25/08/2025
Quand les artistes deviennent des outils de propagande Ă Madagascar
Entre conviction, contrainte et compromission:
Ă Madagascar, comme ailleurs, la culture est un outil puissant. La musique, le cinĂ©ma, la danse ou la peinture ne sont pas seulement des formes dâexpression artistique : elles façonnent lâopinion, inspirent les masses et construisent lâimage dâun pays. Mais lorsque le pouvoir politique sâen empare pour lĂ©gitimer ses actions ou dĂ©tourner lâattention des problĂšmes rĂ©els, les artistes se retrouvent au cĆur dâun dilemme moral.
La culture au service du pouvoir:
Depuis des dĂ©cennies, le pouvoir malgache a compris lâimpact Ă©motionnel et populaire de la culture. Les concerts officiels, les festivals sponsorisĂ©s par lâĂtat, les hymnes dĂ©diĂ©s aux campagnes Ă©lectorales ou les vidĂ©os promotionnelles mettant en avant des visages connus ne sont pas anodins. Lâartiste, figure admirĂ©e et suivie, devient un canal de communication plus crĂ©dible quâun discours politique.
Pourtant, derriÚre les sourires et les shows financés, se pose une question lourde : ces artistes sont-ils de simples collaborateurs du pouvoir, ou des complices conscients de ses dérives ?
Responsabilité morale et influence publique:
Lorsquâun artiste cĂ©lĂšbre prĂȘte sa voix, son image ou son art Ă un rĂ©gime, il engage plus que son talent : il met en jeu sa crĂ©dibilitĂ© et son influence.
Dans un contexte oĂč la pauvretĂ© sâaggrave, oĂč la corruption est dĂ©noncĂ©e, oĂč les libertĂ©s reculent, accepter de devenir lâicĂŽne dâune campagne politique peut ĂȘtre perçu comme un acte de cautionnement â voire une trahison envers le public qui lâadmire.
On peut dire que lâartiste qui connaĂźt les rĂ©alitĂ©s sociales mais choisit de se taire ou de chanter les louanges du pouvoir endosse une part de responsabilitĂ©. Car lâart, par sa portĂ©e Ă©motionnelle, peut aussi anesthĂ©sier la colĂšre populaire ou maquiller la rĂ©alitĂ©.
Vente dâĂąme ou nĂ©cessitĂ© de survie ?
Il serait toutefois simpliste de réduire ces choix à une question de cupidité. Plusieurs réalités coexistent :
Le calcul opportuniste : certains artistes acceptent par intĂ©rĂȘt, pour obtenir financement, visibilitĂ© ou avantages matĂ©riels, quitte Ă sacrifier leur intĂ©gritĂ©.
La contrainte : dans certains cas, le refus de collaborer peut signifier lâexclusion des scĂšnes officielles, le blocage des opportunitĂ©s professionnelles, voire des pressions directes.
Lâaveuglement volontaire : certains prĂ©fĂšrent ignorer les dĂ©rives du pouvoir, convaincus que « ce nâest pas leur rĂŽle » de faire de la politique.
Le choix assumé : une minorité adhÚre réellement aux idées du régime, que ce soit par conviction ou par loyauté personnelle.
Un dilemme qui divise
Dans un pays oĂč lâĂ©conomie culturelle repose en grande partie sur les financements publics ou politiques, refuser de collaborer peut ĂȘtre synonyme de marginalisation. Pourtant, lâhistoire montre que les artistes qui osent rester indĂ©pendants acquiĂšrent souvent une aura de respect et dâauthenticitĂ© plus durable que ceux qui deviennent des porte-voix officiels.
Le prix de la crédibilité.
Un artiste peut-il regagner la confiance du public aprĂšs avoir Ă©tĂ© associĂ© Ă une propagande politique ? Oui, mais difficilement. Car dans la mĂ©moire collective, le moment oĂč il a chantĂ© pour un rĂ©gime injuste ou vantĂ© ses mĂ©rites reste gravĂ©. La rĂ©habilitation passe alors par un engagement clair, une prise de position publique et une Ćuvre qui tĂ©moigne dâune rĂ©elle distance avec le pouvoir.
lâart nâest jamais neutre.
Ă Madagascar, comme partout, lâart est un langage qui peut libĂ©rer ou manipuler. Lorsquâil sert Ă soutenir un pouvoir injuste, il perd de sa puretĂ© et devient un outil dâendoctrinement. Les artistes doivent se rappeler que leur influence est une arme Ă double tranchant : elle peut Ă©veiller les consciences ou les endormir. Et dans ce choix, il ne sâagit pas seulement de carriĂšre, mais dâhistoire, de dignitĂ© et de mĂ©moire collective.