples se marient sans aucune précaution. C’est le récit émouvant d’une jeune Guinéenne passionnée. Le Récit de B. Diallo
« Je suis B. Diallo, séropositive âgée de 33 ans aujourd’hui, mère d’un garçon de 6 ans, heureusement sauvé du VIH. Il est sorti indemne grâce à un traitement sérieux suivi pendant ma grossesse : la prise de Névirapine en sirop pendant six semaines, suivie de l’association TLD Tenofovir-Lamivudine-Dolutegravir, destinée à diminuer la charge virale et à protéger le bébé. Ce protocole a 90% de succès pour sauver un enfant dont la mère est porteuse du VIH, selon les médecins. Cet enfant est un véritable espoir qui m’aide à résister à la progression du poids viral dans mon corps.
Le mariage est le souhait de toute personne à un certain âge. Malheureusement, un aspect important est ignoré ou banalisé lors du choix du partenaire : l’état de santé des conjoints. Le risque est énorme à ce niveau. Des milliers de personnes vivent avec le VIH ; elles sont [souvent] si propres et brillantes à nos yeux qu’elles sont au-dessus de tout soupçon. Le plus grand mal est que même si elles savent qu’elles sont malades, elles gardent le secret sans le dire à leur partenaire.
C’est quand j’ai commencé à suivre mon traitement et à fréquenter le centre où je me ravitaille en produits que j’ai croisé des personnes connues, dont on n’aurait jamais pu imaginer qu’elles étaient porteuses du VIH-Sida. C’est pourquoi aucune pression ne doit être exercée par les familles pour pousser au mariage sans un bilan de santé préalable. Je suis victime de cela ; si on m’avait écoutée, j’aurais pu l’éviter. À mon image, beaucoup sont tombés dans ce piège, parfois non pas au premier mariage, mais souvent dans le remariage d’un homme avec la v***e de son grand frère, et inversement, sans savoir de quoi le premier conjoint était décédé.
Des projets brisés
J’avais la tête pleine de projets après mes études. J’aspirais à développer un espace de guide touristique, créer une boutique artisanale et m’établir à l’intérieur du pays pour proposer des plats traditionnels aux passants. Je voulais organiser des randonnées, des excursions et des visites guidées que je souhaitais proposer aux écoles pour leurs cérémonies de fin d’année. D’ailleurs, je faisais un stage dans une agence de voyage pendant mes heures libres à Conakry, dans la perspective de me constituer un carnet d’adresses auprès des étrangers visitant la Guinée et de rendre mes projets viables à l’avenir.
La genèse du basculement
C’est entre-temps que tout s’est brisé pour moi avec un mariage stratégique voulu par la famille dans le seul but de contrôler un homme opulent, riche, mais éloigné des proches. Tout a été misé sur ma personne pour ce prétendu rapprochement qui a fini par devenir un poids dur et à vie sur moi.
Mon mari est un cousin lointain ; nous sommes du même village, mais les liens familiaux n’étaient pas si profonds entre nous. C’est un homme parti très tôt en Afrique centrale, presque coupé de la famille. Ce n’est que lorsqu’il a réussi, après plus de deux décennies, que le contact s’est rétabli avec ses parents. Ceux-ci, étant influents auprès de la communauté grâce à la richesse de leurs enfants, ont demandé à ce qu’il se marie. Ses largesses, notamment pendant le Ramadan et le fait qu’il inscrive des personnes à la Mecque chaque année, ont joué contre moi avec la volonté de mes parents.
Accepter pour soulager ma mère
Ma mère vit, mon père non, mais le dernier mot de la famille revenait à mon oncle paternel. Ma mère n’a pas eu le choix que de me demander d’accepter sous le poids de tous. Elle n’avait aucun moyen de résistance. J’ai finalement accepté pour lui redonner la paix du cœur, car elle passait son temps à me supplier de peur d’être marginalisée. J’ai découvert à la fin que la famille paternelle avait obtenu certains avantages suite à la réussite du mariage. C’était comme un arrangement.
L’homme vivait entre la Guinée équatoriale, le Gabon et passait aussi du temps en Europe, se déplaçant selon les nécessités de son business. J’ai demandé s’il avait une épouse dans ces pays, mais il a répondu que non, qu’il avait eu une femme, mais qu’ils avaient divorcé sans donner plus de détails. C’est par après que j’ai découvert qu’il avait bel et bien eu une famille là-bas, marié à une femme avec laquelle il a eu quatre enfants, [dont il était séparé]. Après notre mariage, une autre découverte surprenante : il était en relation maritale avec une autre femme, sans lien de mariage. Cette femme était une de ses comptables. Selon ce qui est dit, c’est dans ce contact que le virus serait parti. C’est vers la fin de ce lien que l’homme a renoué avec sa famille en Guinée. Cette dame est décédée par après, sans enfants.
Le diagnostic
Nous nous sommes mariés en 2019. Nous avons vécu un moment ensemble en Guinée, il partait et revenait sans durer, suivant ses chantiers à Conakry et au village. Grâce à sa prise en charge, j’ai obtenu un visa de court séjour pour l’Europe. C’est là-bas que j’ai senti les signes de grossesse. Je me plaignais souvent de certains maux, ce qui est normal au début de la grossesse. J’ai bénéficié d’un suivi nécessaire et satisfaisant.
Dans ce pays, comme partout, on propose des tests de dépistage aux femmes enceintes, avec leur consentement. J’ai été soumise au test, et le résultat a révélé que j’étais porteuse du VIH. Là, tout m’est revenu à l’esprit : aucun test n’avait été fait avant l’union. J’ai versé des larmes de regret pendant des jours. J’ai repensé à toute la pression subie, avec l’argument qu’il fallait tout donner à Dieu dans la vie.
J’ai expliqué que je me portais mieux avant le mariage, que j’avais un document de test en Guinée, révélé négatif lors d’une campagne de dépistage volontaire du VIH et de l’hépatite. Le service m’a demandé si j’étais à mon premier enfant, et si chacun de nous avait déclaré son statut avant l’union. Tout cela n’avait pas eu lieu.
J’ai d’abord refusé le diagnostic, pensant que cela n’arrivait qu’aux autres. J’ai dit que je me portais bien, que j’étais en bonne forme physique, et que les sidéens étaient amaigris et faibles. On m’a expliqué que les signes que je décrivais viennent en phase terminale, et qu’on peut être porteur sans aucune charge virale visible, mais être malade au fond. L’urgent était de sauver le bébé que je portais avec un traitement spécifique et approprié, comme je l’ai expliqué au début. Mon mari était déjà rentré en Afrique, me laissant en Europe.
Le médecin qui a fait la découverte m’a dit que je pouvais prolonger mon séjour, mais que pour bénéficier d’un meilleur suivi concernant le VIH, il était préférable de rentrer en Afrique où les centres de traitement sont nombreux et les produits souvent donnés. Il a ajouté qu’en rentrant en Afrique, je pouvais ne pas déclarer mon état et refaire le test pour être sûre.
La découverte désagréable
Au retour, le deuxième test a confirmé la séropositivité. Suivant les consignes, je suis rentrée retrouver l’homme en Afrique centrale où il était établi dans deux pays. Je lui ai proposé un test comme l’hôpital l’avait suggéré. Il a traîné le pas et s’est montré incompréhensif. Il a même crié fort, m’accusant au cas où je le contaminerais, voulant jouer l’innocent.
De discussions en discussions, il a accepté de faire le test, mais il jouait sur les rendez-vous, sachant bien qu’il était atteint. Il était connu des centres de traitement et de prise des produits antirétroviraux. Il a promis de le faire dès son retour d’un petit voyage.
Pendant son absence, j’ai fait une découverte surprenante dans un coin isolé de la maison : il y gardait soigneusement une dose d’antirétroviraux, dans un petit magasin où on ne pouvait pas imaginer. Là, je me suis dit que c’était sciemment fait, que rien n’était accidentel. Je lui ai fait tous les reproches suite aux dommages qu’il m’avait causés.
J’ai expliqué au centre où je suis inscrite que j’avais moi-même découvert que mon conjoint était porteur en voyant ses médicaments. Mon assistant m’a dit que la plupart des gens qui traînent à se faire tester ou refusent catégoriquement connaissent souvent déjà leur statut. Ils refusent le diagnostic et continuent de propager le virus.
Les aveux
À son retour, quand j’ai déposé le contenu de ma découverte devant lui, il n’a plus eu d’autre choix que de me dire la vérité. Il m’a dit : « C’est vrai, on m’avait déclaré malade. Selon les conseils, les produits pris régulièrement pourraient baisser la charge virale, et je pourrais vivre sans transmettre. Malheureusement, ça n’a pas été le cas. » Il a reconnu la trahison. Je n’ai plus rien pu dire, j’ai dû accepter mon destin (pleurs).
Comme il fallait vivre sans stress, je suis finalement rentrée au pays et vis à distance de cet homme, bien qu’il soit presque revenu ici aussi. Je suis mon traitement, je prends mes produits régulièrement avec des alarmes sur mon téléphone pour ne rien oublier. Au début, j’ai voulu utiliser des vices (moyens d’évasion, NDLR) pour tout oublier, mais on m’a déconseillé. Désormais, j’ai mon enfant comme espoir de vie et ma mère à mes côtés. Le divorce n’est pas consommé, mais la distance est là. L’enfant reste notre lien commun. Je suis en Guinée maintenant, je ne bouge plus.
Le mal, c’est que beaucoup de personnes sont dans cette situation, mais n’en parlent à personne à cause de la stigmatisation. Il faut un caractère très fort pour résister à tout. Je dois insister sur le fait que je ne blâme pas la diaspora : même des gens installés au pays sont malades, même des villageois dans les remariages entre v***es et veufs… la contraction du virus est partout.
La stigmatisation et le manque de transparence
Le mal qu’il faut soigner dans cette affaire de VIH, c’est que même si deux partenaires font un test ensemble, le médecin ne déclare le statut de personne. Il vous donne vos documents, c’est à vous de faire l’aveu entre vous. Et il faut être honnête pour le dire, ce qui n’est pas souvent le cas.
Même dans nos mariages, beaucoup de séropositifs ne disent jamais rien. Chacun garde son secret pour soi. Dans certains cas, la femme est au pays, l’homme à l’étranger. On se préoccupe beaucoup plus du retour du mari que du test ; on fait même des sacrifices pour qu’il rentre rencontrer sa femme. Le plus souvent, à son retour, ils partagent le lit sans autre forme de procès. C’est Dieu qui sauve les gens.
Des millions de personnes vivent avec cette maladie contractée loin de toute débauche. Malheureusement, nous vivons une société injuste. Dès que vous portez le Sida, on dit que c’est la conséquence d’être allé partout, alors que vous n’en êtes en rien. Autre triste réalité : des porteurs qui sont très propres, [mais qui], avec l’envie, approchent parfois une personne innocente et la contaminent sans protection. Ce dernier peut être déclaré séropositif un jour et se posera toutes les questions.
Je conseillerai à ceux qui sont sur la file active (sous traitement) de ne pas disparaître. Il faut continuer sans arrêt. Si vous vous déplacez, signalez votre position pour vous inscrire dans un autre centre proche. Il faut venir prendre votre dose d’un mois et revenir. Le simple fait d’abandonner le traitement tue vite. Cela nous expose à la tuberculose. Il faut être bon croyant avec une foi inébranlable pour vivre. »
Source Africaguinee.com
A partager massivement pour souver des vies😭